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mardi 16 novembre 2021

L' Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Dauphiné - Bailliages du Haut Dauphiné

  S   uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →


  Nous poursuivons avec la découverte du "livre" (c'est l'appellation donnée à une section d'un manuscrit, qui est lui-même divisé en chapitres) consacré au Gouvernement de Dauphiné. Après le premier volet consacré aux bailliages de Grésivaudan et de Viennois, suivi du second, parcourant les bailliages de Valentinois, Diois, Crest, Montélimar, Tricastin et les Baronnies, nous allons cette fois aborder une nouvelle région nommée: le Haut Dauphiné. Comme l'explique l'auteur du manuscrit, le terme de Haut Dauphiné correspond aux plus hautes montagnes et vallées de la province. Elle est divisée en trois bailliages: Embrunois, Gapençais et Briançonnais, dont la superficie cumulée correspond globalement à celle de l'actuel département des Hautes-Alpes. Et en fin de chapitre, comme nous l'avons déjà vécu, pour d'autres entités du royaume (Bourgogne, Picardie, Provence), nous découvrirons une "addition", rattachée au Gouvernement du Dauphiné. Ce sont des terres, vallées, villages et places fortes, récemment conquis par les armées successives de Louis XIII et Louis XIV, et rassemblées sous l'entité portant le nom provisoire de : "bailliage de Pignerol". Ces territoires seront rendus, repris, et définitivement restitués, peu de temps après l'écriture de nos manuscrits et ils appartiennent aujourd'hui à la région frontalière du Piémont, en Italie, inclues dans les provinces de Turin ou de Cuneo.
 Voici donc le troisième et dernier chapitre consacré à toutes ces entités réunies en un seul sujet.

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Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :

 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir
 
La zone colorée en bleu est actuellement un territoire italien




 
 
 
 
 
 
 Les fragments de manuscrits proviennent à nouveau du Volume II. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.

(*)  Armorial Général de France  -  volume XI  -  Dauphiné - Généralité de Grenoble (BNF Paris)
 
 

Embrun (Hautes - Alpes)

   Les armes d'Embrun sont "très anciennes", comme le prétendent, sans risque, ni aucun développement historique, la plupart des documents relatifs à l'héraldique municipale, y compris la fiche rédigée pour la Société d’Études des Hautes-Alpes, dans sa tentative inachevée en 1974 d'éditer un Armorial des Communes des Hauts-Alpes (voir ce lien marchand → ICI). Il s'agit vraisemblablement, avec cette croix d'argent (ou d'or ), d'une référence au très ancien évêché, puis archevêché d'Embrun, fondé au IVe siècle et supprimé après la Révolution française. Les archevêques d'Embrun étaient primitivement les seuls seigneurs de la cité, avant de partager leur souveraineté avec les comtes de Provence au milieu du XIIe siècle, puis leurs successeurs: les Dauphins au XIIIe siècle.


Gap (Hautes - Alpes)

  Née d'un camp romain au début de notre ère, Gap devient au cours des premiers siècles une cité gallo-romaine (Vappincum)  protégée par des remparts. La ville fut elle aussi, siège d'un évêché dès le Ve siècle, devenant une principauté ecclésiastique au Xe siècle. Ses armoiries, remontant au XVe siècle, représentent une tour avec porte cintrée, surmontée de deux tourelles couvertes, encadrées de deux autres tourelles simplement crénelées symbolisant le partage de la gouvernance de la cité entre les comtes de Provence puis les Dauphins et le pouvoir de l’Église. Les deux du centre couvertes : évoquent le pouvoir ecclésiastique, les deux autres le pouvoir civil. Elles évoquent également le souvenir des quatre anciennes portes de l'enceinte fortifiée de la ville. source texte: note philatélique datant de 2008.


Briançon (Hautes - Alpes)

 "Briançon est une place forte réalisée par Vauban à partir de 1692. Les armes de la ville sont très anciennes et furent confirmées par le roi en 1696 ". Voici le résumé très succinct que l'on trouve généralement sur les fiches descriptives sur l'origine des armoiries de cette ville, y compris celle, rédigée pour la Société d’Études des Hautes-Alpes.
   Les armoiries enregistrées par Charles d'Hozier dans l'Armorial Général de France, en application de l'édit royal de 1696, sont totalement différentes, comme nous le voyons ici, et certainement inventées de toutes pièces : "d'azur à deux pals échiquetés d'or et de gueules de trois tires". Ce fait contredit donc sérieusement l'affirmation que les armes actuelles de Briançon avaient été "confirmées" par le roi (Louis XIV) en 1696 !  De surcroit, le manuscrit de La Planche, lui, nous éclaire sur le fait que les armes à la tour donjonnée étaient bien confirmées avant cette date de 1696, même si le champ de l'écu était d'un émail différent : gueules et non azur.
    Les armoiries définitives n'ont été adoptées officiellement, en délibération du conseil municipal, qu'en 1969.


Tallard (Hautes - Alpes)

  Très souvent, on l'a déjà évoqué dans mes sujets précédents, l'auteur du manuscrit a préparé comme ici,  un emplacement pour y dessiner les armoiries des villes pour lesquelles il a rédigé un descriptif. Mais les écus sont restés désespérément vides. Nous en ignorons toujours la raison : manque d'information fiable, manque de temps, on ne le saura jamais.
​  Les armoiries actuelles de Tallard sont ici par contre bien basées sur celles, enregistrées par Charles d'Hozier dans l'Armorial Général de France à partir de 1696, et adoptées officiellement par délibération du conseil municipal, le 9 mai 1968. On notera tout de même les différences au niveau de la bande componée, où l'or a été remplacé par l'argent, et le nombre de "compons" réduit à cinq au lieu de six initialement.

 

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  D'autres  villes sont juste décrites par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :
Aspres (-sur-Buech), Serres, Orpierre, Guillestre.

  Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été répertoriée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche, sauf une localité nommée : Queyras, qui devait avoir alors une certaine importance, puisqu'elle est identifiée sur les cartes géographiques de cette époque (voir extrait plus haut).
  De nos jours le nom de Queyras est associé à une région naturelle et un petit pays de tradition, correspondant à la haute vallée du Guil. Il subsiste toutefois aujourd’hui, parmi les divers toponymes de cette vallée, un petit hameau portant ce nom de "le Queyras", qui est une partie de la commune de Ceillac, dans les Hautes-Alpes, mais qui ne semble pas correspondre, au vu de sa petite taille. Plus probable, est la mention de Queyras, liée aux fortifications récemment (par rapport à nos manuscrits) aménagées par Vauban dans cette région frontalière du Dauphiné et notamment le Fort Queyras ou Château Queyras, qui aujourd'hui fait partie de la commune de Château-Ville-Vieille, toujours dans le département des Hautes-Alpes. La municipalité a d'ailleurs adopté officiellement le blason attribué d'office par Charles d'Hozier à l'époque, à la communauté d'habitants de Queyras vers 1699 :

localité de Château - Queyras
aujourd'hui : commune de
Château - Ville - Vielle
(Hautes - Alpes)

 

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   Et nous voici enfin arrivés en fin de ce chapitre consacré au Haut Dauphiné, avec ces territoires gagnés par la guerre sur les possessions des ducs de Savoie, de l'autre côté du col de Montgenèvre :  un ensemble regroupé sous le titre provisoire de "bailliage de Pignerol", du nom de la petite ville piémontaise, la plus stratégique dans cette région, selon le point de vue géopolitique du roi Louis XIV.

Pignerol / Pinerolo
(Italie - région du Piémont - province de Turin)

   La ville appartenait au duché de Savoie mais passa plusieurs fois dans le royaume de France (de 1536 à 1574, de 1631 à 1696 et de 1801 à 1814), avant de revenir au duché de Savoie et de devenir italienne lors de la création du royaume d'Italie en 1861.
   Conquise par les Français sur les Savoisiens en 1630, la ville et ses environs sont attribués le 30 mai 1631 à la France par le traité de Cherasco. Une forteresse impressionnante y fut érigée par l'architecte François Levé en 1666. Elle servit également de prison d'État. Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV, disgracié et condamné à la prison à vie en 1664, sera transféré par d'Artagnan du château de Vincennes à Pignerol à l'issue de son procès. Il y décédera en 1680. Le duc de Lauzun y fut également emprisonné pendant 10 ans. Cependant, le plus célèbre prisonnier de Pignerol reste l'Homme au masque de fer.
  Peu après la publication de notre manuscrit, la ville sera reconquise par Victor-Amédée II de Savoie en 1696 et redeviendra dès lors savoyarde. C'est pourquoi elle ne fait pas partie des villes piémontaises blasonnées dans l'Armorial Général de France, contrairement aux autres villes plus bas.
   On remarquera les fortes similitudes des blasons, ancien et moderne. Son blasonnement en italien est "E' d'argento a tre fasce di nero, col pino silvestre, al naturale, attraversante. Motto: "Dulcis domino durissimus hosti". Ornamenti esteriori da città ". Le sapin des armoiries actuelles (en fait c'est un pin sylvestre dans la description en italien), correspond à des armes parlantes : pino = le pin en italien.

 

D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant : 

Oulx,  Exilles, La Pérouse (= Perosa Argentina)
 
 # cependant, quelques années plus tard,  une de ces villes piémontaises (en gras, ci-dessus) a été enregistrée et blasonnée dans l'Armorial Général de France. Le blason est encore très ressemblant, à quelques petits détails près  : 

 

Oulx
(Italie - région du Piémont
 - province de Turin)

   # enfin, pour aller plus loin avec l'Armorial Général de France, on peut encore rajouter ces dernières localités qui dépendaient de ce bailliage, devenues aujourd'hui des communes italiennes, et qui n'ont pas été mentionnées dans le manuscrit de La Planche. Certaines ont conservé des éléments du blason "français" dans leurs armoiries actuelles :
Fenestrelle, Chaumont (= aujourd'hui : Chiomonte), Cezanne / Césane (= Cesana Torinese), Bardonneiche / Bardonnèche ( = Bardonecchia).

 

Fenestrelle
(Italie - région du Piémont
 - province de Turin)


Chiomonte / Chaumont
(Italie - région du Piémont
 - province de Turin)


Cesana Torinese / Césane
(Italie - région du Piémont
 - province de Turin)


Bardonnechia / Bardonnèche
(Italie - région du Piémont
 - province de Turin)


 

A bientôt pour une nouvelle série et ...
 une nouvelle région... → ICI

 
Crédits :

les blasons "modernes" sont empruntés  à : armorialdefrance.fr/
et aussi pour les communes italiennes :  www.araldicacivica.it/


es extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
   . www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/
- Bibliothèque nationale de France à Paris : 
   . gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111465w/f1.item
  

 


             Herald Dick  
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