N ous avons vu lors du premier volet de cette série, comment trois villes courageuses de Bourgogne ont gagné les toutes premières Légions d'Honneur en tant que communautés , et non pas comme personne physique. Et à la fin du message je vous signalais qu'une quatrième ville avait aussi défendu vaillamment sa liberté face à l'envahisseur. Et en fait c'est elle qui aurait dû avoir la priorité dans l'attribution des médailles ! Comme cette ville tient une grande importance dans ma vie, je vais vous conter cette belle histoire.
Retour 200 ans en arrière : en mars 1814. La France est envahie, suite à la débâcle de la campagne de Russie (1812) et la défaite de Leipzig (1813), par une coalition d'armées étrangères. L'armée autrichienne, passant par la Suisse, a pris Lyon, défendue mollement par le vieux Maréchal Augereau , puis c'est le tour de Saint-Étienne , ville stratégique pour le charbon des mines et surtout les fabriques d'armes de guerre de l'Empire.
Le 23 mars , les avant-gardes autrichiennes se présentent devant Roanne et veulent occuper la ville qui verrouille l'accès vers Clermont-Ferrand. Au niveau du pont sur la Loire, défendu par des canons et une quarantaine d’hommes qui refusent de leur laisser le passage, des coups de feu sont échangés et le détachement étranger se retire.
Une action intrépide des mariniers de Roanne, une autre nuit de mars , fait reculer l'avant-garde autrichienne.
qui redoutait des représailles ultérieures, non sans raison, on le verra, 52 hommes, sous la conduite du commandant Faure, vétéran des guerres révolutionnaires, se mettent en marche. Ils assaillent l’ennemi, pourtant plus nombreux que prévu, au petit matin. L’effet de surprise jouant à plein, l’adversaire est mis en déroute. Pas pour longtemps : 10.000 soldats reviennent le lendemain aux portes de la ville et le général autrichien Hardegg demande qu'on lui livre les partisans qui ont attaqué ses soldats et menace de piller la ville.
Tous ces efforts seront vains, car finalement Napoléon impuissant devant l'invasion presque totale du pays, est contraint d'abdiquer en avril . Le traité de Fontainebleau met fin (provisoirement) à l'Empire et permet le retour de la monarchie française. On offre à l'Empereur le territoire de l'île d'Elbe, entre sa Corse natale et l'Italie, pour y prendre une retraite digne et surtout s'y tenir tranquille ... on connait la suite : il reviendra un an plus tard !
Sur la route vers son lieu d'exil, il passe une nuit à Roanne fin avril et on lui rapporte les hauts faits de résistance récents des gens de cette ville. Il se serait alors exclamé "cette ville mérite la croix ! ". Par conséquent, chronologiquement parlant, c'est donc la toute première ville à laquelle il a pensé donner la distinction , avant celles de Bourgogne qu'il a remercié aussi, mais un an plus tard , à son retour d'exil en 1815 !
Mais voilà , comme dit l'adage " les paroles s'envolent , seuls les écrits restent " , aucun des souverains successeurs dans l'Histoire n'était tenu de respecter une vague promesse , même pas un engagement, proférée par un homme qui, aussi grand soit-il , était tout de même déchu officiellement de son pouvoir ...
C'est beaucoup plus tard, par l'entremise d'un autre aristocrate, Victor Fialin , duc de Persigny, natif d'un village proche de Roanne, et fondateur de la toujours existante Société Historique et Archéologique de la Diana ( rien à voir avec la Princesse de Galles, j'en parlerai une autre fois, car c'est un haut lieu de l'Héraldique française), à Montbrison, que le souvenir est rappelé à Napoléon III, cette fois, le neveu du précédent . Nous sommes en 1864.
La position privilégiée du duc dans l'entourage de l'Empereur, favorise la réalisation de la promesse ancienne de l'oncle. S'en suit la signature du décret octroyant la croix de la Légion d'Honneur à la ville de Roanne et la permission de l'inclure dans ses armes. Elle sera donc la quatrième dans les faits, mais elle était la première dans l'esprit.
Rendons à César ce qui appartenait à ... Napoléon !!!
Dans le cadre du bicentenaire de l'invasion de 1814 et du 150ème anniversaire de la remise de la Légion d'Honneur à la ville, plusieurs manifestations sont programmées en 2014 :
Un spectacle le 24 mai 2014 , Place des Promenades : une rétrospective en 4 tableaux, avec acteurs, chanteurs, musiciens.
• une date est encore prévue :
VENDREDI 17 OCTOBRE 2014, à 20h30 - Amphithéâtre du CUR :
conférence de Jean Tulard, académicien, historien, président de l’Académie Napoléon ,
voir également ICI → ◙
A bientôt pour une nouvelle ville décorée ....→ ICI
Crédits (images et documentation ) , je remercie :
Forez- Info
Ville de Roanne
Herald Dick
Armoiries de Roanne ( France - Loire) "D’azur au croissant d’argent, accompagné de l’insigne de la Légion d’Honneur appendue au chef" devise : se traduit par "Je croissais et je luirai" |
Armoiries de Roanne en 1669 "La Description des provinces et des villes de France" de Pierre de La Planche une des plus anciennes représentations du blason colorié que l'on puisse trouver |
Le 23 mars , les avant-gardes autrichiennes se présentent devant Roanne et veulent occuper la ville qui verrouille l'accès vers Clermont-Ferrand. Au niveau du pont sur la Loire, défendu par des canons et une quarantaine d’hommes qui refusent de leur laisser le passage, des coups de feu sont échangés et le détachement étranger se retire.
Défense de Roanne au pont du Coteau, sur la Loire |
Galvanisés par le succès de ces escarmouches , les gardes nationaux de la ville décident alors d’attaquer une unité de dragons hongrois qui stationnait à quelques kilomètres de là, près de Saint-Symphorien-de-Lay. Contre l’avis du maire de Roanne, François Populle,
François Populle , maire de 1808 à 1815 |
Le maire de Roanne, Populle, fait preuve d'un courage qui sauvera la ville. Il rencontre le général Hardegg au château de Tardy (actuelle mairie du Coteau, face à Roanne qui est de l'autre côté de la Loire). Il lui explique que le contingent du commandant Faure a quitté la ville et pour la question des représailles, il dit : " Vous demandez deux heures de pillage, nous vous répondrons par deux heures de tocsin". Sous-entendant que toute la population et les paysans des alentours accourront, armés de tout ce qu'on trouvera pour tuer un maximum de soldats autrichiens.
C'est du grand bluff , et finalement , le général Hardegg renonce au pillage. En fait , le militaire voulait surtout conserver intact le pont de bois sur la Loire, qui était le seul passage dans la région et qui aurait pû être détruit par les partisans. Mais il n'en demeure pas moins que la négociation courageuse du maire a très certainement sauvé la ville.
Armes des Damas de Couzan armorial de Guillaume Revel "d'or à la croix ancrée de gueules" |
D'autres faits de résistance à la même époque ont été menés dans la région de Roanne par un aristocrate issu d'une des plus grande famille de la noblesse forézienne : Gustave de Damas.
Avec l'aide de volontaires , cet ancien officier de Napoléon qui a servi en Espagne, a mené des actions de guérilla incessantes contre les troupes autrichiennes occupant la région , jusqu'à Lyon , malgré le mépris du Maréchal Augereau envers sa demande de ralliement.
l'impressionnant château de Couzan, près de Montbrison (Loire) , berceau de la famille de Damas |
Tous ces efforts seront vains, car finalement Napoléon impuissant devant l'invasion presque totale du pays, est contraint d'abdiquer en avril . Le traité de Fontainebleau met fin (provisoirement) à l'Empire et permet le retour de la monarchie française. On offre à l'Empereur le territoire de l'île d'Elbe, entre sa Corse natale et l'Italie, pour y prendre une retraite digne et surtout s'y tenir tranquille ... on connait la suite : il reviendra un an plus tard !
Sur la route vers son lieu d'exil, il passe une nuit à Roanne fin avril et on lui rapporte les hauts faits de résistance récents des gens de cette ville. Il se serait alors exclamé "cette ville mérite la croix ! ". Par conséquent, chronologiquement parlant, c'est donc la toute première ville à laquelle il a pensé donner la distinction , avant celles de Bourgogne qu'il a remercié aussi, mais un an plus tard , à son retour d'exil en 1815 !
illustration du centenaire de la Résistance de Roanne. (bientôt le bicentenaire en 2014) |
écartelé : en 1 et 4 d'azur semé d'aigles impériales d'or ; en 2 et 3 , d'argent à la bande d'azur chargée de trois coquilles du champ ( armorial J.B. Rietstap) |
C'est beaucoup plus tard, par l'entremise d'un autre aristocrate, Victor Fialin , duc de Persigny, natif d'un village proche de Roanne, et fondateur de la toujours existante Société Historique et Archéologique de la Diana ( rien à voir avec la Princesse de Galles, j'en parlerai une autre fois, car c'est un haut lieu de l'Héraldique française), à Montbrison, que le souvenir est rappelé à Napoléon III, cette fois, le neveu du précédent . Nous sommes en 1864.
Fialin de Persigny dessin : Marko de Haeck |
La position privilégiée du duc dans l'entourage de l'Empereur, favorise la réalisation de la promesse ancienne de l'oncle. S'en suit la signature du décret octroyant la croix de la Légion d'Honneur à la ville de Roanne et la permission de l'inclure dans ses armes. Elle sera donc la quatrième dans les faits, mais elle était la première dans l'esprit.
Rendons à César ce qui appartenait à ... Napoléon !!!
enveloppe de mairie avec hommage au centenaire - 1814-1914 |
Maison de la place du Château : peintures en trompe-l'œil (y compris les armoiries de la ville) |
plaque commémorative en bronze (1914) - fontaine de la Place de l'Hôtel de Ville de Roanne |
Place de l'Hôtel de Ville ( à Noël) avec devant, le monument-fontaine dédié aux évènements de 1814 |
Dans le cadre du bicentenaire de l'invasion de 1814 et du 150ème anniversaire de la remise de la Légion d'Honneur à la ville, plusieurs manifestations sont programmées en 2014 :
Un spectacle le 24 mai 2014 , Place des Promenades : une rétrospective en 4 tableaux, avec acteurs, chanteurs, musiciens.
• une date est encore prévue :
VENDREDI 17 OCTOBRE 2014, à 20h30 - Amphithéâtre du CUR :
conférence de Jean Tulard, académicien, historien, président de l’Académie Napoléon ,
voir également ICI → ◙
A bientôt pour une nouvelle ville décorée ....→ ICI
Crédits (images et documentation ) , je remercie :
Forez- Info
Ville de Roanne
Herald Dick
Cher Herald Dick, content de parler un peu avec toi, puisque Roanne est une ville "chère à ton cœur".
RépondreSupprimerUn correspondant venu de Russie à l’œil très exercé m'envoie son dessin du blason de Roanne en me précisant que la légion d'Honneur de la ville porte l'effigie d'Henri IV. Je ne sais pas où il a pu voir cela et je m'étonne puisque la médaille a été octroyée par un empereur en mémoire d'un autre empereur ! Pour moi, le profil droit du roi Henri n'appartient à la médaille que sous la 'Restauration' et plus exactement entre 1814 et 1848. Existe-t-il un document à Roanne (le diplôme...) permettant de lever le doute sur ce détail ?
Ton site est toujours aussi passionnant. Mes félicitations (renouvelées !) accompagnent ce petit mot. Je n'ai que ton adresse postale et pas de courriel pour t'envoyer son dessin si nécessaire.
A bientôt,
Denis Joulain (que tu dis "l'héraldiste" normand...)
Comme nous avons communiqué en dehors de ce fil de commentaires, je précise aux internautes que j'ai pris en compte l'observation et que suis dans l'attente d'une preuve irréfutable sur l'effigie réelle de la médaille octroyée à la bonne ville de Roanne (photo ou fac-similé attesté) et qui devrait, sauf énorme surprise montrer le portrait de Napoléon Bonaparte d'un côté et l'aigle impériale de l'autre.
Supprimercher Denis : amicalement
HD
En passant par les Archives municipales de la ville de Roanne, dont je salue en passant la gentillesse de ses employés : on m'a certifié que la médaille d'origine avait depuis longtemps disparu, sans doute "empruntée " par un ancien édile de la ville qui oublié de la restituer. Aucune image n'en existe apparemment non plus. Mais des témoignages attestent qu'il s'agissait bien d'une médaille à l'effigie de Napoléon Ier et l'Aigle impériale au verso.
SupprimerToutefois, après le désastre de Sedan en 1870 subi par l'empereur Napoléon III, celui-ci étant tombé en disgrâce avec le retour de la IIIe République, les nouveaux responsables de la ville de Roanne ont décidé que l'image de la Croix de Légion d'honneur ornant les armoiries de la ville porteraient désormais l'effigie de la République, telles qu'elles apparaissent de nos jours.
Voilà pour le petite histoire dans la Grande !
HD