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vendredi 1 mars 2019

Supports & cimiers : le bestiaire, animal et mythologique, de Daniel de La Feuille - 1695

fragment d'une planche héraldique
 de Daniel de La Feuille
  Nous voici de retour, à nouveau à la fin du XVIIe siècle, décidément une période passionnante et faste dans l'histoire de l'héraldique française. En effet, c'est à cette même période que Pierre de La Planche a réalisé ses fameux manuscrits (voir → ICI) dont je vous livre des extraits commentés depuis 2012. Et c'est aussi durant ces mêmes décennies, que Charles-René d'Hozier a mis en chantier l'énorme Armorial Général de France, en application de l'édit royal de 1696. Par ailleurs, de nombreux traités d'héraldique ont été publiés par des auteurs contemporains plus ou moins obscurs et se copiant les uns les autres, sans originalité particulière.
   Mais, au hasard des explorations dans l'immense fonds numérisé de la Bibliothèque Nationale de Paris, je me suis arrêté sur une découverte que j'ai faite récemment. C'est le talent graphique et l'inventivité de cet artiste graveur  pour décrire un propos qui lui tenait sans doute à cœur, qui m'ont séduit et qui provoqueront chez vous, je l'espère le même effet !  Son nom est Daniel de La Feuille. Pour les érudits, il n'est certainement pas un inconnu, car son nom est cité aussi en tant qu'excellent cartographe réputé de son temps, et je publierai une autre fois quelques exemples de ses cartes géographiques armoriées assez étonnantes. Mais, en ce qui me concerne, je dois l'avouer, je n'avais jamais entendu parler de cet artiste méconnu, jusqu'à cette agréable révélation.

Frontispice gravé,  avec ce qui semble être les armoiries personnelles de l'auteur que l'on retrouve  sur d'autres
 publications à son nom et son blason est : "Bandé bretessé et contre-bretessé d'argent et de gueules".
📖 Petite biographie :  Daniel de La Feuille est né en 1640 à Sedan, dans les Ardennes, en France et il est décédé à Amsterdam, dans les Provinces-unies des Pays-Bas, où il a été inhumé le 1er juillet 1709. Il est issu d'une famille huguenote de Sedan et commence par apprendre l’horlogerie. Puis il s’installe avec sa famille en 1683 à Amsterdam afin d’échapper aux persécutions religieuses (dont l'aboutissement sera la révocation de l'édit de Nantes en 1685) et il devient graveur d’estampes. En 1691, il est admis dans la corporation des libraires et publie cette même année le livre qui sera considéré comme son chef-d’œuvre : "Devises et emblèmes anciennes et modernes..." (voir exemplaire numérisé → ICI). Il s’agit d’une collection de devises tirées des plus célèbres auteurs, mises en images sous forme de blasons et de médaillons.
fragment d'une planche de médaillons extraits du livre
"Essay d'un dictionnaire contenant la connoissance du monde..." (1700)
C’est ce même goût pour les symboles, hiéroglyphes et allégories qui guide la rédaction d’un nouvel ouvrage publié neuf ans plus tard : "Essay d’un dictionnaire contenant la connoissance du monde, des sciences universelles..." (voir exemplaire numérisé → ICI).  Son titre pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un dictionnaire classique, mais en réalité il est constitué d’une collection de vignettes imagées représentant des mots, des concepts, des valeurs morales, des sentiments, des muses des arts et des sciences. C’est ainsi que se côtoient : l’Astrologie, la Vérité, la Sottise, l’Amour pour la patrie, la Médecine, le Tourment d’amour, Force de courage, le Printemps ou encore la Musique. L’éloge des vertus et la dénonciation des vices sont au cœur des préoccupations d’un auteur à l’évidence très moraliste. Il publiera aussi, entre autres livres, vers 1696, et toujours à Amsterdam ou il vit définitivement, plusieurs volumes de "Fables choisies mises en vers par Monsieur de La Fontaine". Ses livres sont édités en général avec des textes bilingues : français et néerlandais (flamand comme écrit sur les pages titres). Il est aussi, comme indiqué au début, l'auteur d'atlas et de cartes géographiques illustrées et armoriées, une grande spécialité hollandaise à cette époque.
   Et voici enfin l'ouvrage qui sert de base à ce sujet : " Méthode nouvelle pour apprendre l'art du blason, ou la science des nobles par dialogues, avec un discours sur les devises, supports, cimiers, lambrequins, & tombeaux. Enrichis des pavillons & des enseignes que chaque nation porte en mer, & des figures nécessaires pour leurs explications, en françois & en flamand. A Amsterdam, chez Daniel de La Feuille, 1695 ". C'est un traité de vulgarisation de l'héraldique, écrit en deux langues, avec une méthode originale de dialogue avec questions/réponses  (on dirait "FAQ" aujourd'hui) sur les termes du blason. Il est illustré par de belles planches d'armoiries fictives ou réelles.




cachet de la Bibliothèque de l'Arsenal
apposé sur le livre
  En ce qui concerne l'exemplaire de ce livre qui est conservé à la Bibliothèque Nationale de France, à Paris, provenant plus exactement de la Bibliothèque de l'Arsenal , nous avons la chance d'avoir des superbes illustrations en couleurs *. J'ai donc extrait pour vous les planches complètes de la partie centrale du volume consacrée à la mise en valeur des supports et des cimiers ornant des armoiries totalement fictives. Pour illustrer ses exemples et propositions, Daniel de la Feuille utilise des écus simples, presque toujours sans partitions, sauf quelques terrasses ou francs-quartiers, et avec des ornements extérieurs également basiques. Les sujets des figures sont aux trois quarts composés d'animaux réels ou imaginaires et le quart restant sont des êtres parfois humains, parfois hybrides, issus de la mythologie gréco-romaine, nordique ou même chrétienne. Je ne vous ferai pas l'injure de vous les décrire, ils sont pour la plupart assez évidents, sauf quelques-uns d'entre eux, plus énigmatiques, mais l'auteur lui-même n'a pas jugé bon de les blasonner dans le texte.













(*) Non, je ne vous ai pas menti, car cette planche ci-dessus, qui est non coloriée, numérotée: 12, provient d'un autre exemplaire (voir références en bas de page) afin de combler une lacune. En effet le livre de la Bibliothèque de l'Arsenal, bizarrement comporte une anomalie au niveau de la planche n°11 qui a été dupliquée 2 fois à la suite en escamotant ainsi la planche n°12, qui est donc manquante. Que s'est-il passé lors de la confection du livre : erreur, accident, réparation ? il n'y a pas d'explication pour le moment.








  Je suis persuadé que vous aurez craqué, comme moi, pour ces gravures fantastiques d'un autre temps, par ailleurs dignes des meilleurs naturalistes: Buffon, Linné, Cuvier ou Audubon. Mais ici le propos était celui de la connaissance de l'héraldique proposée aux profanes à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, le futur Siècle des Lumières et de l'Encyclopédie.


 Pour élaborer ce sujet, j'ai extrait, recadré et "redressé" la plupart des planches illustrées, pour obtenir un bon compromis esthétique.

 Vous pouvez feuilleter les livres originaux numérisés, en cliquant sur les liens ci-dessous :

- sur Gallica : →  ICI  (malheureusement, comme vous le lirez sur le message d'avertissement de Gallica,  l'ouvrage n'est plus consultable en ligne, mais seulement sur accréditation dans les locaux de la BNF ! j'en ignore la raison...)

- sur Google books (non coloré) : → ICI

Et je vous donne rendez-vous pour un futur sujet sur le Daniel de La Feuille cartographe dans un prochain sujet ...

A bientôt ...


           Herald Dick


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