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jeudi 23 septembre 2021

l'Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Dauphiné - Bailliages de Grésivaudan et de Viennois

 S  uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →

  Nous avons quitté, il y a quelques mois, l'exploration du manuscrit au dernier chapitre du Gouvernement de Provence, plus précisément avec les "additions" d'Avignon, du Comtat Venaissin et de la Principauté d'Orange (voir l'épisode précédent → 🔖). Nous allons maintenant nous transporter dans la région voisine au nord, et toujours à la fin du XVIIe siècle : ce sera avec le Gouvernement général de Dauphiné
   Le Dauphiné est une ancienne région de France, et une ancienne principauté qui portait anciennement le nom de comté de Viennois (du nom de la ville de Vienne).
  À l'origine, Dauphin est le surnom du comte de Vienne, Guigue IV (XIIIe siècle) : Guigo comes qui vocatur Delphinus (Guigue, comte surnommé Dauphin). Ce surnom est devenu ensuite un nom patronymique, puis un titre de dignité. Le comte du Viennois s'appelle dès lors "dauphin du Viennois". Et le Dauphiné est alors le territoire sur lequel règne le dauphin. C'est ainsi un rare exemple d'un nom de personne qui est à l'origine du nom d'une région, comme le nom de Lothaire a formé celui de la Lorraine. Après la cession du Dauphiné à la France, en 1349, la région devint l'apanage de l'héritier royal, qui portait, à l'origine, le titre de "dauphin du Viennois", avant de devenir tout simplement le "Dauphin". Ce titre était à la France de l'Ancien Régime, ce que le prince de Galles est au Royaume-Uni, ou le prince des Asturies pour l'Espagne.
  Son territoire correspondait initialement aux actuels départements de l'Isère et de la Drôme réunis (sauf quelques enclaves provençales dont nous avons déjà parlé précédemment : Valréas, Grignan, Séderon, Rémuzat). Il fut agrandi au XIe siècle par l'entremise de l'empereur du Saint-Empire dont le Dauphiné dépendait, avec une partie correspondant au département actuel des Hautes-Alpes, détaché de la Provence. A l'époque de notre manuscrit, la province du Dauphiné est frontalière avec un remuant voisin : le Duché de Savoie et de Piémont. Comme le roi Louis XIV était en conflit territorial permanent avec presque tous les pays voisins, la frontière fut donc fortement militarisée et fortifiée par de nombreux ouvrages du grand ingénieur Vauban. Petite particularité territoriale de l'époque: quelques localités frontalières piémontaises, aujourd'hui italiennes, avaient été rattachées provisoirement au Briançonnais. Elles avaient été conquises récemment par les armées de Louis XIV sur le Piémont, telles que Bardonnèche, Oulx, Fenestrelle, Châteaudauphin ou Pignerol. Certaines ont donc été tout à fait logiquement intégrées et sommairement décrites dans le manuscrit, peu avant d'être reconquises ou restituées quelques années plus tard aux États de Savoie et de Piémont, par traité de paix (1713). Nous en reparlerons plus tard dans le dernier volet de ce sujet.

 Durant la Révolution française, la province se retrouve divisée en trois départements : la Drôme, les Hautes-Alpes et l’Isère. Durant les XIXe et XXe siècles, une partie de son ancien territoire proche de Lyon, est rattachée au département du Rhône. Puis au XXe siècle, en 1956, apparait une nouvelle entité administrative : la Région. L'ancienne province du Dauphiné est cette fois séparée en deux:  l'Isère et la Drôme sont rattachés à la région Rhône-Alpes alors que les Hautes-Alpes rejoignent les départements de la Provence pour former la région de Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA). Enfin, lors de la dernière réforme territoriale de 2015, les régions Auvergne et Rhône-Alpes fusionnent ensemble.

  Pour notre sujet, cette région administrative de la France de l'Ancien régime, fait donc l'objet du douzième livre (section) du manuscrit, et sera divisé en trois volets, consacrés chacun à un, deux, ou plusieurs bailliages ou sénéchaussées. Le bailliage et la sénéchaussée sont des subdivisions administratives intermédiaires, de même valeur, plutôt au au nord du royaume pour les bailliages ou plus souvent dans le sud du pays, pour les sénéchaussées. Le bailliage est dirigé par un bailli et la sénéchaussée par un sénéchal.

  Voici donc le premier de ces chapitres, consacré aux bailliages de "Grasivaudan" (= Grésivaudan)  et de Viennois, qui forment tous les deux réunis le contour du département actuel de l'Isère, augmenté de la partie sud-est du département du Rhône, sur la rive gauche du fleuve Rhône, et de quelques cantons du nord de la Drôme limités par la rivière Isère au sud. Quelques rares communes des Hautes-Alpes limitrophes sont aussi concernées. 

  Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :

 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir  :
 




 
 
 
 
 
 
 
  Les fragments de manuscrits proviennent à nouveau du Volume II. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.

(*)  Armorial Général de France  -  volume XI  -  Dauphiné - Généralité de Grenoble (BNF Paris)
 


Grenoble (Isère)

 

   Nous voyons ici un parfait exemple de constance du blason dans le temps pour la capitale du Dauphiné. Dans une courte note établie par Robert Louis, notre grand héraldiste du XXe siècle, concernant le blason de la préfecture de l'Isère, celui-ci affirme que ce sont des armes parlantes de genre rébus :  "La rose, reine des fleurs, ne peut provenir que de "graines nobles "... !  séduisant, mais l'auteur ne citant pas ses sources, c'est invérifiable. Par ailleurs d'autres nombreuses hypothèses existent et un historique très complet sont résumés sur une fiche spécifique rédigée sur Wikipédia, voir → ICI .


Le Bourg d'Oisans (Isère)

   Très souvent, on l'a déjà évoqué dans mes sujets précédents, l'auteur du manuscrit a préparé comme ici,  un emplacement pour y dessiner les armoiries des villes pour lesquelles il a rédigé un descriptif. Mais les écus sont restés désespérément vides. Nous en ignorons toujours la raison : manque d'information fiable, manque de temps, on ne le saura jamais.
   Selon l'expression consacrée, au niveau de la municipalité actuelle : le statut officiel du blason : "D'or au dauphin d'argent à la cotice en barre de gueules brochant sur le tout" reste à déterminer. De plus, il s'agit d'un blason "à enquerre", qui propose métal sur métal, principe fautif en héraldique. 



Vienne (Isère)

Au Moyen-âge, chaque quartier avait sa bannière derrière laquelle on défilait lors des processions. La paroisse de Saint-André-le-Bas, où était située l'Abbaye du même nom, possédait un gros orme près de l'église, avait ainsi représenté cet arbre sur sa bannière pour se distinguer des autres. Et comme c'était cette bannière que l'on portait en tête des processions, l'emblème de l'orme est devenu peu à peu celui de la ville toute entière.
 À l’origine, les armes primitives de Vienne étaient "d’or à l'arbre (orme) arraché de sinople au listel d'argent voltigeant et brochant sur le tronc de l’arbre, chargé des trois mots latins : "Vienna civitas sancta ". Cela signifie "Vienne ville Sainte", car beaucoup de martyrs chrétiens provenaient de Vienne. Puis le clergé y rajouta le calice d'or et l'hostie d’argent, modification du blason qui apparaît pour la première fois officiellement sous cette forme dans l'Armorial Général de France, établi en raison de l'édit royal de novembre 1696.
   En 1887, une délibération du conseil municipal, ordonne la suppression de toute référence religieuse dans les armes de la ville qui deviennent : "D’or à un arbre arraché de sinople avec un écriteau d’argent voltigeant et brochant sur le tronc de l’arbre et portant ces trois mots : "Vienna urbs senatoria" ". La devise rappelle que la cité, sous la domination romaine, avait le droit d'élire un sénat et de porter le titre de ville Sénatoriale, ce dont elle se montra toujours très fière. Cela n'empêchera toutefois pas de trouver encore, tout au long du XXe siècle, de nombreuses représentations (y compris de la main de Robert Louis) du blason obsolète de 1696, avec le calice, l'hostie et la mention "Vienne ville sainte".
source infos textes : www.ledauphine.com/isere-nord/2017/12/30/pourquoi-y-a-t-il-un-arbre-sur-les-armoiries-de-vienne et fr.wikipedia.org/wiki/Vienne_(Isère)#Héraldique


Romans -sur- Isère
(Drôme)

 

   Encore un bel exemple de constance dans le temps. Ces armoiries seraient apparues au milieu du XVe siècle, découlant probablement de sceaux municipaux plus anciens (voir → ICI).
   Étrangement, Charles d'Hozier, dans son Armorial Général de France a enregistré deux fois, comme nous le voyons, avec un dessin un peu différent, les armoiries de cette ville, dans le registre de la Généralité de Grenoble. Nous les trouvons une première fois à la page 41, et une seconde fois à la page 262, tout comme la ville de Valence, d'ailleurs, que nous verrons dans un prochain sujet. Nous ignorons la cause, et les conséquences de ces doublons, et nous n'imaginons pas que ces municipalités aient pu être taxées deux fois de la redevance fiscale dues aux finances du roi Louis XIV, en application de l'édit de novembre 1696,  et dont le montant pouvait être très élevé.  Ce serait proprement injuste, d'autant que de nombreuses autres villes importantes de la région n'ont pas été du tout répertoriées dans ce même registre, telle que La Tour-du-Pin, ou Bourgoin, ci-après.


La Tour -du- Pin
(Isère)

  Comme nous pouvons le vérifier, les armes (parlantes) de cette petite ville du Viennois sont anciennes. Par ailleurs l'usage devenant raisonnable avec le temps, on a sans doute bien fait de supprimer l'enquerre très désagréable pour l’œil qui superpose une figure de sinople sur un champ d'azur !
  Il existe une variante des armoiries pour la ville (voir → ICI), qui serait parait-il, plus ancienne que celles que nous avons là, et que la municipalité a récemment exhumée et remis au goût du jour pour son image numérique : "De gueules à une tour d'argent maçonnée de sable et sommée d'une pomme de pin d'or", voir → ICI . Nous avons donc pour l'occasion, un exemple de commune à blasons multiples qui alternent d'époque en époque.
  Enfin il faut citer pour éviter encore davantage de confusions, la très ancienne famille noble subsistante éponyme de la Tour du Pin, dont l'origine est liée à ce lieu, et dont certains membres ont été les derniers Dauphins du Viennois en titre, mais qui porte un blason encore différent : "De gueules à la tour d'argent, avec son avant-mur de même".


ancienne commune de
Bourgoin (Isère)
commune actuelle de
Bourgoin - Jallieu (Isère)


    La municipalité de Bourgoin a fusionné avec celle de Jallieu en 1967 pour former une nouvelle commune nommée logiquement :  Bourgoin Jallieu. Les armoiries actuelles (ci-dessus, à droite) résultent de l'association de celles des deux communes, avec néanmoins quelques brisures pour la partie "Bourgoin" (émaux et position des figures) .


[_)-(_]


D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :

• pour l'ancien bailliage du Grésivaudan :

- sans blason ni mention s'y rapportant :
Visile (= Vizille), monastère de la Grande Chartreuse (commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse), Barraux, Moirans, Tullins, Pont de Royan (= Pont-en-Royans), Château de Lesdiguières (vestiges sur la commune du Glaisil, dépt des Hautes-Alpes).

• pour l'ancien bailliage du Viennois :

- avec un contour de blason vide, sans description, comme celui du Bourg d'Oisans:  Saint-Marcellin.

- sans blason ni mention s'y rapportant :
Saint-Antoine-de-Viennois et son Abbaye (= Saint-Antoine-l'Abbaye), Crémieu, Quirieu (commune actuelle de Bouvesse-Quirieu), Abbaye chartreuse de Salettes (disparue, commune de La Balme-les-Grottes), Le Pont-de-Beauvoisin, Saint-Vallier, Beaurepaire, Tain (- l'Hermitage).

 # Quelques années plus tard, certains établissement religieux (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France (un de ces blasons a été transféré à la commune sur lequel l'abbaye et située). Par contre, aucune autre ville de cette zone géographique, quelque soit sa taille, n'est recensée directement dans les pages du manuscrit d'Hozier :

 
 

commune de Saint-Antoine -
l'Abbaye
(Isère)




A bientôt pour une nouvelle série ...  → ICI

Crédits :

les blasons "modernes" sont empruntés  à : armorialdefrance.fr/

les extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
   . www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/
- Bibliothèque nationale de France à Paris : 
   . gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111465w/f1.item
  

 💶 Appel au mécénat ou aux généreux donateurs :
 Au cours d'échanges d'informations avec les responsables de la Bibliothèque du Musée Condé, au sujet du manuscrit, il m'a été rapporté que l'ouvrage de Pierre de La Planche n'est actuellement plus exposé ni mis à disposition des visiteurs. En effet, les deux volumes du manuscrit sont en mauvais état : "la couverture", ce que l'on nomme dans le métier: les plats de reliure, sont soit partiellement,soit totalement détachés du manuscrit, ce qui nuit à sa conservation. La reliure étant en effet là pour maintenir et protéger le manuscrit.
  Si des personnes ou des entreprises sont intéressées, en mode mécénat, pour participer à la prise en charge de la restauration de ces précieux ouvrages, qu'elles prennent contact pour les modalités, avec les bibliothécaires à cette adresse mail  : bibliotheque@domainedechantilly.com
ou sinon m'écrire à : heraldexpo@orange.fr et je transmettrai à ma correspondante privilégiée.

 

             Herald Dick  
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