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lundi 18 septembre 2017

Canada : la ville de Montréal inaugure de nouvelles armoiries soulignant l'apport des Premières Nations autochtones

 V oici seulement quelques sept ou huit semaines, je vous présentais les blasons des 15 plus grandes villes du Canada (voir →  ICI), avec en particulier un petit commentaire sur l'origine des armoiries de la ville n°2 : Montréal, en fin de sujet. Eh bien, l'actualité vient de rendre désormais mon sujet partiellement un peu obsolète ! En effet, les responsables politiques de la grande cité québecoise, à commencer par le maire de Montréal, Denis Coderre, et le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard ont voulu réparer un oubli historique qui affectait son blason. Par ce geste fortement symbolique, cette modification est faite dans un processus de réconciliation avec les premières nations en cette année de célébrations du 375e anniversaire de fondation de Montréal.
🍁   Le 13 septembre 2017, lors de la journée de célébration du 10e anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Ville de Montréal a donc présenté ses nouvelles armoiries et son nouveau drapeau qui intègrent un pin blanc à titre de symbole des Peuples autochtones et représentant la paix, l’harmonie et la concorde.
les nouvelles armoiries de Montréal officialisées le 13 septembre 2017
  •   Les armes de la ville de Montréal peuvent désormais se blasonner ainsi :
    « D'argent à une croix de gueules nouée au centre, chargée en cœur d'un pin blanc arraché d'or;  cantonnée au premier d'une fleur de lys d'azur; au deuxième d'une rose de gueules tigée, feuillée et pointée de sinople; au troisième d'un chardon du même, fleuri de pourpre; au quatrième d'un trèfle de sinople. »
  • Ornements extérieurs:
    « Timbré d'un bourrelet d'argent et de gueules surmonté d'un castor couché sur un écot au naturel. L'écu entouré d'un rinceau de feuilles d'érable de sinople, et d'un listel d'argent portant la devise en capitales de sable : "CONCORDIA SALUS"  »

 - à noter que le bourrelet posé sur l'écu est lui aussi nouveau. Rien n'est dit à son sujet dans la communication. Commun dans les armoiries d'inspiration britannique, il ne figurait pas dans celles de Montréal jusqu'à ce jour (voir ci-dessous).
armoiries de Montréal, version 1938


La figure héraldique du Pin blanc qui désormais  incarne
la présence autochtone ancestrale sur le territoire.
🌲le Pin blanc
Le comité mis en place il y a quelques mois par le maire pour choisir un symbole autochtone a décidé de miser sur le pin blanc. Cet arbre est en effet considéré comme un emblème de paix chez les Premières Nations. Il s’agit également d’une espèce indigène au Québec, contrairement aux quatre autres emblèmes floraux présents dans les armoiries. Afin de bien marquer son importance, le pin blanc a été inscrit en doré. Membre du comité de sélection, la chef mohawk Christine Zachary-Deom estime que l’ajout du pin blanc parlera à tous les Montréalais. « Montréal est un conglomérat de plusieurs nations venues trouver la paix, et c’est le symbole idéal pour ça. »
Le  pin blanc a été disposé au centre d’un cercle rouge pour symboliser le grand feu autour duquel les conseils autochtones se réunissaient autrefois, comme l’a décrit l’explorateur français Jacques Cartier. Le cercle rouge évoque également le mont Royal, qui était le lieu de rencontre des chefs à l’époque et représente toujours aujourd’hui le cœur de la métropole.

Le vrai Pin Blanc (Pinus strobus) dans la nature. On le trouve dans tout l'est de l'Amérique
du Nord, depuis la Géorgie aux États-Unis au sud, vers l'Ontario, le Québec  et jusqu'à
 l'île de Terre-Neuve au Canada, au nord.
 🌹 Le pin blanc se trouve ainsi au milieu des quatre autres symboles floraux illustrant les peuples fondateurs de Montréal, soit la fleur de lys (Français) la rose (Anglais), le chardon (Écossais) et le trèfle (Irlandais). Le reste des armoiries demeure également intact, soit la devise Concordia Salus (le salut par la concorde), les feuilles d’érable symbolisant la bonne entente et le castor qui évoque le « caractère industrieux » des Montréalais.
   Les membres du comité ayant choisi le pin blanc ne dévoileront pas les autres symboles qui ont été envisagés pour illustrer la présence autochtone. « Chaque proposition a été bien étudiée et nous nous sommes entendus sur celui-ci. Ça ne nous tente pas de refaire le débat. Mais je peux vous dire qu’on n’a pas envisagé de mettre une tête d’Indien, ça, je peux vous le confirmer », a dit la chef Zachary-Deom. Elle faisait ainsi référence à plusieurs controverses, notamment autour de logos d’équipes sportives jugés offensants par les nations autochtones.


  Le drapeau de la Ville de Montréal a été hissé pour la première fois au mois de mai 1939. Il reprend les principaux symboles héraldiques des armoiries : la croix héraldique de gueules sur fond blanc, les quatre fleurs emblématiques aux quartiers et maintenant le pin blanc au centre, dans un cercle rouge placé au centre de la croix. Les proportions du drapeau sont de :  2:1.

l'ancien drapeau de Montréal en vigueur avant le 13.09.2017

Le centre-ville de Montréal et le fleuve Saint-Laurent vus du parc Jean-Drapeau, dans l'Île Sainte-Hélène


Petite histoire et évolution des armoiries de Montréal :

Les premières armoiries de Montréal, datées de 1833, adoptées par Jacques Viger, le premier maire
 de Montréal (1833-1836). Complétant la rose anglaise, le chardon écossais et le trèfle irlandais
 le castor symbole des canadiens français qui fut finalement plus tard remplacé par la fleur de lys.
original conservé aux archives de la ville : www2.ville.montreal.qc.ca/ archives/
👑 Il ne faut jamais négliger le pouvoir des symboles. Les armoiries de Montréal sont révélatrices du projet de peuplement britannique qui, dès 1833, à l’époque du maire Jacques Viger, entendait minoriser les canadiens conquis. La devise "Concordia Salus" (le salut par la concorde), est un message adressé aux Canadiens français, qu’on appelait encore  alors seulement «les Canadiens»: ne vous révoltez pas et tout ira bien. Jamais on n’aurait mis une fleur de lys en 1833 parce que c’était un symbole monarchiste français et que la Couronne britannique voulait bien sûr éviter de rappeler cette origine française de la majorité. Mais il y avait quelque chose de bizarre et de non harmonieux à avoir trois fleurs emblématiques (pour les Anglais, Irlandais et Écossais) et un animal (pour les Canadiens). Le lys a donc fini par y avoir sa place, un siècle plus tard, en 1938, et même en première place : dans le canton supérieur gauche... un exemple que suivra Maurice Duplessis quelques décennies plus tard avec ce qui est devenu le drapeau du Québec.
Armoiries de Montréal - gravure sur bois de John Henry Walker (1831-1899)
1850-1885, XIXe siècle - © Musée McCord
Armoiries de Montréal - version avec supports :  valeurs du travail et de la famille -
gravure sur bois de John Henry Walker (1831-1899) vers 1867 - © Musée McCord
Armoiries de Montréal - version avec soldats et drapeaux en ornements extérieurs -
 gravure sur bois de John Henry Walker (1831-1899) - entre 1867 et 1872 - © Musée McCord
Armoiries de Montréal - version avec amérindiens comme tenants et corne d'abondance, qui seront utilisées par la Banque de Montréal
gravure sur bois de John Henry Walker (1831-1899)- entre 1850 et 1885 - © Musée McCord
Armoiries de Montréal avec un écu rond, timbrées de la couronne britannique, entourées de branches d’érable,
fond d'assiette peinte  par Wedgwood, 1912.  Collection Vachon, Musée canadien de l’histoire.
Jolie composition mais avec erreurs de couleurs , en particulier celle, du point de vue héraldique avec le sautoir d'argent (blanc)
sur un fond or (jaune), donc "métal sur métal":  non admis.

🛡 Le 21 mars 1938 est adoptée une nouvelle version des armoiries, modifiées par Conrad Archambault, archiviste en chef de la Ville de Montréal, afin de les rendre conformes aux règles de l'héraldique. La fleur de lys remplace le castor comme symbole des «Canadiens» (Français). Le choix des ornements, ainsi que la forme de l'écu dans la représentation adoptée à l'époque, ont été influencés par les courants artistiques français des années trente.
les désormais anciennes armoiries de Montréal qui étaient en vigueur depuis 1938 jusqu'au 13.09.2017

📢  Et donc... le 13 septembre 2017 : fait assez rare pour une ville de cette importance, les armoiries reçoivent une ultime et importante modification , en tant que symbole, par l'ajout d'une nouvelle figure au cœur du blason, pour la reconnaissance (tardive) des premiers habitants : les populations amérindiennes.



💶 Crédits :
• articles et pages web ayant servi de base documentaire pour rédiger le texte de ce sujet  :
- ville.montreal.qc.ca/portal/page?_dad=portal&_pageid=5798,40709569&_schema=PORTAL#visuels
- ici.radio-canada.ca/nouvelle/1055667/montreal-inaugure-nouvelles-armoiries-contribution-peuples-autochtones
- plus.lapresse.ca/screens/f02accf8-8508-4760-a598-00984a3bbd39%7C_0.html
- www.lapresse.ca/actualites/montreal/201709/13/01-5132815-montreal-ajoute-un-symbole-autochtone-a-ses-emblemes.php
- www.lapresse.ca/actualites/montreal/201702/14/01-5069298-drapeau-de-montreal-la-ville-veut-faire-une-place-aux-autochtones.php
- www.journaldemontreal.com/2017/01/28/honteuses-armoiries-1833
- collections.musee-mccord.qc.ca/scripts/search_results.php?Lang=2&keywords=Armoiries+de+Montr%C3%A9al
- histoire.bmo.com/les-armoiries-de-la-banque-de-montreal/
- heraldicscienceheraldique.com/les-anciennes-armoiries-de-montreacuteal.html


• images, armoiries, photos :
passez votre souris sur les images pour lire les références et la source documentaire dans l'info-bulle.



          Herald Dick

2 commentaires:

  1. Bel exposé et merci pour ce résumé !
    Pourrions nous dire que "l'ajout" du bourrelet est une sorte de "mise en conformité" avec un format standard. Quant à l'Argent et le Gueules, si les couleurs font référence au blason de la ville, elles rappellent aussi les couleurs nationales du Canada adoptées en 1921, alors que Montréal fut la capitale de la Province du Canada (Canada-Uni) avant la Confédération.
    Vous exposez combien l'héraldique demeure et est expression/affirmation du pouvoir, sinon d'un projet politique. Origine de la force intemporelle de l'héraldique ? Pourquoi donc nos municipalités en France restent séduites par des logos marketing sans saveur !
    Ici, la municipalité de Montréal pose un acte fort en changeant ses armes. Avant tout, c'est la reconnaissance de la présence plus que millénaire des Premières Nations sur "un territoire autochtone non cédé" ( ... avec la vallée du Saint-Laurent). Vous avez indiqué la volonté de reconciliation. En fait, le projet touche directement la recherche d'un nouveau mode de gouvernance de ce territoire partagé. Il a été ainsi proposé que toutes les séances du conseil municipal commencent désormais par une reconnaissance formelle que l'Hôtel de Ville se trouve sur un territoire non cédé ... sujet politique dans son sens noble.

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  2. Merci pour votre appréciation et votre éclairage sur l'histoire de ce territoire.

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