Déjà, dès 1790, l’Assemblée nationale voulait que cette première commémoration du 14 juillet 1789 soit la fête de la réconciliation et de l’unité de tous les Français. Les célébrations anniversaires persisteront encore jusqu'au début du 1er Empire. Puis, pendant près d'un siècle, la commémoration du 14 juillet sera abandonnée. Elle ne réapparaît donc qu'en 1880, sous la IIIe République. Le régime, pour se consolider, cherchait à construire un nouvel imaginaire national, autour de symboles républicains. C'est ainsi que la Marseillaise devint hymne officiel et le 14 juillet fête nationale. Mais la proposition qui émanait du député de la Seine Benjamin Raspail ne fut pas accueillie unanimement par l'Assemblée. Certains députés mettaient en cause la violence du 14 juillet 1789. Et c'est finalement autour du 14 juillet 1790 que se fit le consensus.
Pour ce qui est de notre passion : l'héraldique, un mois auparavant, le 19 juin 1790, fut un très mauvais jour pour elle, avec de lourdes conséquences pour la survie du blason et des armoiries dans notre pays, lui qui en fut un des inventeurs, au milieu du XIIe siècle ! En effet dans les croyances du moment, les armoiries étaient considérées comme la marque de la Noblesse par excellence, des «signes de féodalité» et par un jugement sommaire, elles furent alors abolies. Or si les députés de la Constituante avaient bien regardé autour d'eux, ils auraient constaté qu'à la fin de l'Ancien Régime, toutes les corporations, toutes les institutions et certaines administrations, tous les échevins, un grand nombre de bourgeois qui formaient d'ailleurs le noyau de la Révolution, la plupart des marchands et de nombreux artisans portaient de manière légale des armoiries. Mais le virage était pris et, malgré leur restauration au début du XIXe siècle, les armoiries ne purent jamais retrouver en France la place qui était la leur jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Aujourd'hui encore, dans les esprits et lors des débats "républicains" mais néanmoins pour certains : esprits étriqués, le blason est encore un signe diabolisé, auquel on préfère le logo. Et cependant, en France comme dans les pays voisins, les armoiries se rencontrent partout, sur tous les objets, monuments et documents que le passé nous a transmis, et ce malgré les innombrables destructions d'objets armoriés, d'effacements et de martelages d'armoiries sur les murs et les frontons des bâtiments, des châteaux, des églises, etc...
Autodafé des armoiries, signes extérieurs de la noblesse - estampe de 1790 - BNF Paris |
Exemple d'armoiries "effacées", martelées pendant la Révolution - photo www.lemonde.fr |
Voici quelques témoignages de ce grand cataclysme pour le patrimoine héraldique français, illustré par des estampes et caricatures ultra-violentes de l'époque, qui n'ont rien à envier à celles, irrévérencieuses, de nos Hara-Kiri ou Charlie-Hebdo d'aujourd’hui ! Ces documents conservés par la Bibliothèque Nationale de France, à Paris, peuvent être regardés plus en détail, en cliquant sur les images et en grossissant à l'aide des outils votre navigateur.
Décret de l'Assemblée nationale constituante du 19 juin 1790, promulgué par des lettres patentes royales du 23 juin suivant :
Décret qui abolit la noblesse héréditaire et les titres de prince, de duc, comte, marquis et autres semblables.
Art. 1er. La noblesse héréditaire est pour toujours abolie : en conséquence, les titres de prince, de duc, comte, marquis, vicomte, vidame, baron, chevalier, messire, écuyer, noble et tous autres titres semblables, ne seront ni pris par qui que ce soit, ni donnés à personne.
2. Aucun citoyen ne pourra prendre que le vrai nom de sa famille ; personne ne pourra porter ni faire porter des livrées ni avoir d’armoiries ; l'encens ne sera brûlé que dans les temples pour honorer la divinité, et ne sera offert à qui que ce soit.
3. Les titres de monseigneur et de messeigneurs ne seront donnés ni à aucun corps ni à aucun individu, ainsi que les titres d'excellence, d'altesse, d'éminence, de grandeur, etc., sans que, sous prétexte du présent décret, aucun citoyen puisse se permettre d'attenter aux monuments placés dans les temples, aux chartes, titres et autres renseignements intéressant les familles ou les propriétés, ni aux décorations d'aucun lieu public ou particulier, et sans que l'exécution des dispositions relatives aux livrées et aux armes placées sur les voitures puisse être suivie ni exigée par qui que ce soit avant le 14 juillet pour les citoyens vivant à Paris, et avant trois mois pour ceux qui habitent la province.
4. Ne sont compris dans la disposition du présent décret tous les étrangers, lesquels pourront conserver en France leurs livrées et leurs armoiries.
(voir le texte original du décret → ICI )
destruction des insignes et armoiries de la "féodalité" : Noblesse et Clergé - estampe de 1790 - BNF Paris |
27 septembre - 16 octobre 1791 : Décret portant défense à tout citoyen français de prendre dans aucun acte les titres et qualifications supprimés par la constitution.
(...)
Art. 3. Seront punis des mêmes peines et sujets à la même amende, tous citoyens français qui porteraient les marques distinctives qui ont été abolies, ou qui feraient porter des livrées à leurs domestiques et placeraient des armoiries sur leurs maisons ou sur leurs voitures. Les officiers municipaux et de police seront tenus de constater cette contravention par leurs procès-verbaux, et de les remettre aussitôt, dans la personne du greffier du tribunal, au commissaire du roi, qui, sous peine de forfaiture, sera tenu d'en faire état aux juges, dans les vingt-quatre heures de la remise qui lui aura été faite desdits procès-verbaux par la voie du greffe.
(...)
les armoiries : La Marque des Sots ! ou comment on fait entrer dans les esprits une idée fausse par l'outrance et la scatologie - estampe de 1790 - BNF Paris |
Décret du 1er août 1793 :
1er août 1793 : Décret relatif aux parcs, maisons, etc., portant des armoiries.
"La Convention nationale, sur la motion d'un membre, décrète que dans huitaine, à compter de la publication du présent décret, tous les parcs, jardins, enclos, maisons, édifices, qui porteraient des armoiries, seront confisqués au profit de la Nation."
Décret du 8 brumaire an II :
8 brumaire an II (14 septembre 1793). Décret relatif à l'enlèvement des signes de royauté et de féodalité dans les églises et autres monuments publics.
La convention nationale décrète que les officiers municipaux des communes feront exécuter le décret du 4 juillet sur la suppression des armoiries et signes de la royauté dans les églises et tous autres monuments publics, dans le courant du mois, à compter de la publication du présent décret, et ce, sous peine de destitution. - Les dépenses relatives à l'exécution du présent décret seront supportées, pour chaque commune, par le département, et payées par le receveur du district, sur les mémoires arrêtés par le conseil général de chaque municipalité.
L'usage et l'attribution des armoiries sera finalement rétablie durant le Premier Empire à partir de 1808, d'abord en faveur des bénéficiaires de titres, puis en faveur des villes, des communes et des associations (décret du 17 mai 1809) , fixées par des lettres patentes, avec une codification réglementée par le régime impérial. Mais ceci est un autre sujet ...
Crédits :
écusson porte-drapeaux :
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estampes révolutionnaires : gallica.bnf.fr
textes décrets : cluaran.free.fr/mb/bib/droit_heraldique.html
Herald Dick
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