S uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : → ◙
Nous poursuivons avec la découverte du Gouvernement Général de Guyenne. Nous l'avons abordé les dernières fois, il est composé de nombreux anciens duchés ou comtés rattachés les uns après les autres au royaume de France, le tout dernier étant le Béarn, acquis en 1620 par un Édit de Louis XIII. Ces entités administratives du royaume sont découpées en généralités et en sénéchaussées (pour le sud du pays). Nous allons découvrir le douzième chapitre de ces sénéchaussées : le pays puis ancienne province du Quercy, en Guyenne, subdivisé en Haut-Quercy (Cahors) et Bas-Quercy (Montauban). A la Révolution, lors de la création des départements, le Quercy sera renommé : département du Lot, préfecture : Cahors. Ce n'est qu'en 1808, sous la pression des notables de Montauban, frustrés d'avoir perdu la direction des affaires au détriment de Cahors, qu'une partie du Bas-Quercy sera détachée et assemblée à des communes provenant du Rouergue, de l'Agenais, du Gers, et aussi du Languedoc, pour former le nouveau département du Tarn-et-Garonne.
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Comme nous pouvons le constater sur le manuscrit, avec cet écu vide, le blason du pays de Quercy n'avait pas encore d'existence en 1669. Il n'est pas enregistré non plus dans l'Armorial Général de France du sieur d'Hozier. Sur une carte géographique hollandaise datée de 1690 (voir exemplaire numérisé → ICI), signée F. de Witt (détail ci-dessus à gauche), l'auteur attribue au Quercy un blason similaire à celui de Cahors mais avec une rivière de sinople. Ce n'est donc que bien plus tard qu'il est confirmé, en s'inspirant de celui de sa "capitale" : la ville de Cahors, et avec comme différence principale, une rivière qui est d'azur au lieu d'argent, comme nous le voyons sur ce dessin signé Robert Louis (ci-dessus à droite), le grand héraldiste français qui en est le créateur dans les années '1950 (fragment d'une carte postale héraldique du milieu du XXe siècle).
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir
Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume II. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent (quand il existe) dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
Armorial Général de France - volume XV - Languedoc et Roussillon - 2e partie ( BNF Paris)
Cahors (Lot) |
L'origine de l'image des armoiries de Cahors remonte au moins au XIVe siècle (il est présent sur les sceaux de la ville dès 1306). Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent (y compris notre célèbre héraldiste Robert Louis [1902/1965]), le pont figurant sur les armoiries de la ville de Cahors n’est pas le célèbre pont Valentré, mais le pont Vieux avec ses 5 tours. En effet au XIVe siècle, la ville de Cahors avait trois ponts sur le Lot, dont un seul subsiste de nos jours :
- Le pont Vieux, ou pont Notre-Dame, avec ses 5 tours, qui a été démoli en 1868 et remplacé par l'actuel pont Louis-Philippe.
- Le pont Neuf, avec 2 tours et un corps de garde central, détruit en 1906 et remplacé par un pont moderne : le pont de Cabessut.
- Le pont Valentré, avec ses 3 tours et ses 2 châtelets : un des monuments médiévaux les plus remarquables de France et classé depuis 1998 au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Les manuscrits ci-dessus montrent un pont droit avec cinq tours surmontant cinq arches qui est une aberration grave au sens architectural : l'arche étant un affaiblissement de la structure porteuse, elle ne peut soutenir le poids d'une tour de 15 mètres de hauteur : c'est l'effondrement assuré ! Le dessin héraldique, même s'il est une schématisation de la réalité se doit quand même de respecter quelques principes de base de la physique ou de la nature. Le blason moderne a heureusement rectifié cette erreur "monumentale" en posant les tours sur les piles, mais en revanche, on en a fait un pont fortement voûté, alors que dans la réalité il n'a que très peu de déclivité... La rivière est bien évidemment le Lot qui entoure la ville d'un long méandre au cœur d'un cirque de montagnes.
Le blason de Montauban comporte des armes parlantes, pas évidentes au premier abord, car incomplètes! Le nom en latin de Montauban est "Montalbanum" : le mont blanc, car couvert de saules, des arbres au feuillage vert clair, blanchâtre. De la branche de saule d'or chez La Planche, nous sommes passé au saule arraché d'argent dans l'Armorial Général de France (ci-dessus). Sous le 1er Empire, en 1811 puis pendant la Restauration, en 1826, le mont a été rajouté, surmonté d'un saule étêté, le tout d'or, ce qui n'est pas très judicieux pour illustrer un "mont blanc" !
Le blason de Moissac relève des anciennes armes pleines des Comtes de Toulouse avec un chef de France: plus toulousaine que Toulouse, du coup, si on le compare à cette dernière ! La fameuse croix grecque vidée, cléchée et pommetée de douze pièces d'or a donc été offerte à la ville de Moissac depuis des temps très anciens, un privilège qu'elle a conservé depuis, sauf pendant la période du 1er Empire où une colonne ionique d'or sur champ de sinople est apparue, embrassée de pampres de vigne. On oubliera le dessin des scribes de Charles d'Hozier qui ont "pondu" une vraie croix grecque, pleine et pommetée de douze points, d'argent.
Notre père jésuite n'avait pas eu connaissance du blason de Figeac, puisque il a laissé un écu vide.
La ville a fait enregistrer un blason "d'argent à la croix de gueules" dans l'Armorial Général de France établi par l'édit de 1696. Ce blason semble avoir été utilisé jusqu'au XXe siècle avant d'être supplanté par un autre blason : "d'azur à la croix d'argent".
Montauban (Tarn -et - Garonne) |
Le blason de Montauban comporte des armes parlantes, pas évidentes au premier abord, car incomplètes! Le nom en latin de Montauban est "Montalbanum" : le mont blanc, car couvert de saules, des arbres au feuillage vert clair, blanchâtre. De la branche de saule d'or chez La Planche, nous sommes passé au saule arraché d'argent dans l'Armorial Général de France (ci-dessus). Sous le 1er Empire, en 1811 puis pendant la Restauration, en 1826, le mont a été rajouté, surmonté d'un saule étêté, le tout d'or, ce qui n'est pas très judicieux pour illustrer un "mont blanc" !
Moissac (Tarn -et - Garonne) |
Le blason de Moissac relève des anciennes armes pleines des Comtes de Toulouse avec un chef de France: plus toulousaine que Toulouse, du coup, si on le compare à cette dernière ! La fameuse croix grecque vidée, cléchée et pommetée de douze pièces d'or a donc été offerte à la ville de Moissac depuis des temps très anciens, un privilège qu'elle a conservé depuis, sauf pendant la période du 1er Empire où une colonne ionique d'or sur champ de sinople est apparue, embrassée de pampres de vigne. On oubliera le dessin des scribes de Charles d'Hozier qui ont "pondu" une vraie croix grecque, pleine et pommetée de douze points, d'argent.
Figeac (Lot) |
La ville a fait enregistrer un blason "d'argent à la croix de gueules" dans l'Armorial Général de France établi par l'édit de 1696. Ce blason semble avoir été utilisé jusqu'au XXe siècle avant d'être supplanté par un autre blason : "d'azur à la croix d'argent".
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D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :
- avec un contour de blason vide, sans description comme celui de Figeac, ci-dessus: Lauzerte, Castelnau-Montratier, Gourdon, Martel, Rocamadour, Caussade, Montpezat (-du-Quercy).
- sans blason ni mention s'y rapportant : Molières, Nègrepelisse, Bruniquel, Réalville, Caylus, Montcuq, Souillac, Saint-Céré.
# cependant, quelques années plus tard, certaines villes (en gras, ci-dessus) ont été enregistrées et blasonnées dans l'Armorial Général de France (certains de ces blasons sont toujours d'actualité aujourd'hui, à quelques détails près ) :
Lauzerte (Tarn -et- Garonne) |
Castelnau - Montratier (Lot) |
Gourdon (Lot) |
Rocamadour (Lot) |
Caussade (Tarn -et- Garonne) |
Montpezat -du- Quercy (Tarn -et- Garonne) |
Molières (Tarn -et- Garonne) |
Nègrepelisse (Tarn -et- Garonne) |
Bruniquel (Tarn -et- Garonne) |
Réalville (Tarn -et- Garonne) |
Caylus (Tarn -et- Garonne) |
Montcuq (Lot) |
Souillac (Lot) |
# et pour être complet avec l'Armorial Général de France, on peut encore rajouter ces dernières villes appartenant à la province du Quercy, et qui n'ont pas été mentionnées dans le manuscrit de La Planche :
- Gramat, Carennac, Cajarc, Lacapelle-Marival .
certains de ces blasons sont encore d'actualité.
Gramat (Lot) |
Carennac (Lot) |
Cajarc (Lot) |
Lacapelle - Marival (Lot) |
Un très grand nombre d'autres villages de la région, nommés "communautés des habitants" (Com.té des hañs)
dans les registres de l'Armorial Général de France ont été identifiés
et enregistrés avec des armoiries la plupart attribuées d'office. Il
serait fastidieux de les lister tous ici, d'autant que certaines
localités ont été absorbées par les nouvelles communes constituées après
la Révolution. Toutefois vous pouvez vous amuser à les rechercher dans
les ouvrages numérisés chez Gallica, dont je donne les liens
ci-dessous, et accessoirement aussi dans les très intéressantes fiches
listées département par département sur le site : armorial de france.fr
A bientôt pour une nouvelle série ... →◙
Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés à :
http://armorialdefrance.fr/
http://armoiries.free.fr/
Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : http://www.bibliotheque-conde.fr/
http://armorialdefrance.fr/
http://armoiries.free.fr/
Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : http://www.bibliotheque-conde.fr/
Herald Dick
Le pont des armes de Cahors n’est pas le pont Valentre mais le pont vieux qui a été rasé au 19e siècle pour faire place au Pont Neuf actuel. Ce pont vieux était plus spectaculaire encore et disposait bien de 5 tours
RépondreSupprimerVous avez raison : à l'époque je m'étais fié à une note de Robert Louis sur les blasons des préfectures ( voir mon sujet: https://herald-dick-magazine.blogspot.com/2011/12/la-carte-des-prefectures-de-robert.html )
RépondreSupprimeret de plus j'avais rectifié mes commentaires sur autre sujet fait en 2022 autour du Tour de France, avec une étape arrivant à Cahors: j'aurais dû penser à rectifier celui-ci ! Merci pour votre signalisation, ce sera corrigé très bientôt.
HD