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mercredi 29 juillet 2020

l'Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Champagne - le pays de Rethelois

 S uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →
   Nous poursuivons avec la découverte du "livre" (c'est l'appellation donnée à une section d'un manuscrit, qui est lui-même divisé en chapitres) consacré au Gouvernement de Champagne. Après les chapitres consacrés successivement aux Bailliages de Troyes, de Reims, de Châlons, de Sens, de Meaux, de Provins, de Château-Thierry, de Chaumont, de Langres et de Vitry-le-François, nous remontons  encore un peu plus vers le nord, vers la frontière du moment entre le Royaume de France et les Pays-Bas autrichiens, qui était très changeante à cette époque, en raison des guerres incessantes que se livraient les deux pays. Nous arrivons dans le pays et ancien duché de Rethel ou Rethelois (à noter que dans les manuscrits, Retel est écrit sans h selon la graphie de l'époque)

  Cette très ancienne seigneurie féodale issue d'un comté carolingien de Porcien, fut érigée successivement en comté, en pairie, puis en duché. Elle changea souvent de mains et d’allégeance, entre de grandes dynasties franques, bourguignonnes, germaniques, françaises, et pour finir italiennes, avec notamment le Cardinal de Mazarin, premier ministre de Louis XIV qui racheta le duché à la fin de sa vie et lui donna son nom en titre à la place de celui de Rethel.
  Sous la Révolution, en 1790, son territoire deviendra la composante principale du nouveau département créé: les Ardennes, avec quelques petits apports territoriaux complémentaires: Givet, Fumay, Sedan au nord et à l'est et une partie de l'Argonne (Grandpré) au sud-est. Au passage le chef-lieu sera transféré de Rethel /Mazarin la bourgeoise vers Mézières, la militaire.  Voici donc le onzième et dernier chapitre du Gouvernement de Champagne.

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Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir









  Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.

(*) Armorial Général de France  -  volume X  -  Généralité de Châlons  (BNF Paris).

Rethel (Ardennes)

 La ville a repris les armes de la première maison de Rethel, suzerains du comté éponyme, avec leurs armes parlantes: les "têtes" de râteaux d'or sur champ de gueules. Les premiers sceaux et les plus anciens armoriaux du Moyen-âge identifient les armes de Rethel avec seulement deux figures de râteaux (voir → ICI). C'est d’ailleurs cette configuration que Pierre de La Planche nous présente ici, mais pour la ville uniquement. Et puis, à partir du XVe siècle, le nombre de râteaux passe à trois, sans qu'on en sache la raison. Après la Révolution et l'Empire, durant la Restauration, en 1825, la municipalité récupère ses anciennes armes, fixées et confirmées par lettres patentes du roi Charles X : "De gueules à trois râteaux démanchés d'or" (voir les documents originaux conservés aux Archives nationales et numérisés → ICI) qu'elle a conservé jusqu'à aujourd'hui, y compris sous la forme de logo (voir → ICI).
 Dans l'Armorial Général de France, Charles d'Hozier a enregistré le blason personnel du cardinal Jules Mazarin ministre d'état sous Louis XIII et Louis XIV. En effet, celui-ci avait racheté en son nom en 1659 le Duché et la ville de Rethel, allant même, comme on le voit écrit dans le manuscrit jusqu'à imposer son nom à la place de celui du lieu géographique : "la ville de Mazarin, ci-devant Retel".



Mézières (Ardennes)


  Mézières faisait partie du duché de Rethel et ses armoiries s'y réfèrent en ajoutant aux deux râteaux du chef  l'initiale de son nom à la place du troisième râteau. Les armes ont été à nouveau confirmées par lettres patentes de Louis XVIII en 1823 (voir → ICI).



Château - Porcien
(Ardennes)

  Le manuscrit de La Planche nous montre un ancien blason combinant les armes du duché de Rethel  avec un seul râteau et un sanglier d'argent, qui évoque des armes parlantes : le porc (relatif à l'ancien comté de Porcien) et le sanglier étant une seule et même espèce. Mais sans doute ce blason est déjà obsolète quand l'auteur le dessine et sa représentation n'est plus qu'un témoignage du passé.
  En effet, en raison de l'acquisition du duché par Mazarin en 1659, les armes sont complètement modifiées comme le montre l'Armorial Général de France, établi selon l'édit royal de 1696.
 Nous y voyons dans un écu de sinople, les armoiries ducales de Mazarin avec couronne, manteau d'hermine, le tout soutenu d'un porc d'or. Puis, encore une fois, après la période de la Révolution et de l’Empire, funeste pour l'héraldique, les armes de la municipalité furent restaurées et confirmées par lettres patentes de Louis XVIII en 1824 (voir → ICI), basées sur celles de l'Armorial Général de France, avec le blason de Mazarin. Elles comportent néanmoins une réelle divergence sur la position et l'émail du porc. Si l'on se réfère au mot près au texte du blasonnement conservé aux Archives nationales ("De sinople à un manteau ducal d'hermine chargé d'un écusson d'azur surchargé d'une hache d'armes ou consulaire entourée de houssines d'argent liées d'or et une fasce en devise de gueules chargée de trois étoiles d'or, brochant sur le tout de ce dernier écu qui est sommé d'une couronne ducale d'or ; et le tout soutenu d'un porc de sable passant en pointe."), le porc devrait donc être sous et non pas sur le manteau d'hermines. En effet, le point-virgule situé vers la fin du texte de la description, marque une séparation et établit que "le tout" final désigne les armoiries de Mazarin. De fait alors ce porc devrait être d'or comme l'avait représenté d'Hozier et non de sable. La représentation peinte accompagnant l'acte d'attribution de 1824 est donc en partie incorrecte et ce modèle a été reproduit comme tel jusqu'à actuellement.



Donchéry (Ardennes)

  A l'instar de la ville précitée de Mézières, Donchéry a adopté le même principe pour la confection de son blason : deux râteaux en chef provenant des armes de l'ancien duché de Rethel et le troisième qui est remplacé par l'initiale de la ville. Et d'ailleurs, plusieurs autres communes actuelles des Ardennes ont dupliqué ce système simple de construction : Bourcq, Le Chatelet-sur-Retourne, Omont et Warcq.
L'Armorial Général de France nous propose un blason, totalement différent avec ces carreaux en faux relief trompe-l’œil, rangés en bande, qui n'a pas été adopté par la municipalité.



ville et ancienne commune 
de Charleville (Ardennes)
commune actuelle de 
Charleville - Mézières (Ardennes)

  Les armes de Charleville datent de 1613. Ce blason est en fait celui de l'ancienne Principauté d'Arches.  L'existence de la petite cité d'Arches est bien antérieure à celle de la ville de Charleville, et même celle de Mézières : la localité fut peuplée à partir de l'époque gallo-romaine, mais surtout au début de la dynastie carolingienne (avant 800). Le soleil figurait sur la couronne des Ducs de Nevers, anciens seigneurs d'Arches au XIIIe siècle et par la suite il a été adopté par Charles de Gonzague, fondateur de la ville qui porte son nom à partir de 1606.
 On notera que La Planche a dessiné la palme et le rameau d'olivier en or, de manière respectueuse des principes des couleurs et évitant ainsi la contrariété des émaux : sinople sur azur qui persiste toujours sur les armes contemporaines !
 Les deux villes de Charleville et de Mézières ont fusionné en 1966. Les nouvelles armes combinent les anciennes armoiries de Charleville (le champ) avec celles de Mézières (le chef, sans l'initiale M).



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D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :

Mont Olympe (quartier de Charleville), Maubert-Fontaine, Rocroi, Château-Régnault, Abbaye de Laval-Dieu (commune de Monthermé), Aubigny (- les-Pothées), Signy (- l'Abbaye), Château de La Cassine (commune de Vendresse), Le Chesne, Attigny, Villefranche (commune de Saulmory-Villefranche, dépt de la Meuse), Ouarque (Warcq).

  Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été recensée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche.


A bientôt pour une nouvelle série ...
et une nouvelle région ... → ICI


Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés  à : armorialdefrance.fr/

les extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
   . www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/

 - Bibliothèque nationale de France à Paris : 
   - gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111464h



💶 Appel au mécénat ou aux généreux donateurs :
 Au cours d'échanges d'informations avec les responsables de la Bibliothèque du Musée Condé, au sujet du manuscrit, il m'a été rapporté que l'ouvrage de Pierre de La Planche n'est actuellement plus exposé ni mis à disposition des visiteurs. En effet, les deux volumes du manuscrit sont en mauvais état : "la couverture", ce que l'on nomme dans le métier: les plats de reliure, sont soit partiellement,soit totalement détachés du manuscrit, ce qui nuit à sa conservation. La reliure étant en effet là pour maintenir et protéger le manuscrit.
  Si des personnes ou des entreprises sont intéressées, en mode mécénat, pour participer à la prise en charge de la restauration de ces précieux ouvrages, qu'elles prennent contact pour les modalités, avec les bibliothécaires à cette adresse mail  : bibliotheque@domainedechantilly.com
ou sinon m'écrire à : heraldexpo@orange.fr et je transmettrai à ma correspondante privilégiée.


             Herald Dick  
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