|
Clovis à la bataille de Tolbiac (496) contre
les Alamans - fragment de gravure :
notez les crapauds sur son tabard
blason de Zülpich (Allemagne)
nom actuel de Tolbiac |
1500 ans ...
Un monumental anniversaire pour l'histoire de notre pays ! Mais qui passe complètement inaperçu ou presque dans l'actualité et les médias... Ah ! la crise, les guéguerres politiciennes, les faits divers, ça marche, l'actu people : pas de problême. La culture : rien, sauf dans les médias très spécialisés.
Pourtant ce Clovis, le fier sicambre , du nom de son peuple d'origine, c'est un sacré "people" de l'Histoire de France !!
Le Général de Gaulle, lui-même, revendiquait son héritage, en précisant que ce grand chef, fédérateur des différents royaumes Francs, et vainqueur des autres peuples non ralliés : alamans , wisigoths, etc... après sa conversion au christianisme, pouvait être considéré comme le fondateur de notre Nation. Le Romulus et Rémus de la France , en quelque sorte..
|
L'épisode (controversé) du vase de Soissons
enluminure du XVè siècle |
Son tombeau était placé jadis dans l'ancienne basilique Ste-Geneviève à Paris ( là où se trouve le Panthéon actuellement et ... la rue Clovis !). On ne sait rien de ce que sont devenus ses restes , mais son gisant du XIIIè siècle a été transféré plus tard dans la cathédrale de Saint-Denis où il est désormais.
Clovis Ier est au début de la dynastie des rois mérovingiens qui règneront sur le Royaume des Francs jusqu'au milieu du VIIIè siècle , puis remplacée par la dynastie carolingienne.
|
Gisant de Clovis , roi des Francs
cathédrale-basilique de Saint-Denis (Ile-de-France) |
|
l'épisode du Baptême par Saint Rémi (496)
lettrine d'un manuscrit |
Mais , à ce stade , vous allez sans doute vous dire , et alors quel rapport avec l'héraldique , qui n'est apparue qu'au XIIè siècle ? Eh bien : beaucoup de questions sur ses origines, ce qu'on appelle parfois la pré-héraldique, quelques certitudes et certains doutes.
Les chroniqueurs du Moyen-Âge , étaient surtout des religieux , clercs ou moines , et une de leurs attributions était de copier les manuscrits . Comme ils étaient également de fins illustrateurs , ils nous ont laissé des quantités phénoménales d'enluminures , gravures , dessins , lettrines , etc... pour notre plus grand plaisir , ce sont les BD de l'Histoire. Et la folie du dessin héraldique leur est montée à la tête, comme une drogue , à vouloir blasonner tout et n'importe quoi ! Les personnages légendaires ( comme les Chevaliers de la Table Ronde) , les personnages de la Bible et du Nouveau Testament , y compris Dieu , Jésus-Christ , même le Diable , et aussi la Mort , tout y est passé. Et donc aussi les grands personnages de la vraie Histoire antérieure au XIIè siècle ; pour l'Antiquité : le roi David, Alexandre le Grand, Jules César, etc...
Voici donc comment Clovis et les rois mérovingiens , ses successeurs se sont vu attribuer des crapauds , et surtout à l'étranger , d'ailleurs , bizarrement ! Est-ce que nous n'étions pas déjà des froggies en ce temps-là ?
|
Armes des Rois mérovingiens selon
l'Armorial de Grünenberg (1483)
d'azur à trois crapauds d'or |
|
Armes du Roi légendaire Pharamond ,
ancêtre supposé de Clovis ,
de sable à trois crapauds d'or |
Par la suite , découlant de ces extravagances, des phantasmes ont eu cours, à toutes les époques, pour prétendre que le symbole de la fleur de lys serait une déformation progressive du crapaud vers la fleur. Ou bien ce sont les abeilles de Childéric, et bla-bla... De plus, pour ces faux érudits, les figures du blason doivent nécessairement toujours avoir une signification symbolique et permettre de remonter à l'origine, il ne peut pas être dû au hasard ou issu d'un choix arbitraire. Et ainsi le tour est joué, l'Histoire réécrite, comme quoi les rois de France sont les descendants de Clovis et par lui avant, de Priam, le roi des Troyens, ou bien même aussi de Jésus-Christ, par la grâce de Dieu, on ne sait pas trop comment. Les signes sont là qui le prouvent et tout corrobore... surtout pour mener à bien et trouver des justifications pour la Croisade ou autres théories extrêmistes.
Voici déjà ce qu'en pensaient les philosophes du Siècle des Lumières ;
extrait de l' Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1756) * :
(*) orthographe de l'époque conservée
Fleurs-de-lis ,s. m. pl.
(Blason.) armes des rois de France: personne n'ignore qu'ils portent d'azur à trois
fleurs-de-lis d'or.
Les fleurs-de-lis étoient déjà employées pour ornement à la couronne des rois de France, du tems de la seconde race, & même de la première: on en voit la preuve dans l'abbaye de S. Germain des Prés, au tombeau de la reine Frédegonde, dont la couronne est terminée par de véritables fleurs-de-lis, & le sceptre par un lys champêtre. Ce tombeau, qui est de marqueterie, parsemé de siligrame de laiton, paroît original ; outre qu'il n'y a point d'apparence qu'on eût pensé à orner de la sorte le tombeau de cette reine long-tems après fa mort, puisqu'elle a si peu mérité cet honneur pendant sa vie.
Pour ce qui est de la seconde race, on trouve plusieurs portraits de Charles-le-Chauve, dans les livres écrits de son vivant, avec de vraies fleurs-de-lis à fa couronne ; quelques-uns de ces manuscrits se gardent dans la bibliothèque du Roi, comme aussi dans celle de M. Colbert qui y est jointe ; & l'on en peut voir les figures dans le second tome des capitulaires de M. Baluze.
Mais comme les rois de France n'ont point eu d'armes avant le douzième siécle , les
fleurs-de-lis n'ont pû y être employées qu'après ce tems-là. Philippe Auguste est le premier qui s'est servi
d'une fleur-delis seule au contre-scel de ses chartes; ensuite Louis VIII. & S. Louis imitèrent son exemple : après eux, on mit dans l'écu des armes des rois de France, des
fleurs-de-lis fans nombre ; & enfin elles ont été rédui-tes à trois, sous le règne de Charles VII*.
Voilà le sentiment le plus vraissemblable sur l'époque à laquelle nos rois prirent les fleurs-de-lis dans leurs armes ; & c'est l'opinion du P. Mabillon. M. de Ste Marthe, fils & neveu des frères de Ste Marthe, qui ont travaillé avec beaucoup de soin à recueillir nos historiens, & à éclaircir plusieurs points obscurs de notre histoire, pense que la fleur-de-lis a commencé d'être l'unique symbole de nos rois sous Louis VII. surnommé le Jeune. L'on voit que son époque n'est pas bien éloignée de celle du P. Mabillon. Quant à l'opinion de ceux qui veulent que nos lis ayent été dans leur origine le bout d'une espeçe de hache d'armes appellée francisque, à cause de quelque rapport qui se trouve entre ces deux choses ; cette opinion n'est étayée d'aucune preuve solide. Nous pourrions citer plusieurs autres conjectures qui ne sont pas mieux établies ; mais nous nous arrêterons seulement à celle de Jacques Chifflet, à cause des partisans qu'elle s'est acquise.
Dans la découverte faite à Tournay en 1653 , du tombeau de Childeric I. on y trouva l'anneau de ce prince, environ cent médailles d'or des premiers empereurs romains, zoo autres médailles d'argent toutes rouillées, un javelot, un graphium avec son stilet & des tablettes ; le tout garni d'or: une figure en or d'une tête de bœuf avec un globe de crystal, & des abeilles aussi toutes d'or au nombre de trois cents ou plus.-Cette riche dépouille fut donnée à l'archiduc Léopold , qui étoit pour lors gouverneur des Pay&Bas,; $c après fa .mort, Jean-Philippe de Schonborn, électeur de Cologne , fit présent à Louis XIV. en 1665 , de ces précieux restes du tombeau d'un de ses prédécesseurs: on les garde à la bibliothèque du Roi.
M. Chifflet prétend donc prouver par ce monument , que les premières armes de nos rois étoient des abeilles , & que des peintres & des sculpteurs mal habiles ayant voulu les représenter., y avoient si mal réussi qu'elles devinrent nos
fleurs-de-lis, lorsque dans le douzième siécle la France & les autres états de la chrétienté prirent des armes blasonnées: mais cette conjecture nous .paraît plus imaginaire que fondée; parce que , suivant toute apparence , les abeilles de grandeur naturelle & d'or massif, trouvées dans le tombeau de Childeric I. n'étoient qu'un symbole de ce prince, & non pas ses armes. Ainsi dans la découverte qu'on a faite en 1646 du tombeau de Childéric II. en travaillant à l'églife de S. Germain des Prés, on trouva quantité de figures du serpent à deux têtes , appellé par les Grecs
amphisbene, lesquelles figures étoient fans doute également le symbole de Childeric II. comme les abeilles l'étoient de Childeric I.
Au surplus, Chifflet, dans son ouvrage à ce sujet intitulé
lilium francicum, a eu raison de se mocquer des contes ridicules qu'il avoit lûs dans quelquesuns de nos historiens, fur les
fleurs-de-lis. En effet, les trois couronnes, les trois crapauds changés en trois
fleurs-de-lis par l'ange qui vint apporter à Clovis l'écusson chargé de ces trois
fleurs;ce qui a engagé les uns à imaginer que les rois de. France portoient au commencement de sable à trois crapauds d'or ; les autres, d'or à trois crapauds de sable ; & d'autres enfin , comme Trithème, d'azur à trois grenouilles de sinople ; tout cela, dis-je, ne peut passer que pour des fables puériles qui ne méritent pas d'être réfutées sérieusement.
Article de M. le Chevalier DE Jaucourt.
(*) c'est en fait plus tôt, Charles V qui a réduit les armes de France à trois lys.
|
deux seules survivantes des quelques 300 abeilles d'or incrustées de grenats
trouvées en 1653 dans le tombeau de Childéric Ier, à Tournai (Belgique)
(NB : Childéric était le père de Clovis)
Napoléon Ier s'en est inspiré pour les armoiries qui ont été créées durant son règne
Armoiries de Paris en 1811 |
Ce qui est indéniable , c'est l'étymologie : le vrai nom en dialecte franc de Clovis était Hlodowig (avec le h aspiré comme en arabe), qui a été traduit en latin Ludovicus , et deviendra Ludwig en allemand et Louis en français ...
Et , étant donné qu'il y a eu quatre rois des Francs portant le nom de Clovis, donc équivalent à Louis , il devrait y avoir un décalage d'autant dans l'ordre des Louis !!
Louis XIV devrait donc être Louis XVIII le Roi-Soleil , et le dernier Louis XVIII devrait s'appeler Louis XXII ?? Bon , je le concède , je pousse un peu le bouchon ... ;-)