mercredi 1 avril 2015

1er avril 1815-2015 : 200e anniversaire de la naissance d' Otto von Bismarck

Aujourd'hui le 1er avril 2015, on célèbre le 200e anniversaire de la naissance d'un grand homme d'état du XIXe siècle, artisan de l'unité allemande et chancelier de l'Empire allemand (1871-1890). Entre 1866 et 1887, Otto von Bismarck a été l’un des personnages centraux de la vie politique européenne. Il fut l'objet d'un culte de la personnalité dans le monde germanique durant toute la période de l'Empire allemand. En revanche, les français l'ont haï avec la même force, en raison de son hostilité viscérale envers la France, qui a mené les deux pays à la guerre de 1870, à la défaite de la France et à la perte de l'Alsace-Lorraine.


armoiries familiales de von Bismarck
blason : "D'azur à un trèfle sans tige d'or orné dans
 chacune de ses refentes d'une feuille de chêne d'argent"
- timbré d'un heaume d'acier à parements d'or
lambrequins et tortil d'argent et d'azur
-cimier : deux cornes de buffles (ou proboscides),
celle de dextre coupée d'azur et d'argent,
celle de senestre coupée d'argent et d'azur,
une couronne d'or doublée de gueules suspendue
 entre les cornes".
photo d' Otto von Bismarck en 1860 (à 45 ans)
réserve  Bundesarchiv
 timbre émis en 1965 par la poste allemande

Otto von Bismarck

(• Schönhausen  1815 - † Friedrichsruh 1898)

Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen, 
•  comte puis prince de Bismarck, duc de Lauenbourg
•  né  le 1er avril 1815, à Schönhausen, à l'époque en Prusse (actuellement dans le land de Saxe-Anhalt, Allemagne)
•  mort le 30 juillet 1898 à Friedrichsruh, localité de la commune d'Aumühle (land de Schleswig-Holstein, Allemagne)


la maison natale de Bismarck à Schönhausen, en Prusse , avec les armoiries familiales et celle de l'Empire allemand, carte postale de 1915 - la demeure a été détruite en 1958 par l'administration communiste de la R.D.A qui y voyait un symbole du militarisme prussien.
Otto von Bismarck en 1836 ( 21 ans)
Né à Schönhausen (près de Magdebourg) dans une famille de la noblesse militaire luthérienne de l’Altmark, le jeune duc de Lauenburg suit des études d’agriculture à Göttingen et de droit à Berlin. Ce querelleur réputé entre dans l’administration pour quelques années puis, à la mort de sa mère en 1839, s’installe dans ses domaines de Poméranie et y cultive sa position d’héritier.
En 1847, année de son mariage avec Johanna von Puttkammer, Otto von Bismarck entre en politique comme délégué au Landtag de Prusse où il siège à l’extrême droite. Durant le «Printemps des peuples » de 1848, il s’affirme radicalement opposé à toute réforme démocratique et fait pression sur Frédéric-Guillaume IV pour réprimer la révolution. En 1851, il est nommé représentant prussien au Parlement fédéral de Francfort, poste qu’il conserve jusqu’en 1859. Progressivement, il gravit les échelons du pouvoir en se faisant le champion de la cause absolutiste et prussienne. Toute son action s’inscrit dans une unique perspective : réaliser l’unité allemande aux dépens de l’Autriche.

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armoiries de la famille (stammwappen) de la maison Bismarck 
source : J. Siebmacher's grosses und allgemeines Wappenbuch - Die durch deutsche
 Bundesfürsten in den Fürstenstand erhobenen Geschlechter ( M. Gritzner, K. Heling).
Nürnberg: Bauer & Raspe, 1888

caricature française (estampe) du XIXe siècle représentant
l'unité allemande conduite de manière autoritaire par Bismarck
document : Musée du Château de Compiègne (France)
Ambassadeur en Russie (1859-1862) puis en France (1862), il est rappelé à Berlin et nommé ministre d’État par Guillaume Ier le 23 septembre 1862. Il affirme sa politique dès le 30 septembre 1862 devant la commission de la Chambre prussienne : « Ce n’est pas par des discours ni par des motions majoritaires […] mais par le fer et par le sang que les grandes questions de notre temps seront résolues. »

Guillaume Ier hésite peu avant de nommer ce charismatique personnage, le 8 octobre suivant, à la présidence du Conseil et de lui offrir le portefeuille des Affaires étrangères. La première mission de Bismarck consiste à réduire l'opposition entre le gouvernement prussien et le Parlement sur les effectifs militaires. À la tête d'une des plus puissantes armées du monde, il entame alors une partie d’échec politico-militaire qui révèle ses talents de stratège et sa détermination.

Le projet de l’unité allemande au profit de la Prusse accapare toute la politique de Bismarck. Entre 1864 et 1871, date de la proclamation du IIe Reich, il œuvre sans relâche, « par le fer et par le sang », à la construction de l’unité allemande, aux dépens de l’Autriche puis de la France.



O.v. Bismarck, chancelier du Reich en 1870.
 


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Après avoir aménagé l’union douanière, le Zollverein, en 1864 — aménagement qui dessert l’Autriche —, Otto von Bismarck entraîne cette dernière dans la seconde guerre des Duchés. Au terme du conflit (1864), les duchés de Schleswig et de Lauenburg reviennent à la Prusse tandis que le Holstein est administré par l’Autriche. Otto von Bismarck isole alors l’Autriche en passant des accords avec la France de Napoléon III et l’Italie (respectivement en octobre 1865 et avril 1866), puis prétexte une mauvaise gestion autrichienne du Holstein pour susciter le conflit.

La guerre austro-prussienne de juin-juillet 1866 se clôt sur la victoire de Bismarck à Sadowa, le 3 juillet 1866. Par la paix de Prague du 23 août 1866, la Confédération germanique est dissoute au profit d’une confédération de l’Allemagne du Nord (Norddeutscher Bund) agrégeant les États du Nord autour d’une Prusse hégémonique, qui annexe en outre Hanovre, Nassau et le Hessel-Cassel.

Nommé chancelier de la Confédération (fonction fédérale) en juillet 1867, Otto von Bismarck, qui vient de construire une entité politique unie et continue depuis les confins polonais jusqu’à la frontière française, entend terminer sa grande œuvre en alliant les États allemands du Sud. Pour ce faire, il parie sur une réaction patriotique et unitaire en entraînant ces derniers dans une guerre contre la France. 
Napoléon III, fait prisonnier, s'entretient avec Bismarck à Donchéry (Ardennes)
le lendemain de la défaite de Sedan , le 2 septembre 1870
Habile tacticien, Bismarck laisse Napoléon III se rendre impopulaire en Allemagne par ce qu’il est convenu d’appeler la politique des «pourboires» — le chef de l’État français suscite rapidement un sentiment francophobe dans l’opinion allemande en marchandant sa neutralité dans le conflit austro-prussien contre des États de langue germanique. À la suite d’une manipulation de Bismarck lors de la dépêche d’Ems, la France napoléonienne se pose en agresseur en déclarant la guerre à la Prusse belliqueuse le 19 juillet 1870 (voir guerre franco-allemande) ; la défaite de Napoléon III, consommée à Sedan le 2 septembre, permet la réalisation du rêve unitaire bismarckien. Le 18 janvier 1871, l'Empire allemand est proclamé dans la galerie des glaces de Versailles — choix symbolique soulignant la puissance bismarckienne.

La proclamation du roi de Prusse Guillaume Ier comme empereur de l'Empire allemand, le 18 Janvier 1871, dans la Galerie de Glaces du château de Versailles - nouvelle humiliation pour la France - Bismarck est reconnaissable à son uniforme blanc, au centre - peinture de Anton von Werner, 1885

Répondant à la volonté de Bismarck, le traité de Francfort du 10 mai 1871 assujettit la France à une lourde contribution de guerre et donne au nouveau Reich l’Alsace et une partie de la Lorraine — qui engendre la durable question de l’Alsace-Lorraine entre la France et l’Allemagne.

armoiries princières de Bismarck à partir de 1871
source : J. Siebmacher's grosses und allgemeines Wappenbuch, Die durch deutsche
 Bundesfürsten in den Fürstenstand erhobenen Geschlechter ( M. Gritzner, K. Heling).
 Nürnberg: Bauer & Raspe, 1888.

Ancien chancelier fédéral (1867-1871), Otto von Bismarck cumule dorénavant les fonctions de chancelier impérial et de président du Conseil de Prusse ; il détient de facto le pouvoir décisionnel en Allemagne, avalisé par l’empereur Guillaume Ier jusqu’à la mort de celui-ci en 1888. Le bref règne de Frédéric III (mai-juin 1888) n’entrave pas les pouvoirs de Bismarck, contrairement à celui de l’empereur Guillaume II avec lequel Bismarck entretient des relations conflictuelles (à partir de juin 1888). Néanmoins, triomphant sur la scène européenne jusqu’à sa chute en 1890, le « chancelier de fer » entame une politique assimilatrice au sein de l’empire, politique qui suscite quelques mécontentements.


armoiries des Princes von Bismarck, avec le rajout de supports : les aigles de sable prussienne
à dextre et de gueules brandebourgeoise à senestre qui tiennent chacune une bannière
aux couleurs de la Lorraine et de l'Alsace, prises à la France en 1871.

Dès son arrivée à la chancellerie, Otto von Bismarck applique une politique autoritaire et unitaire dans l’empire, ce qui éveille de tenaces rancœurs. À partir de 1872, le luthérien impose l’assimilation religieuse, en défendant le Kulturkampf (« combat pour la culture ») : suppression de l’ordre de la Compagnie de Jésus, obligation du mariage civil, etc. L’opposition des milieux catholiques ne tarde pas, de même que celle des populations de langues française, polonaise et danoise refusant la politique d’assimilation linguistique. Conservateur, Bismarck combat également le socialisme naissant en promulguant une loi anti-socialiste en 1878. Ne pouvant endiguer les progrès de cette opposition de gauche, il cherche à lui retirer une partie de son électorat en mettant en place l'une des premières législations sociales européennes : assurance maladie, assurance accident et assurance vieillesse (1883-1884).


Sur le plan économique, Otto von Bismarck s’inspire du libéralisme et pratique un premier temps le libre-échangisme avant d’imposer, à partir de 1879, une politique protectionniste nationaliste, ce qui soulève l’hostilité des industriels. Son objectif unitaire lui inspire l’instauration d’une monnaie unique ayant cours dans tout le Reich, le mark (1873), et la création d’une banque impériale (1875). Sa politique est en définitive dynamique et payante, notamment dans le domaine industriel et dans celui des infrastructures.

lithographies vers 1900 : quelques-unes des innombrables cartes postales commémoratives, celles-ci avec avec sa dernière demeure : le château de Friedrichsruh, dans le Schleswig, et ses armoiries (émaux inversés pour celle de dessus)
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Après 1871, Otto von Bismarck cherche à maintenir un statu quo européen isolant la France et favorisant un réseau d’alliance autour de l’Allemagne. Il gère successivement deux systèmes dits « bismarckiens ».

Le premier, fondé sur la stratégie d’isolement de la jeune République française, consiste en une alliance avec l’Autriche-Hongrie et la Russie (« Entente des trois empereurs », 1872), pour contrebalancer la puissance anglaise et gêner le relèvement français. Mais cette alliance est rapidement dissoute faute d’accord entre la Russie et l’Autriche-Hongrie sur la question des Balkans.

Au congrès de Berlin de 1878 — qu’il domine —, Otto von Bismarck préserve l’alliance austro-allemande (la Duplice). Néanmoins, ce second système risque d’imploser sous l’effet d’une hypothétique alliance franco-russe, même après l’arrivée de l’Italie dans la Duplice (Triple-Alliance, 1882). L’Entente des trois empereurs (renouvelée en 1887, comme la Triple-Alliance) renaît cependant grâce au maintien des relations russo-allemandes. La France reste isolée et Bismarck joue sur deux tableaux, avec l’Italie et l’Autriche d’une part, avec la Russie de l’autre. L’apogée de ce système est atteint en 1887, grâce aux liens noués avec l’Angleterre. L’Allemagne domine alors l’Europe de toute son envergure.
armoiries des Princes von Bismarck - dictionnaire encyclopédique
 Meyers Konversations-Lexikon 1897
Sur le plan colonial enfin, le chancelier Bismarck accepte le protectorat sur le Togo et le Cameroun (1884), et la fondation du Sud-Ouest africain (1885), mais sa légitime prudence l’oppose au nouvel empereur Guillaume II (notamment en ce qui concerne la Weltpolitik). Conjugué au refus d’améliorer la législation sociale et à son rejet obstiné d’une légalisation de l’opposition ouvrière de gauche, ce conflit détermine la déliquescence de son système et sa retraite : Bismarck donne sa lettre de démission puis se retire le 20 mars 1890.
  Le chancelier Otto von Bismarck reste la grande figure de la politique européenne des années 1860-1890, dont il a livré le souvenir dans des Mémoires clairvoyantes. Mais, sans responsabilité, le vieil homme, retiré dans ses terres poméraniennes, perd toute autorité et meurt en 1898, quatre ans après une illusoire réconciliation avec Guillaume II et sans avoir jamais cessé de dénoncer farouchement son successeur, le comte von Caprivi.



Bismarckturm à Bochum (Allemagne)
La Bismarckmania ...
 Comme je l'ai annoncé au début de ce sujet, le vieux chancelier a bénéficié dans tout le Reich allemand, y compris de son vivant, d'une popularité énorme allant jusqu'à la démesure. Ce culte de la personnalité a encore décuplé après sa disparition. Ainsi en son honneur, on a construit des monuments à sa gloire sur tout le territoire du Reich à l'époque et même dans ses colonies. En particulier les "Bismarckturm" (Tours Bismarck) : environ 240 monuments en forme de tours pseudo-médiévales ou de phares ont été érigés, certains énormes, placés en général sur des hauteurs. Il en subsiste encore 173 surtout en Allemagne, mais aussi en Pologne, en République Tchèque, au Danemark, en Russie, etc.. et même une en France, près de Metz dans la commune du Ban-Saint-Martin, qui existe toujours (cette partie de la Lorraine était allemande entre 1871 et 1918). Beaucoup d'entre elles étaient ornées des armes familiales du chancelier.

détail de la Bismarckturm de Petersberg bei Halle
détail de la Bismarckturm à Wuppertal ( Allemagne)
détail de la Bismarckturm de Rathenow (Allemagne)















Bismarckturm à Elberfeld ( Wuppertal - Allemagne)
Bismarckturm à Langenberg (Allemagne)
détail de la Bismarckturm de Marburg ( Allemagne)
détail de la Bismarckturm de Velbert-Langenberg (Allemagne)

le monument national de Berlin , carte postale de 1901, avec les blasons
 de tous les états constitutifs du Reich y compris l'Alsace-Lorraine, dernier à gauche
le monument national de Berlin , carte postale armoriée , on devine dans le fond les colonnades du Reichstag.
vue d'ensemble du monument initialement placé devant le Palais du Reichstag
le monument sera déplacé en 1938 dans le Tiergarten (parc animalier) à Berlin, quelques centaines de mètres plus loin, ce qui le sauvera des destructions lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, notamment en 1945.
carte postale commémorative de la poste militaire en 1915
autre carte postale commémorative début XXe siècle
assiette décorative aux armes de Bismarck


En toute logique, les militaires se devaient d'honorer le grand homme d'état allemand comme il se doit : ce fut fait par la Kriegsmarine en 1939, avec le plus grand bateau de guerre que l'Allemagne ait jamais construit : le célèbre cuirassé Bismarck, grande fierté du régime nazi. Mais le symbole et la menace qu'il représentait fera sa perte . Avec toutes les forces aéronavales de la Royal Navy britannique lancées contre lui, et une course poursuite héroïque dans l'Atlantique nord, blessé, isolé et incapable de manœuvrer après plusieurs attaques aériennes, il sera coulé le 27 mai 1941, ce qui fera entrer une deuxième fois le nom de Bismarck dans la légende et l'Histoire.

la proue impressionnante du cuirassé Bismarck
armoiries navales du
 Schlachtschiff Bismarck
(cuirassé Bismarck)







  Et pour finir, un peu de géo-héraldique, une notion calquée sur la géopolitique, que j'aime bien, lorsque les blasons sont associés par un lien particulier, ou par une histoire commune, à la géographie d'un lieu ou de plusieurs, comme ici en l’occurrence.  Le blason de la maison de Bismarck a essaimé dans quelques armoiries municipales de sa région natale : la Saxe-Anhalt, près de Magdebourg, et celle où il a fini sa vie, non loin de Hambourg. Avec un superbe blason "aux armes pleines" pour commencer :
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commune de Schönhausen
(Allemagne - land de Saxe-Anhalt)
lieu de naissance de Bismarck au
Schloss Schönhausen
localité de Krevese
(Allemagne - land de Saxe-Anhalt)
la famille de Bismarck y possède un
château - manoir depuis 1562
landkreis de Stendal
(Allemagne - land de Saxe-Anhalt)
c'est l'arrondissement (landkreis)
qui regroupe les lieux précédents
Bizarrement, la ville de Bismark (sans c devant le k), située dans même la région d'origine de la famille et d'où provient certainement son patronyme n'a pris aucun élément du blason familial.
ville de Bismark (Altmark)
(Allemagne - land de Saxe-Anhalt)
Otto von Bismarck y a été fait citoyen
 d'honneur en 1895

commune de Aumühle
(Allemagne - land de Schleswig-Holstein)
où se situait la demeure de Bismarck
(Schloss Friedrichsruh)
commune de Wohltorf
(Allemagne - land de Schleswig-Holstein)
Bismarck y possédait une forêt
commune de Dassendorf
(Allemagne - land de Schleswig-Holstein)
ancienne possession des ducs de Lauenburg
Bismarck était duc de Lauenburg






le timbre émis par l'Allemagne en 2015 pour le bicentenaire
du chancelier Bismarck.




           Herald Dick




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