S uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : → ◙
Nous avons quitté dernièrement le Gouvernement de Bretagne (voir l'épisode précédent → ◙ ). Nous allons maintenant nous transporter dans le sud, appelé communément le "Midi de la France" tout en restant virtuellement à la fin du XVIIe siècle. Nous abordons une nouvelle et grande région qui nous promet encore de belles surprises : le Gouvernement de Languedoc, même si la fréquence des illustrations héraldiques s’essouffle un peu. Cette ancienne province royale, nommée " États du Languedoc", constituée après la Guerre (ou croisade) contre les Albigeois au XIIIe siècle, a succédé à l'ancien et puissant Comté-pairie de Toulouse, annexé au royaume de France en 1271. Les Comtés de Carcassonne, vicomtés d'Albi, de Béziers, de Narbonne, de Nîmes, etc, vassaux de Toulouse ont de fait disparu eux aussi avec lui. Ce territoire étendu de Toulouse et la Garonne jusqu'à la vallée du Rhône, englobait au nord-est les pays de Gévaudan, le Velay et le Vivarais, autres anciens comtés et vicomtés radiés. L'ancien Comté de Foix, intégré plus tardivement au domaine royal, en 1607 et surtout le Roussillon, récemment rattaché à la couronne de France par le traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659 avec l'Espagne, complètent l'étude et figurent en "additions" à la fin du livre consacré au Gouvernement du Languedoc.
Cette province et ses additions font donc l'objet d'un livre (qui est une section d'un manuscrit) divisé en douze chapitres, consacrés chacun à une sénéchaussée, qui était la subdivision administrative en vigueur dans le sud du pays, dirigée par un sénéchal. Voici donc le premier de ces chapitres, consacré à la sénéchaussée de Toulouse, un territoire situé à cheval sur trois départements actuels : la Haute-Garonne, le Tarn et le Tarn-et-Garonne.
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s., donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
Les fragments de manuscrits proviennent cette fois du Volume II. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
(*) Armorial Général de France - volume XIV - Languedoc 1ère partie
Armorial Général de France - volume XV - Languedoc 2e partie (BNF Paris)
La plus ancienne représentation des armes de Toulouse est celle figurant dans le sceau attaché à une lettre des Capitouls au Roi Pierre II d'Aragon, en 1211, pendant la Croisade des Albigeois.
Au verso du sceau, on trouve l'agneau nimbé, portant la Croix de Toulouse en bannière. L'agneau symbolise la force, il serait le signe premier de la ville et remonterait à l'époque romaine. Selon Nicolas Berey (1663), la symbolique de l'animal s'expliquerait par le culte rendu à Jupiter, révéré sous la figure d'un bélier. Ce bélier païen aurait été par la suite représenté foulé par la Croix des Comtes de Toulouse. Le bélier finira christianisé, en agneau pascal, tête nimbée, portant la Croix en bannière, ou passant devant elle et l'adorant.
Au recto du sceau, on trouve le Château Narbonnais (à gauche) et la Basilique Saint Sernin (à droite). Les deux monuments n'étaient à l'origine que deux châteaux ou tours anonymes, symbole de force encore, image probable des très célèbres murs d'enceinte romains chantés du poète Ausone, ou, plus spécialement du château Narbonnais.
La croix du Languedoc, également nommée croix occitane ou encore croix de Toulouse, semble avoir des origines très anciennes. Cette croix aux douze points semble avoir été l'un des symboles d'un peuple gaulois implanté au IIIe siècle av. J.C.
La croix du Languedoc s'impose dans le domaine toulousain au début du XIIIe siècle. Elle apparaît sur le sceau de Raymond VI en 1211 et figurera, dès lors, les armes de la ville de Toulouse puis celle du Languedoc, du XIVe au XVIIIe siècle.
La croix du Languedoc a fait l'objet de nombreuses hypothèses quant à sa signification symbolique. Il faut d'emblée préciser qu'elle n'a rien à voir avec l'iconographie chrétienne. Le symbole de la croix semble être solaire ; les quatre branches représentent les quatre saisons, et chaque point figure un mois de l'année, mais également un des douze signes du zodiaque. Ces derniers ont peu à peu disparu afin de connoter la croix d'un symbolisme chrétien.
source texte : www.toulouse.fr/web/la-mairie/decouvrir-la- ville/
Nous retrouvons notre agneau pascal, symbole religieux décrit plus haut. La petite cité de Rieux a en effet été de 1317 jusqu'à la Révolution, le siège d'un évêché et possède une cathédrale. Son diocèse sera rattaché plus tard à l'archidiocèse de Toulouse.
Voici donc de surprenantes armoiries illustrant la petite cité de Lavaur, dont l'origine est inconnue, Pierre de La Planche ne nous ayant pas laissé de notes sur ses sources ! Mais deux éléments du blason définitif sont déjà présents : le château et l'ancre. Quelques années plus tard, Charles d'Hozier enregistre un blason plus élaboré : sur un champ de gueules, un château (réduit) d'argent est surmonté d'une croix de Toulouse d'or et soutenu d'une croix latine dont le pied est accolé à l'initiale B majuscule couchée, le tout d'or également, et enfin un chef d'azur à trois fleurs de lis d'or. Est-ce que cette cette figure en pointe ne devrait pas être une ancre ? Après la Révolution et le 1er Empire, la ville reprend ces mêmes armoiries, par lettres patentes, en 1824, avec cette fois la croix du bas accolée à la barre du B majuscule, et un château plus grand (voir → ICI).
Plus tard, cette figure curieuse en pointe est redevenue une ancre d'or. Une rivière à été rajoutée au pied du château, d'abord d'émail argent uni puis enfin fascée-ondée d'argent et d'azur. Cette rivière symbolise l'Agoût, affluent du Tarn, qui traverse la ville.
Très souvent, l'auteur du manuscrit a préparé comme on le voit ici, un emplacement pour y dessiner les armoiries des villes pour lesquelles il a rédigé un descriptif. Mais voilà, les écus sont restés désespérément vides. Quelle en était la raison : manque d'information fiable, manque de temps, on ne le saura jamais. Et le constat est plus large encore pour les régions du sud de la France qu'elle ne l'est pour la partie nord, beaucoup mieux illustrée par des dessins plus nombreux.
C'est donc Charles d'Hozier qui sauve l'honneur du XVIIe siècle, avec des armoiries quasiment identiques à celles actuelles, mis à part l’émail du château. Toutefois, pendant une longue période et jusqu'à très récemment, le château était surmonté par une tête de maure , qui nous donnait donc des armes parlantes : castel+sarrasin. Le terme de "sarrasins" ou "sarrazins", péjoratif aujourd'hui, désignait communément au Moyen-Âge les populations arabes ou musulmanes du Moyen-Orient, alors que le terme de "Maures" se rapportait plus précisément aux berbères d'Afrique du Nord. Cette configuration héraldique a été abandonnée, sans doute pour ne pas offenser les communautés d'origine africaine, et dans le cadre du politiquement correct. Mais ici, on peut constater qu'on est en fait revenu au blason d'origine, tout simplement. Et par ailleurs, la toponymie du lieu, d'origine latine, comme souvent, n'a absolument rien à voir avec les musulmans ou les arabes, comme on peut le lire → ICI.
D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte :
# cependant, quelques années plus tard, certaines villes et lieux (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France. Ces blasons sont pour la plupart toujours d'actualité aujourd'hui, à quelques détails près. Mais d'autres, utilisés actuellement s'inspirent plutôt de ceux publiés dans l'Armorial des États de Languedoc par Denis-François Gastelier de La Tour, édité en 1767 (voir → ICI et ICI) :
A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI
Nous avons quitté dernièrement le Gouvernement de Bretagne (voir l'épisode précédent → ◙ ). Nous allons maintenant nous transporter dans le sud, appelé communément le "Midi de la France" tout en restant virtuellement à la fin du XVIIe siècle. Nous abordons une nouvelle et grande région qui nous promet encore de belles surprises : le Gouvernement de Languedoc, même si la fréquence des illustrations héraldiques s’essouffle un peu. Cette ancienne province royale, nommée " États du Languedoc", constituée après la Guerre (ou croisade) contre les Albigeois au XIIIe siècle, a succédé à l'ancien et puissant Comté-pairie de Toulouse, annexé au royaume de France en 1271. Les Comtés de Carcassonne, vicomtés d'Albi, de Béziers, de Narbonne, de Nîmes, etc, vassaux de Toulouse ont de fait disparu eux aussi avec lui. Ce territoire étendu de Toulouse et la Garonne jusqu'à la vallée du Rhône, englobait au nord-est les pays de Gévaudan, le Velay et le Vivarais, autres anciens comtés et vicomtés radiés. L'ancien Comté de Foix, intégré plus tardivement au domaine royal, en 1607 et surtout le Roussillon, récemment rattaché à la couronne de France par le traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659 avec l'Espagne, complètent l'étude et figurent en "additions" à la fin du livre consacré au Gouvernement du Languedoc.
Cette province et ses additions font donc l'objet d'un livre (qui est une section d'un manuscrit) divisé en douze chapitres, consacrés chacun à une sénéchaussée, qui était la subdivision administrative en vigueur dans le sud du pays, dirigée par un sénéchal. Voici donc le premier de ces chapitres, consacré à la sénéchaussée de Toulouse, un territoire situé à cheval sur trois départements actuels : la Haute-Garonne, le Tarn et le Tarn-et-Garonne.
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s., donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
Les fragments de manuscrits proviennent cette fois du Volume II. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
(*) Armorial Général de France - volume XIV - Languedoc 1ère partie
Armorial Général de France - volume XV - Languedoc 2e partie (BNF Paris)
Toulouse (Haute-Garonne) |
Au verso du sceau, on trouve l'agneau nimbé, portant la Croix de Toulouse en bannière. L'agneau symbolise la force, il serait le signe premier de la ville et remonterait à l'époque romaine. Selon Nicolas Berey (1663), la symbolique de l'animal s'expliquerait par le culte rendu à Jupiter, révéré sous la figure d'un bélier. Ce bélier païen aurait été par la suite représenté foulé par la Croix des Comtes de Toulouse. Le bélier finira christianisé, en agneau pascal, tête nimbée, portant la Croix en bannière, ou passant devant elle et l'adorant.
Au recto du sceau, on trouve le Château Narbonnais (à gauche) et la Basilique Saint Sernin (à droite). Les deux monuments n'étaient à l'origine que deux châteaux ou tours anonymes, symbole de force encore, image probable des très célèbres murs d'enceinte romains chantés du poète Ausone, ou, plus spécialement du château Narbonnais.
La croix du Languedoc, également nommée croix occitane ou encore croix de Toulouse, semble avoir des origines très anciennes. Cette croix aux douze points semble avoir été l'un des symboles d'un peuple gaulois implanté au IIIe siècle av. J.C.
La croix du Languedoc s'impose dans le domaine toulousain au début du XIIIe siècle. Elle apparaît sur le sceau de Raymond VI en 1211 et figurera, dès lors, les armes de la ville de Toulouse puis celle du Languedoc, du XIVe au XVIIIe siècle.
La croix du Languedoc a fait l'objet de nombreuses hypothèses quant à sa signification symbolique. Il faut d'emblée préciser qu'elle n'a rien à voir avec l'iconographie chrétienne. Le symbole de la croix semble être solaire ; les quatre branches représentent les quatre saisons, et chaque point figure un mois de l'année, mais également un des douze signes du zodiaque. Ces derniers ont peu à peu disparu afin de connoter la croix d'un symbolisme chrétien.
source texte : www.toulouse.fr/web/la-mairie/decouvrir-la- ville/
Rieux - Volvestre (Haute-Garonne) |
Nous retrouvons notre agneau pascal, symbole religieux décrit plus haut. La petite cité de Rieux a en effet été de 1317 jusqu'à la Révolution, le siège d'un évêché et possède une cathédrale. Son diocèse sera rattaché plus tard à l'archidiocèse de Toulouse.
Lavaur (Tarn) |
Voici donc de surprenantes armoiries illustrant la petite cité de Lavaur, dont l'origine est inconnue, Pierre de La Planche ne nous ayant pas laissé de notes sur ses sources ! Mais deux éléments du blason définitif sont déjà présents : le château et l'ancre. Quelques années plus tard, Charles d'Hozier enregistre un blason plus élaboré : sur un champ de gueules, un château (réduit) d'argent est surmonté d'une croix de Toulouse d'or et soutenu d'une croix latine dont le pied est accolé à l'initiale B majuscule couchée, le tout d'or également, et enfin un chef d'azur à trois fleurs de lis d'or. Est-ce que cette cette figure en pointe ne devrait pas être une ancre ? Après la Révolution et le 1er Empire, la ville reprend ces mêmes armoiries, par lettres patentes, en 1824, avec cette fois la croix du bas accolée à la barre du B majuscule, et un château plus grand (voir → ICI).
Plus tard, cette figure curieuse en pointe est redevenue une ancre d'or. Une rivière à été rajoutée au pied du château, d'abord d'émail argent uni puis enfin fascée-ondée d'argent et d'azur. Cette rivière symbolise l'Agoût, affluent du Tarn, qui traverse la ville.
Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) |
Très souvent, l'auteur du manuscrit a préparé comme on le voit ici, un emplacement pour y dessiner les armoiries des villes pour lesquelles il a rédigé un descriptif. Mais voilà, les écus sont restés désespérément vides. Quelle en était la raison : manque d'information fiable, manque de temps, on ne le saura jamais. Et le constat est plus large encore pour les régions du sud de la France qu'elle ne l'est pour la partie nord, beaucoup mieux illustrée par des dessins plus nombreux.
C'est donc Charles d'Hozier qui sauve l'honneur du XVIIe siècle, avec des armoiries quasiment identiques à celles actuelles, mis à part l’émail du château. Toutefois, pendant une longue période et jusqu'à très récemment, le château était surmonté par une tête de maure , qui nous donnait donc des armes parlantes : castel+sarrasin. Le terme de "sarrasins" ou "sarrazins", péjoratif aujourd'hui, désignait communément au Moyen-Âge les populations arabes ou musulmanes du Moyen-Orient, alors que le terme de "Maures" se rapportait plus précisément aux berbères d'Afrique du Nord. Cette configuration héraldique a été abandonnée, sans doute pour ne pas offenser les communautés d'origine africaine, et dans le cadre du politiquement correct. Mais ici, on peut constater qu'on est en fait revenu au blason d'origine, tout simplement. Et par ailleurs, la toponymie du lieu, d'origine latine, comme souvent, n'a absolument rien à voir avec les musulmans ou les arabes, comme on peut le lire → ICI.
[_)-(_]
D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte :
- avec un contour de blason vide, et sans description comme pour Castelsarrasin : Puylaurens, Montech, Villemur (-sur-Tarn), Caraman.
- sans blason ni mention s'y rapportant : Abbaye des Feuillants (à Toulouse, disparue), Auterive, Montesquieu (-Vovestre), Verfeil, Baziège, Cintegabelle, Toulsa (Cuq-Toulza), Montgiscard, Buzet (-sur-Tarn).# cependant, quelques années plus tard, certaines villes et lieux (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France. Ces blasons sont pour la plupart toujours d'actualité aujourd'hui, à quelques détails près. Mais d'autres, utilisés actuellement s'inspirent plutôt de ceux publiés dans l'Armorial des États de Languedoc par Denis-François Gastelier de La Tour, édité en 1767 (voir → ICI et ICI) :
Puylaurens (Tarn) |
Montech (Tarn-et-Garonne) |
Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) |
Caraman (Haute-Garonne) |
Auterive (Haute-Garonne) |
Montesquieu-Volvestre (Haute-Garonne) |
Verfeil (Haute-Garonne) |
Baziège (Haute-Garonne) |
Cuq-Toulza (Tarn) |
Montgiscard (Haute-Garonne) |
Buzet-sur-Tarn (Haute-Garonne) |
A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI
Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés à : armorialdefrance.fr/
les extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
. www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/
- Bibliothèque nationale de France à Paris :
. gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111467n
. gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1114681
les extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
. www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/
- Bibliothèque nationale de France à Paris :
. gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111467n
. gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1114681
Herald Dick
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