Aujourd'hui le 1er avril 2015, on célèbre le 200e anniversaire de la naissance d'un grand homme d'état du XIXe siècle, artisan de l'unité allemande et chancelier de l'Empire allemand (1871-1890). Entre 1866 et 1887, Otto von Bismarck a été l’un des personnages centraux de la vie politique européenne. Il fut l'objet d'un culte de la personnalité dans le monde germanique durant toute la période de l'Empire allemand. En revanche, les français l'ont haï avec la même force, en raison de son hostilité viscérale envers la France, qui a mené les deux pays à la guerre de 1870, à la défaite de la France et à la perte de l'Alsace-Lorraine.
photo d' Otto von Bismarck en 1860 (à 45 ans) réserve Bundesarchiv timbre émis en 1965 par la poste allemande |
Otto von Bismarck
Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen,
• comte puis prince de Bismarck, duc de Lauenbourg
• né le 1er avril 1815, à Schönhausen, à l'époque en Prusse (actuellement dans le land de Saxe-Anhalt, Allemagne)
• mort le 30 juillet 1898 à Friedrichsruh, localité de la commune d'Aumühle (land de Schleswig-Holstein, Allemagne)
Otto von Bismarck en 1836 ( 21 ans) |
En 1847, année de son mariage avec Johanna von Puttkammer, Otto von Bismarck entre en politique comme délégué au Landtag de Prusse où il siège à l’extrême droite. Durant le «Printemps des peuples » de 1848, il s’affirme radicalement opposé à toute réforme démocratique et fait pression sur Frédéric-Guillaume IV pour réprimer la révolution. En 1851, il est nommé représentant prussien au Parlement fédéral de Francfort, poste qu’il conserve jusqu’en 1859. Progressivement, il gravit les échelons du pouvoir en se faisant le champion de la cause absolutiste et prussienne. Toute son action s’inscrit dans une unique perspective : réaliser l’unité allemande aux dépens de l’Autriche.
.
caricature française (estampe) du XIXe siècle représentant l'unité allemande conduite de manière autoritaire par Bismarck document : Musée du Château de Compiègne (France) |
Guillaume Ier hésite peu avant de nommer ce charismatique personnage, le 8 octobre suivant, à la présidence du Conseil et de lui offrir le portefeuille des Affaires étrangères. La première mission de Bismarck consiste à réduire l'opposition entre le gouvernement prussien et le Parlement sur les effectifs militaires. À la tête d'une des plus puissantes armées du monde, il entame alors une partie d’échec politico-militaire qui révèle ses talents de stratège et sa détermination.
Le projet de l’unité allemande au profit de la Prusse accapare toute la politique de Bismarck. Entre 1864 et 1871, date de la proclamation du IIe Reich, il œuvre sans relâche, « par le fer et par le sang », à la construction de l’unité allemande, aux dépens de l’Autriche puis de la France.
O.v. Bismarck, chancelier du Reich en 1870. |
.
Après avoir aménagé l’union douanière, le Zollverein, en 1864 — aménagement qui dessert l’Autriche —, Otto von Bismarck entraîne cette dernière dans la seconde guerre des Duchés. Au terme du conflit (1864), les duchés de Schleswig et de Lauenburg reviennent à la Prusse tandis que le Holstein est administré par l’Autriche. Otto von Bismarck isole alors l’Autriche en passant des accords avec la France de Napoléon III et l’Italie (respectivement en octobre 1865 et avril 1866), puis prétexte une mauvaise gestion autrichienne du Holstein pour susciter le conflit.
La guerre austro-prussienne de juin-juillet 1866 se clôt sur la victoire de Bismarck à Sadowa, le 3 juillet 1866. Par la paix de Prague du 23 août 1866, la Confédération germanique est dissoute au profit d’une confédération de l’Allemagne du Nord (Norddeutscher Bund) agrégeant les États du Nord autour d’une Prusse hégémonique, qui annexe en outre Hanovre, Nassau et le Hessel-Cassel.
Nommé chancelier de la Confédération (fonction fédérale) en juillet 1867, Otto von Bismarck, qui vient de construire une entité politique unie et continue depuis les confins polonais jusqu’à la frontière française, entend terminer sa grande œuvre en alliant les États allemands du Sud. Pour ce faire, il parie sur une réaction patriotique et unitaire en entraînant ces derniers dans une guerre contre la France.
Napoléon III, fait prisonnier, s'entretient avec Bismarck à Donchéry (Ardennes) le lendemain de la défaite de Sedan , le 2 septembre 1870 |
Répondant à la volonté de Bismarck, le traité de Francfort du 10 mai 1871 assujettit la France à une lourde contribution de guerre et donne au nouveau Reich l’Alsace et une partie de la Lorraine — qui engendre la durable question de l’Alsace-Lorraine entre la France et l’Allemagne.
Ancien chancelier fédéral (1867-1871), Otto von Bismarck cumule dorénavant les fonctions de chancelier impérial et de président du Conseil de Prusse ; il détient de facto le pouvoir décisionnel en Allemagne, avalisé par l’empereur Guillaume Ier jusqu’à la mort de celui-ci en 1888. Le bref règne de Frédéric III (mai-juin 1888) n’entrave pas les pouvoirs de Bismarck, contrairement à celui de l’empereur Guillaume II avec lequel Bismarck entretient des relations conflictuelles (à partir de juin 1888). Néanmoins, triomphant sur la scène européenne jusqu’à sa chute en 1890, le « chancelier de fer » entame une politique assimilatrice au sein de l’empire, politique qui suscite quelques mécontentements.
Dès son arrivée à la chancellerie, Otto von Bismarck applique une politique autoritaire et unitaire dans l’empire, ce qui éveille de tenaces rancœurs. À partir de 1872, le luthérien impose l’assimilation religieuse, en défendant le Kulturkampf (« combat pour la culture ») : suppression de l’ordre de la Compagnie de Jésus, obligation du mariage civil, etc. L’opposition des milieux catholiques ne tarde pas, de même que celle des populations de langues française, polonaise et danoise refusant la politique d’assimilation linguistique. Conservateur, Bismarck combat également le socialisme naissant en promulguant une loi anti-socialiste en 1878. Ne pouvant endiguer les progrès de cette opposition de gauche, il cherche à lui retirer une partie de son électorat en mettant en place l'une des premières législations sociales européennes : assurance maladie, assurance accident et assurance vieillesse (1883-1884).
Sur le plan économique, Otto von Bismarck s’inspire du libéralisme et pratique un premier temps le libre-échangisme avant d’imposer, à partir de 1879, une politique protectionniste nationaliste, ce qui soulève l’hostilité des industriels. Son objectif unitaire lui inspire l’instauration d’une monnaie unique ayant cours dans tout le Reich, le mark (1873), et la création d’une banque impériale (1875). Sa politique est en définitive dynamique et payante, notamment dans le domaine industriel et dans celui des infrastructures.
Le premier, fondé sur la stratégie d’isolement de la jeune République française, consiste en une alliance avec l’Autriche-Hongrie et la Russie (« Entente des trois empereurs », 1872), pour contrebalancer la puissance anglaise et gêner le relèvement français. Mais cette alliance est rapidement dissoute faute d’accord entre la Russie et l’Autriche-Hongrie sur la question des Balkans.
Au congrès de Berlin de 1878 — qu’il domine —, Otto von Bismarck préserve l’alliance austro-allemande (la Duplice). Néanmoins, ce second système risque d’imploser sous l’effet d’une hypothétique alliance franco-russe, même après l’arrivée de l’Italie dans la Duplice (Triple-Alliance, 1882). L’Entente des trois empereurs (renouvelée en 1887, comme la Triple-Alliance) renaît cependant grâce au maintien des relations russo-allemandes. La France reste isolée et Bismarck joue sur deux tableaux, avec l’Italie et l’Autriche d’une part, avec la Russie de l’autre. L’apogée de ce système est atteint en 1887, grâce aux liens noués avec l’Angleterre. L’Allemagne domine alors l’Europe de toute son envergure.
armoiries des Princes von Bismarck - dictionnaire encyclopédique Meyers Konversations-Lexikon 1897 |
Le chancelier Otto von Bismarck reste la grande figure de la politique européenne des années 1860-1890, dont il a livré le souvenir dans des Mémoires clairvoyantes. Mais, sans responsabilité, le vieil homme, retiré dans ses terres poméraniennes, perd toute autorité et meurt en 1898, quatre ans après une illusoire réconciliation avec Guillaume II et sans avoir jamais cessé de dénoncer farouchement son successeur, le comte von Caprivi.
Bismarckturm à Bochum (Allemagne) |
Comme je l'ai annoncé au début de ce sujet, le vieux chancelier a bénéficié dans tout le Reich allemand, y compris de son vivant, d'une popularité énorme allant jusqu'à la démesure. Ce culte de la personnalité a encore décuplé après sa disparition. Ainsi en son honneur, on a construit des monuments à sa gloire sur tout le territoire du Reich à l'époque et même dans ses colonies. En particulier les "Bismarckturm" (Tours Bismarck) : environ 240 monuments en forme de tours pseudo-médiévales ou de phares ont été érigés, certains énormes, placés en général sur des hauteurs. Il en subsiste encore 173 surtout en Allemagne, mais aussi en Pologne, en République Tchèque, au Danemark, en Russie, etc.. et même une en France, près de Metz dans la commune du Ban-Saint-Martin, qui existe toujours (cette partie de la Lorraine était allemande entre 1871 et 1918). Beaucoup d'entre elles étaient ornées des armes familiales du chancelier.
détail de la Bismarckturm de Petersberg bei Halle |
détail de la Bismarckturm à Wuppertal ( Allemagne) |
détail de la Bismarckturm de Rathenow (Allemagne) |
Bismarckturm à Elberfeld ( Wuppertal - Allemagne) |
Bismarckturm à Langenberg (Allemagne) |
détail de la Bismarckturm de Marburg ( Allemagne) |
détail de la Bismarckturm de Velbert-Langenberg (Allemagne) |
le monument national de Berlin , carte postale de 1901, avec les blasons de tous les états constitutifs du Reich y compris l'Alsace-Lorraine, dernier à gauche |
le monument national de Berlin , carte postale armoriée , on devine dans le fond les colonnades du Reichstag. |
vue d'ensemble du monument initialement placé devant le Palais du Reichstag |
carte postale commémorative de la poste militaire en 1915 |
autre carte postale commémorative début XXe siècle |
assiette décorative aux armes de Bismarck |
En toute logique, les militaires se devaient d'honorer le grand homme d'état allemand comme il se doit : ce fut fait par la Kriegsmarine en 1939, avec le plus grand bateau de guerre que l'Allemagne ait jamais construit : le célèbre cuirassé Bismarck, grande fierté du régime nazi. Mais le symbole et la menace qu'il représentait fera sa perte . Avec toutes les forces aéronavales de la Royal Navy britannique lancées contre lui, et une course poursuite héroïque dans l'Atlantique nord, blessé, isolé et incapable de manœuvrer après plusieurs attaques aériennes, il sera coulé le 27 mai 1941, ce qui fera entrer une deuxième fois le nom de Bismarck dans la légende et l'Histoire.
la proue impressionnante du cuirassé Bismarck |
armoiries navales du Schlachtschiff Bismarck (cuirassé Bismarck) |
Et pour finir, un peu de géo-héraldique, une notion calquée sur la géopolitique, que j'aime bien, lorsque les blasons sont associés par un lien particulier, ou par une histoire commune, à la géographie d'un lieu ou de plusieurs, comme ici en l’occurrence. Le blason de la maison de Bismarck a essaimé dans quelques armoiries municipales de sa région natale : la Saxe-Anhalt, près de Magdebourg, et celle où il a fini sa vie, non loin de Hambourg. Avec un superbe blason "aux armes pleines" pour commencer :
.
commune de Schönhausen (Allemagne - land de Saxe-Anhalt) lieu de naissance de Bismarck au Schloss Schönhausen |
localité de Krevese (Allemagne - land de Saxe-Anhalt) la famille de Bismarck y possède un château - manoir depuis 1562 |
landkreis de Stendal (Allemagne - land de Saxe-Anhalt) c'est l'arrondissement (landkreis) qui regroupe les lieux précédents |
ville de Bismark (Altmark) (Allemagne - land de Saxe-Anhalt) Otto von Bismarck y a été fait citoyen d'honneur en 1895 |
commune de Aumühle (Allemagne - land de Schleswig-Holstein) où se situait la demeure de Bismarck (Schloss Friedrichsruh) |
commune de Wohltorf (Allemagne - land de Schleswig-Holstein) Bismarck y possédait une forêt |
commune de Dassendorf (Allemagne - land de Schleswig-Holstein) ancienne possession des ducs de Lauenburg Bismarck était duc de Lauenburg |
le timbre émis par l'Allemagne en 2015 pour le bicentenaire du chancelier Bismarck. |
Herald Dick
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire