S uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : → ◙
Nous quittons le Gouvernement Général de l'Ile-de-France (voir l'épisode précédent → ◙). Nous avions noté que dans sa partie nord, les limites incluaient les pays de Beauvais, de Noyon, de Senlis, de Laon et le Soissonnais, qui avec la création des départements de l'Oise et de l'Aisne en 1790, ont été rattachés à la région de Picardie moderne. Depuis le 1er janvier 2016, c'est devenu même la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Désormais, nous allons explorer le véritable Gouvernement de Picardie, tel qu'il était configuré dans l'Ancien régime (avant la Révolution et la création des départements en 1790). La province de Picardie au XVIIe siècle regroupait globalement : tout le département actuel de la Somme, une petite frange au nord du département de l'Oise, le nord du département de l'Aisne : les pays du Vermandois (Saint-Quentin) et de la Thiérache, ainsi que la partie occidentale et maritime du département du Pas-de-Calais: le Boulonnais et le Calaisis. Cela fera l'objet des cinq premiers chapitres du manuscrit et donc l'étude en détail sur cinq volets dans ce blog.
Nous sommes au début du règne du roi Louis XIV qui poursuit et renforce une guerre sans relâche contre les Habsbourg d'Espagne et leurs possessions au sud, au nord et à l'est de la France qui, à cause de l'encerclement territorial, sont une menace intolérable. Les armées de Louis XIV vont, pays par pays, conquérir ou reprendre, puis annexer successivement l'Alsace, le Roussillon, l'Artois, les Flandres, la Franche-Comté et le Hainaut. Elles occuperont même une grande partie des territoires actuels de la Belgique, des Pays-Bas et la Rhénanie en Allemagne. Ces conquêtes territoriales seront au cours des décennies validées par plusieurs traités pour être rattachées définitivement à la couronne de France. Le manuscrit de La Planche, contemporain des ces guerres, a prévu un additif au Gouvernement de Picardie de quatre chapitres qui témoignent et détaillent ces conquêtes de pays toutes "fraîches" que sont l'Artois, le Cambrésis, les Flandres et le Hainaut.
Mais nous allons commencer par le début, avec le premier pays de Picardie : le bailliage d'Amiens, la capitale provinciale.
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
.
Selon certaines sources documentaires, les premières armes d'Amiens auraient été données par Philippe-Auguste avec un simple écu de gueules au chef de France (lire → ICI). Plus tard sous Louis XI, un diapré aurait orné la pointe, prenant progressivement l'apparence d'un lierre d'argent et soulignant ainsi symboliquement l'attachement de la ville à la couronne de France. Un autre armorial datant du XVIè siècle montre clairement ce diapré (voir → ICI ). Robert Louis mentionne une autre possibilité comme origine : les branches d'alisier d'argent des armes de la maison aristocratique picarde d'Ailly dont plusieurs membres ont eu le titre de vidames de la ville d'Amiens.
Sur notre manuscrit, La Planche parle dans son blasonnement d'un écu coupé avec en pointe une "vignette" et lui attribue un émail de sable qui entre donc en contrariété avec la couleur du champ de gueules (enquerre). La "vignette" est semble-t-il un petit pied de vigne dont les feuilles ressemblent par ailleurs, par leur découpe, à celles du lierre.
Alors alisier, vigne, lierre ? difficile de statuer sur la vraie nature du végétal choisi à l'origine. Toujours est-il que c'est bien le lierre qui est admis et fixé depuis au moins quatre siècles maintenant...
Sauf pour Monsieur d'Hozier, toujours aussi fantasque, avec son Armorial Général de France, qui a donné à la ville d'Amiens un champ d'or fretté, le fretté parti d'azur et de gueules avec un chef d'azur réduit à trois lis d'or ! Et on n'est pas au bout de nos surprises avec les villes suivantes ...
C'est autour des années 1600 que la ville de Montreuil changea son blason, délaissant l'écu d'azur aux six fleurs de lis d'or pour adopter les armes que nous voyons ici : "d'or à deux fasces d'azur au chef du même à trois fleurs de lis d'or". Le manuscrit de La Planche montre un blasonnement un peu différent avec un "fascé d'or et d'azur de six pièces, au chef du même à trois fleurs de lis d'or. Dans l'autre armorial datant de la fin du XVIè siècle dont je parle plus haut les trois fasces d'or du fascé sont elles-même chargées d'une fasce de gueules (voir → ICI ).
source texte : Armorial du Pas-de-Calais de Pascale Bréemersch et Jean-Yves Léopold en deux volumes (1994-1996)
L'Armorial Général de France se distingue encore ici avec un blason attribué d'office : "de sable à l'ancre d'or" rappelant que la place fortifiée de Montreuil, pourtant située à 10 km de la côte était jadis un important port maritime. Ce fut même en 987, lors de l'accession au trône de France de Hugues Capet, le seul port de mer du domaine royal. Il bénéficiait d'un accès à la Manche par la rivière de la Canche, beaucoup plus profonde et navigable à l'époque, ce qui explique ainsi son qualificatif toponymique, non officiel mais courant de "Montreuil-sur-Mer".
Certains pourront s'étonner de voir cette ville décrite dans le chapitre du pays d'Amiens alors qu'elle en est bien éloignée et séparée par les pays de Ponthieu et de l'Artois (voir carte tout au début). La Planche nous explique dans son texte descriptif que c'est une ville "ayant toujours esté du Bailliage d'Amiens quoy que sa Prevosté ny soit point attenante"- C.Q.F.D.
En 1366, la ville de Doullens adopta les armoiries actuelles. A cette époque, le roi Charles V, reconnaissant du généreux dévouement des habitants lors de la captivité du roi Jean le Bon, son père, donna à la ville les lettres patentes qui l'autorisaient à porter désormais pour armes : l'écu d' azur semé de fleur de lis d'or de France et en cœur, un écusson d'argent à la croix de gueules.
source texte : site www.richesses-en-somme.com/patrimoine-rural/vitraux-civils/
L'Armorial Général de France se distingue à nouveau ici avec un blason attribué d'office "d'argent à la feuille de houx d'azur en pal", basé apparemment sur un jeu de mots très très approximatif, de type rébus : d'houx-lance !
Il ne faut pas confondre le blason communal officiel de Corbie (ci-dessus à droite), utilisé dès le début du XXe siècle et adopté officiellement par délibération du conseil municipal du 2 avril 1970, qui s'inspire du blason de l'abbaye du lieu, avec celui de cette abbaye royale (sur le manuscrit et ci-dessus à gauche), fondée en 657 et sur lequel dès le XIIIe siècle figurent les deux clés de Saint Pierre et un corbeau (armes parlantes). L'erreur est souvent faite. Le blason communal officiel, sans corbeau, avec son chef à trois fleurs de lis, est sculpté au fronton de l'hôtel de ville depuis 1928 avec la devise "Urbs Aurea Altera Roma" (Ville d'or, autre Rome).
Certes, au XIIIe siècle, le bourg de Corbie (qui avait obtenu une franchise communale en 1123) portait aussi un corbeau sur son sceau; mais la liberté communale fut reprise par l'abbaye, et le corbeau avec, dès 1310. L'abbaye, pour sa part, portait, avec parfois quelques nuances: d'or à la crosse d'azur en pal accompagnée de deux clés adossées (ou posées en sautoir) de gueules, un corbeau de sable brochant en pointe. A la Révolution, les églises et l'abbaye de Corbie furent en grande partie détruites, et les pierres servirent à la construction de nouvelles maisons.
source texte et auteur : site : http://armorialdefrance.fr/page_blason.php?ville=2338 (Jacques Dulphy)
D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte sans blason ni mention s'y rapportant :
Picquigny, Poix (-de-Picardie) (dépt de la Somme),
Grandvilliers et Breteuil (dépt de l'Oise).
Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été répertoriée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche.
# Toutefois dans l'Armorial Général de France, on peut relever un établissement religieux qui dépendait de ce bailliage, et qui n'a pas été mentionné dans le manuscrit de La Planche. Ses armoiries ont été transférées plus tard, fortement brisées, à la commune sur le territoire de laquelle il était situé, à savoir aujourd'hui la commune de:
- Saint-Fuscien
A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI
Nous quittons le Gouvernement Général de l'Ile-de-France (voir l'épisode précédent → ◙). Nous avions noté que dans sa partie nord, les limites incluaient les pays de Beauvais, de Noyon, de Senlis, de Laon et le Soissonnais, qui avec la création des départements de l'Oise et de l'Aisne en 1790, ont été rattachés à la région de Picardie moderne. Depuis le 1er janvier 2016, c'est devenu même la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Désormais, nous allons explorer le véritable Gouvernement de Picardie, tel qu'il était configuré dans l'Ancien régime (avant la Révolution et la création des départements en 1790). La province de Picardie au XVIIe siècle regroupait globalement : tout le département actuel de la Somme, une petite frange au nord du département de l'Oise, le nord du département de l'Aisne : les pays du Vermandois (Saint-Quentin) et de la Thiérache, ainsi que la partie occidentale et maritime du département du Pas-de-Calais: le Boulonnais et le Calaisis. Cela fera l'objet des cinq premiers chapitres du manuscrit et donc l'étude en détail sur cinq volets dans ce blog.
Nous sommes au début du règne du roi Louis XIV qui poursuit et renforce une guerre sans relâche contre les Habsbourg d'Espagne et leurs possessions au sud, au nord et à l'est de la France qui, à cause de l'encerclement territorial, sont une menace intolérable. Les armées de Louis XIV vont, pays par pays, conquérir ou reprendre, puis annexer successivement l'Alsace, le Roussillon, l'Artois, les Flandres, la Franche-Comté et le Hainaut. Elles occuperont même une grande partie des territoires actuels de la Belgique, des Pays-Bas et la Rhénanie en Allemagne. Ces conquêtes territoriales seront au cours des décennies validées par plusieurs traités pour être rattachées définitivement à la couronne de France. Le manuscrit de La Planche, contemporain des ces guerres, a prévu un additif au Gouvernement de Picardie de quatre chapitres qui témoignent et détaillent ces conquêtes de pays toutes "fraîches" que sont l'Artois, le Cambrésis, les Flandres et le Hainaut.
Mais nous allons commencer par le début, avec le premier pays de Picardie : le bailliage d'Amiens, la capitale provinciale.
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
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Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent (quand il existe) dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
Amiens (Somme) |
Selon certaines sources documentaires, les premières armes d'Amiens auraient été données par Philippe-Auguste avec un simple écu de gueules au chef de France (lire → ICI). Plus tard sous Louis XI, un diapré aurait orné la pointe, prenant progressivement l'apparence d'un lierre d'argent et soulignant ainsi symboliquement l'attachement de la ville à la couronne de France. Un autre armorial datant du XVIè siècle montre clairement ce diapré (voir → ICI ). Robert Louis mentionne une autre possibilité comme origine : les branches d'alisier d'argent des armes de la maison aristocratique picarde d'Ailly dont plusieurs membres ont eu le titre de vidames de la ville d'Amiens.
Sur notre manuscrit, La Planche parle dans son blasonnement d'un écu coupé avec en pointe une "vignette" et lui attribue un émail de sable qui entre donc en contrariété avec la couleur du champ de gueules (enquerre). La "vignette" est semble-t-il un petit pied de vigne dont les feuilles ressemblent par ailleurs, par leur découpe, à celles du lierre.
Alors alisier, vigne, lierre ? difficile de statuer sur la vraie nature du végétal choisi à l'origine. Toujours est-il que c'est bien le lierre qui est admis et fixé depuis au moins quatre siècles maintenant...
Sauf pour Monsieur d'Hozier, toujours aussi fantasque, avec son Armorial Général de France, qui a donné à la ville d'Amiens un champ d'or fretté, le fretté parti d'azur et de gueules avec un chef d'azur réduit à trois lis d'or ! Et on n'est pas au bout de nos surprises avec les villes suivantes ...
Montreuil (Pas-de-Calais) |
C'est autour des années 1600 que la ville de Montreuil changea son blason, délaissant l'écu d'azur aux six fleurs de lis d'or pour adopter les armes que nous voyons ici : "d'or à deux fasces d'azur au chef du même à trois fleurs de lis d'or". Le manuscrit de La Planche montre un blasonnement un peu différent avec un "fascé d'or et d'azur de six pièces, au chef du même à trois fleurs de lis d'or. Dans l'autre armorial datant de la fin du XVIè siècle dont je parle plus haut les trois fasces d'or du fascé sont elles-même chargées d'une fasce de gueules (voir → ICI ).
source texte : Armorial du Pas-de-Calais de Pascale Bréemersch et Jean-Yves Léopold en deux volumes (1994-1996)
L'Armorial Général de France se distingue encore ici avec un blason attribué d'office : "de sable à l'ancre d'or" rappelant que la place fortifiée de Montreuil, pourtant située à 10 km de la côte était jadis un important port maritime. Ce fut même en 987, lors de l'accession au trône de France de Hugues Capet, le seul port de mer du domaine royal. Il bénéficiait d'un accès à la Manche par la rivière de la Canche, beaucoup plus profonde et navigable à l'époque, ce qui explique ainsi son qualificatif toponymique, non officiel mais courant de "Montreuil-sur-Mer".
Certains pourront s'étonner de voir cette ville décrite dans le chapitre du pays d'Amiens alors qu'elle en est bien éloignée et séparée par les pays de Ponthieu et de l'Artois (voir carte tout au début). La Planche nous explique dans son texte descriptif que c'est une ville "ayant toujours esté du Bailliage d'Amiens quoy que sa Prevosté ny soit point attenante"- C.Q.F.D.
Doullens (Somme) |
En 1366, la ville de Doullens adopta les armoiries actuelles. A cette époque, le roi Charles V, reconnaissant du généreux dévouement des habitants lors de la captivité du roi Jean le Bon, son père, donna à la ville les lettres patentes qui l'autorisaient à porter désormais pour armes : l'écu d' azur semé de fleur de lis d'or de France et en cœur, un écusson d'argent à la croix de gueules.
source texte : site www.richesses-en-somme.com/patrimoine-rural/vitraux-civils/
L'Armorial Général de France se distingue à nouveau ici avec un blason attribué d'office "d'argent à la feuille de houx d'azur en pal", basé apparemment sur un jeu de mots très très approximatif, de type rébus : d'houx-lance !
Corbie (Somme) |
Il ne faut pas confondre le blason communal officiel de Corbie (ci-dessus à droite), utilisé dès le début du XXe siècle et adopté officiellement par délibération du conseil municipal du 2 avril 1970, qui s'inspire du blason de l'abbaye du lieu, avec celui de cette abbaye royale (sur le manuscrit et ci-dessus à gauche), fondée en 657 et sur lequel dès le XIIIe siècle figurent les deux clés de Saint Pierre et un corbeau (armes parlantes). L'erreur est souvent faite. Le blason communal officiel, sans corbeau, avec son chef à trois fleurs de lis, est sculpté au fronton de l'hôtel de ville depuis 1928 avec la devise "Urbs Aurea Altera Roma" (Ville d'or, autre Rome).
Certes, au XIIIe siècle, le bourg de Corbie (qui avait obtenu une franchise communale en 1123) portait aussi un corbeau sur son sceau; mais la liberté communale fut reprise par l'abbaye, et le corbeau avec, dès 1310. L'abbaye, pour sa part, portait, avec parfois quelques nuances: d'or à la crosse d'azur en pal accompagnée de deux clés adossées (ou posées en sautoir) de gueules, un corbeau de sable brochant en pointe. A la Révolution, les églises et l'abbaye de Corbie furent en grande partie détruites, et les pierres servirent à la construction de nouvelles maisons.
source texte et auteur : site : http://armorialdefrance.fr/page_blason.php?ville=2338 (Jacques Dulphy)
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D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte sans blason ni mention s'y rapportant :
Picquigny, Poix (-de-Picardie) (dépt de la Somme),
Grandvilliers et Breteuil (dépt de l'Oise).
Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été répertoriée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche.
# Toutefois dans l'Armorial Général de France, on peut relever un établissement religieux qui dépendait de ce bailliage, et qui n'a pas été mentionné dans le manuscrit de La Planche. Ses armoiries ont été transférées plus tard, fortement brisées, à la commune sur le territoire de laquelle il était situé, à savoir aujourd'hui la commune de:
- Saint-Fuscien
commune de Saint - Fuscien (Somme) |
A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI
Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés à :
armoiries.free.fr
armorialdefrance.fr/
album "La France héraldique" des cafés Sanka
Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : www.bibliotheque-conde.fr/
armoiries.free.fr
armorialdefrance.fr/
album "La France héraldique" des cafés Sanka
Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : www.bibliotheque-conde.fr/
Herald Dick
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