S uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : → ◙
Nous poursuivons avec la découverte du Gouvernement de Picardie. Nous avons vu les fois précédentes, que la province de Picardie au XVIIe siècle regroupait globalement : tout le département actuel de la Somme, une petite frange au nord du département de l'Oise, le nord du département de l'Aisne : les pays du Vermandois (Saint-Quentin) et de la Thiérache, ainsi que la partie occidentale et maritime du département du Pas-de-Calais: le Boulonnais et le Calaisis.
Nous poursuivons avec le chapitre 4 consacré à la sénéchaussée du Ponthieu :
Revenir à l'épisode précédent → ◙
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent (quand il existe) dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
(*) Armorial Général de France - volume XXVI - Picardie - Généralité d'Amiens (BNF Paris)
C'est indiqué dans le texte: Abbeville est la capitale du pays de Ponthieu. Elle porte le blason de l'ancien comté de Ponthieu, mais avec les couleurs inversées. Si le Ponthieu porte "d'or à trois bandes d'azur à la bordure de gueules, Abbeville porte "d'azur à trois bandes d'or à la bordure de gueules", mais l'erreur est très fréquente. Faites une recherche sur votre moteur préféré, vous verrez par vous même. Et d'ailleurs notre auteur du manuscrit: Pierre de La Planche l'a faite! ou encore l'auteur du plus ancien "Armorial des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem" (voir → ICI), alors que Monsieur d'Hozier a lui bien tenu compte de cette particularité ...
Le chef de France et la devise "FIDELIS" (je suis fidèle) ont été ajoutés aux armes initiales en 1369, par lettres patentes du roi de France Charles V pour remercier les habitants d'Abbeville de leur fidélité à la couronne.
De même que précédemment, les armes de l'ancien comté de Ponthieu sont présentes dans le chef mais les émaux devraient être inversés sur le manuscrit, comme le montre le blason actuel.
Autres différences : le manuscrit nous donne un blason coupé, et non pas pourvu d'un chef, qu'on peut voir sous cette forme dans d'autres armoriaux, même récents, tel que l'Armorial de la Somme de Jean Estienne et Mireille Louis (1972); les lettres capitales romaines R V E sont passées de l'argent à l'or.
La ville de Saint-Riquier semble s'être appropriée des armes attribuées à l'ancienne Abbaye bénédictine de Saint-Riquier, "d'azur semé de fleurs de lis d'or", à l'origine fondée en 625 par saint Riquier lui-même. Mais on l'a déjà vu avec d'autres lieux possédant un établissement religieux important : abbaye, basilique ou évêché, l'auteur du manuscrit, qui est un prêtre jésuite, a tendance à confondre très souvent les armes des deux entités, civiles et ecclésiastiques.
On connait par les archives de la Bibliothèque municipale d'Abbeville d'autres blasons attribués à l'Abbaye : une simple crosse d'abbé accompagnée de trois fleurs de lis (voir → ICI) ou encore un dextrochère tenant une crosse d'abbé accompagné de trois fleurs de lis (voir → ICI). Et il y a encore ces armoiries "d'or à la croix pattée de sable" qu'on peut voir dans l'Armorial Général de France (ci-dessus) et dont il est permis de douter de leur authenticité.
Par la suite, au cours du XIXe siècle, la municipalité a rajouté un chef d'argent à l'azur semé de fleur de lis, pour différencier la commune et l'Abbaye. Le chef d'argent qui a finalement été abandonné au profit du blason plein de l'Abbaye, à la fin du XXe siècle (voir l'Armorial de la Somme de Jean Estienne et Mireille Louis de 1972). Celle-ci a été démantelée pendant la Révolution, comme tous les établissements monastiques. Il en reste tout de même une magnifique église abbatiale qui figure parmi les trésors de l'art gothique de la Picardie.
Question : pourquoi un chef, ou sur le manuscrit : un coupé avec le quartier supérieur aux armes de Bourgogne moderne ? ("d'azur semé de fleurs de lis d'or, à la bordure componnée d'argent et de gueules"), elles-même provenant de l'ancien comté/duché de Touraine, quand son dernier titulaire : Philippe II le Hardi devient duc de Bourgogne en 1363.
À deux moments de son histoire, le petit comté de Ponthieu s'est en effet retrouvé lié au puissant duché de Bourgogne :
- Au XIIe siècle, le comte Guillaume Ier de Ponthieu (•1095 † 1171) épouse Hélène de Bourgogne (•1085 † 1141), fille d'Eudes Ier Borrel, duc de Bourgogne. Leurs descendants et en particulier leur petit-fils Jean Ier (•1141 † 1191), comte de Ponthieu, adopteront pour armes celles de Bourgogne (ancien), donc celles de sa grand-mère et de ses cousins germains: "d'or à trois bandes d'azur, à la bordure de gueules". Ce sont donc les couleurs de Bourgogne (ancien) qui sont restées associées au pays du Ponthieu (voir la première image extraite du manuscrit, en titre de ce sujet).
- En 1336, le roi de France Philippe VI de Valois confisque le Ponthieu qui était arrivé dans le domaine royal anglais à la suite d'alliances et de mariages bien calculés par les grandes maisons féodales du moment. Mais avec le déclenchement de la Guerre de Cent ans qui suivra, le Ponthieu fera l'objet de convoitise entre les deux puissances, anglaise et française. Il sera cédé et repris plusieurs fois par l'une et l'autre au gré des batailles. Après le désastre d'Azincourt (1415), les Anglais s'installent durablement dans une grande partie du nord de la France. Le Ponthieu est gouverné par les rois d'Angleterre successifs Henri V et Henri VI, puis est ensuite cédé par le second à leur principal allié, le Duc de Bourgogne en 1435. Mais en 1477, la mort au combat de Charles le Téméraire à Nancy, qui n'avait pas d'héritier mâle, entraîne une crise de succession et les possessions territoriales de la Bourgogne sont réparties entre les Habsbourg d'Autriche et le royaume de France. Le Ponthieu retourne alors avec la Picardie dans son ensemble, définitivement dans le domaine royal français.
Durant le Moyen-Âge, Saint-Valéry fut un port de mer très important sur la Baie de Somme. C'est notamment depuis ce port que Guillaume le Conquérant embarqua, en septembre 1066, pour la conquête de l'Angleterre. Voici pour expliquer le symbole de la barque dans son blason.
D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte sans blason ni mention s'y rapportant :
Le Crotoy, Gamaches, Airaines.
Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été répertoriée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche.
# Toutefois dans l'Armorial Général de France, on peut relever ces deux établissements religieux qui dépendaient de cette sénéchaussée, et qui n'ont pas été mentionnés dans le manuscrit de La Planche. Leurs armoiries ont été transférées plus tard, en totalité ou brisées, aux communes sur le territoire desquelles ils étaient situés, à savoir aujourd'hui les communes de:
- Épagne-Épagnette, Mareuil-Caubert
et leurs blasons respectifs qui sont toujours d'actualité, à quelques détails près.
A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI
Nous poursuivons avec la découverte du Gouvernement de Picardie. Nous avons vu les fois précédentes, que la province de Picardie au XVIIe siècle regroupait globalement : tout le département actuel de la Somme, une petite frange au nord du département de l'Oise, le nord du département de l'Aisne : les pays du Vermandois (Saint-Quentin) et de la Thiérache, ainsi que la partie occidentale et maritime du département du Pas-de-Calais: le Boulonnais et le Calaisis.
Nous poursuivons avec le chapitre 4 consacré à la sénéchaussée du Ponthieu :
Revenir à l'épisode précédent → ◙
Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir
Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent (quand il existe) dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
Abbeville (Somme) |
C'est indiqué dans le texte: Abbeville est la capitale du pays de Ponthieu. Elle porte le blason de l'ancien comté de Ponthieu, mais avec les couleurs inversées. Si le Ponthieu porte "d'or à trois bandes d'azur à la bordure de gueules, Abbeville porte "d'azur à trois bandes d'or à la bordure de gueules", mais l'erreur est très fréquente. Faites une recherche sur votre moteur préféré, vous verrez par vous même. Et d'ailleurs notre auteur du manuscrit: Pierre de La Planche l'a faite! ou encore l'auteur du plus ancien "Armorial des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem" (voir → ICI), alors que Monsieur d'Hozier a lui bien tenu compte de cette particularité ...
Le chef de France et la devise "FIDELIS" (je suis fidèle) ont été ajoutés aux armes initiales en 1369, par lettres patentes du roi de France Charles V pour remercier les habitants d'Abbeville de leur fidélité à la couronne.
Rue (Somme) |
De même que précédemment, les armes de l'ancien comté de Ponthieu sont présentes dans le chef mais les émaux devraient être inversés sur le manuscrit, comme le montre le blason actuel.
Autres différences : le manuscrit nous donne un blason coupé, et non pas pourvu d'un chef, qu'on peut voir sous cette forme dans d'autres armoriaux, même récents, tel que l'Armorial de la Somme de Jean Estienne et Mireille Louis (1972); les lettres capitales romaines R V E sont passées de l'argent à l'or.
Saint-Riquier (Somme) |
La ville de Saint-Riquier semble s'être appropriée des armes attribuées à l'ancienne Abbaye bénédictine de Saint-Riquier, "d'azur semé de fleurs de lis d'or", à l'origine fondée en 625 par saint Riquier lui-même. Mais on l'a déjà vu avec d'autres lieux possédant un établissement religieux important : abbaye, basilique ou évêché, l'auteur du manuscrit, qui est un prêtre jésuite, a tendance à confondre très souvent les armes des deux entités, civiles et ecclésiastiques.
On connait par les archives de la Bibliothèque municipale d'Abbeville d'autres blasons attribués à l'Abbaye : une simple crosse d'abbé accompagnée de trois fleurs de lis (voir → ICI) ou encore un dextrochère tenant une crosse d'abbé accompagné de trois fleurs de lis (voir → ICI). Et il y a encore ces armoiries "d'or à la croix pattée de sable" qu'on peut voir dans l'Armorial Général de France (ci-dessus) et dont il est permis de douter de leur authenticité.
Par la suite, au cours du XIXe siècle, la municipalité a rajouté un chef d'argent à l'azur semé de fleur de lis, pour différencier la commune et l'Abbaye. Le chef d'argent qui a finalement été abandonné au profit du blason plein de l'Abbaye, à la fin du XXe siècle (voir l'Armorial de la Somme de Jean Estienne et Mireille Louis de 1972). Celle-ci a été démantelée pendant la Révolution, comme tous les établissements monastiques. Il en reste tout de même une magnifique église abbatiale qui figure parmi les trésors de l'art gothique de la Picardie.
Saint-Valéry-sur-Somme (Somme) |
Question : pourquoi un chef, ou sur le manuscrit : un coupé avec le quartier supérieur aux armes de Bourgogne moderne ? ("d'azur semé de fleurs de lis d'or, à la bordure componnée d'argent et de gueules"), elles-même provenant de l'ancien comté/duché de Touraine, quand son dernier titulaire : Philippe II le Hardi devient duc de Bourgogne en 1363.
À deux moments de son histoire, le petit comté de Ponthieu s'est en effet retrouvé lié au puissant duché de Bourgogne :
- Au XIIe siècle, le comte Guillaume Ier de Ponthieu (•1095 † 1171) épouse Hélène de Bourgogne (•1085 † 1141), fille d'Eudes Ier Borrel, duc de Bourgogne. Leurs descendants et en particulier leur petit-fils Jean Ier (•1141 † 1191), comte de Ponthieu, adopteront pour armes celles de Bourgogne (ancien), donc celles de sa grand-mère et de ses cousins germains: "d'or à trois bandes d'azur, à la bordure de gueules". Ce sont donc les couleurs de Bourgogne (ancien) qui sont restées associées au pays du Ponthieu (voir la première image extraite du manuscrit, en titre de ce sujet).
- En 1336, le roi de France Philippe VI de Valois confisque le Ponthieu qui était arrivé dans le domaine royal anglais à la suite d'alliances et de mariages bien calculés par les grandes maisons féodales du moment. Mais avec le déclenchement de la Guerre de Cent ans qui suivra, le Ponthieu fera l'objet de convoitise entre les deux puissances, anglaise et française. Il sera cédé et repris plusieurs fois par l'une et l'autre au gré des batailles. Après le désastre d'Azincourt (1415), les Anglais s'installent durablement dans une grande partie du nord de la France. Le Ponthieu est gouverné par les rois d'Angleterre successifs Henri V et Henri VI, puis est ensuite cédé par le second à leur principal allié, le Duc de Bourgogne en 1435. Mais en 1477, la mort au combat de Charles le Téméraire à Nancy, qui n'avait pas d'héritier mâle, entraîne une crise de succession et les possessions territoriales de la Bourgogne sont réparties entre les Habsbourg d'Autriche et le royaume de France. Le Ponthieu retourne alors avec la Picardie dans son ensemble, définitivement dans le domaine royal français.
Durant le Moyen-Âge, Saint-Valéry fut un port de mer très important sur la Baie de Somme. C'est notamment depuis ce port que Guillaume le Conquérant embarqua, en septembre 1066, pour la conquête de l'Angleterre. Voici pour expliquer le symbole de la barque dans son blason.
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D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte sans blason ni mention s'y rapportant :
Le Crotoy, Gamaches, Airaines.
Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été répertoriée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche.
# Toutefois dans l'Armorial Général de France, on peut relever ces deux établissements religieux qui dépendaient de cette sénéchaussée, et qui n'ont pas été mentionnés dans le manuscrit de La Planche. Leurs armoiries ont été transférées plus tard, en totalité ou brisées, aux communes sur le territoire desquelles ils étaient situés, à savoir aujourd'hui les communes de:
- Épagne-Épagnette, Mareuil-Caubert
et leurs blasons respectifs qui sont toujours d'actualité, à quelques détails près.
commune d' Épagne - Épagnette (Somme) |
commune de Mareuil - Caubert (Somme) |
A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI
Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés à :
armorialdefrance.fr/
Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : www.bibliotheque-conde.fr/
armorialdefrance.fr/
Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : www.bibliotheque-conde.fr/
Herald Dick
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