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dimanche 23 octobre 2016

l'Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Picardie (additions) - Pays reconquis d'Artois et du Cambrésis

 S   uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →

  Nous poursuivons avec la découverte du "livre" (c'est l'appellation donnée à une section d'un manuscrit, qui est lui-même divisé en chapitres) consacré au Gouvernement de Picardie. Mais nous en avons terminé avec la véritable province de Picardie avec le précédent volet. Dans le dernier épisode (ICI), justement, nous avons inauguré le rajout d'une première addition: c'était une petite partie de la Flandre maritime, le pays de Dunkerque, récemment conquis (en 1658) par les troupes armées de Louis XIV et provisoirement rattaché au Gouvernement de Picardie.
 Voilà donc le retour de cette grande province historique de l'Artois, qui faisait partie des possessions des Habsbourg d'Espagne, reconquise et rattachée au royaume de France après la guerre de Trente Ans, le 7 novembre 1659, par le traité des Pyrénées. Sauf Aire-sur-la-Lys et Saint-Omer qui ne revinrent à la France qu'en 1678. Annexée dans un premier temps au Gouvernement de la Picardie, la province d'Artois ne deviendra elle-même un "Gouvernement général" qu'en 1764. Nous aurons aussi une mention spéciale pour le Cambrésis qui lui fut rattaché au royaume de France par le traité de Nimègue en 1678.
  Nous continuons donc avec le chapitre 6 consacré à l'ancien comté d'Artois et le pays du Cambrésis.

    Revenir à l'épisode précédent →



 

Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir 








  Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent (quand il existe) dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.
 

(*) Armorial Général de France - volume XXVI -  Picardie - Généralité d'Amiens 
      Armorial Général de France -    volume XII   -  Flandres    (BNF Paris) 


Arras (Pas-de-Calais)


   Les armoiries attribuées au Corps des Magistrats d'Arras, telles qu'elles ont été enregistrées dans l'Armorial Général de France (édit de 1696), sont finalement confirmées comme étant celles de la ville par lettres patentes du roi Louis XVIII, le 22 février 1817.
A noter, comme me l'a rappelé gentiment mon ami picard Jacques D. de la Somme, que sur le manuscrit de La Planche : le lion semble porter l'écusson d'Artois, avec des bretelles, en bandoulière !  une fantaisie héraldique qui intéressera certainement les passionnés d'héraldique....
  Mais d'autres armes, enregistrées par Charles-René d'Hozier pour représenter la ville, associent étrangement une mitre et des crosses d'évêque (en référence à l’évêché d'Arras), avec une fasce d'argent chargée de trois rats de sable. Ces armoiries ont eu leur place au XIXe siècle dans certains armoriaux et représentations documentaires (voir → ICI) et ont été aussi gravées dans la pierre de certains monuments (voir → ICI). Le blason est basé sur un jeu de mots avec le nom de la ville Arras / (a)-rats,  mais il est aussi une allusion à une inscription posée sur une porte de la ville par les Espagnols: "Quand les Français prendront Arras - Les rats mangeront les chats" . Quand la ville est prise, après un premier siège victorieux des Français en 1640, l'inscription sera juste modifiée pour en changer le sens, en enlevant une seule lettre : le p de "prendront" : "Quand les Français rendront Arras, les rats mangeront les chats". La cité, après une dernière tentative de reconquête des Espagnols, sera définitivement gagnée par le maréchal de Turenne, en 1654. (sources : Archives du Pas-de-Calais, voirICI et ICI)
 Néanmoins, ce blason aux rats, peu séduisant pour  représenter les habitants, a été finalement abandonné au cours du XXe siècle pour ne garder que celui qui avait été restauré officiellement après le 1er Empire.





Béthune (Pas-de-Calais)

  La ville de Béthune utilise donc depuis très longtemps le blason, avec les ornements (deux sauvages comme tenants), de l'illustre maison éponyme, de très ancienne chevalerie : les Béthune. Ce nom est connu dès le Xe siècle et son représentant le plus célèbre est Maximilien de Béthune (1559-1641), duc de Sully, ministre de Henri IV, plus connu sous le simple nom de Sully.  Les armoiries ont été de fait officialisées par la municipalité, avec leur restauration, accordée par lettres patentes du roi le 14 décembre 1816.





Hesdin (Pas-de-Calais)

Totale constance dans le temps pour le blason de cette ville, comme pour Béthune. Selon, les historiens : "le champ de gueules signifie que le Vieil-Hesdin fut le théâtre de guerres incessantes et le champ d’argent rappelle que le nouvel Hesdin n’est pas encore marqué par l’atrocité des conflits".
 source : Armorial des communes du Pas-de-Calais ( volume II)  - Pascale Bréemersch et Jean-Yves Léopold (édité par les Archives du Pas-de-Calais - 1994)



Bapaume (Pas-de-Calais)

  La symbolique du blason est constante dans le temps, exceptées la couleur du champ et la disposition des mains : dextres ou senestres, mais toujours "appaumées" (les paumes visibles), pour ces armes parlantes évidentes. On connait un sceau du XIIIe siècle (voir → ICI) qui montrait déjà ces figures de "paumes" ouvertes (il est déposé aux Archives départementales).




Saint-Pol - sur - Ternoise 
 (Pas-de-Calais)

On constate que les armes initiales de la ville se confondent avec celle du très ancien Comté de Saint-Pol, orthographié "Saint-Paul" sur notre manuscrit. Ce sont, tout le monde les aura reconnues, celles de la grande maison de Châtillon : "De gueules à trois pals de vair et au chef d'or", brisées d'un lambel dont la forme et l'émail varient selon les époques. Les Châtillon ont été titulaires du Comté, dans la région du Ternois, et traversé par la rivière la Ternoise, de 1205 à 1360. Ils ont succédé, par le biais d'un mariage, à une autre famille de seigneurs locale du nom de Campdavaine (ou Candavaine), comtes de Saint-Pol aux XIe et XIIe siècles, à laquelle on a attribué les armes parlantes "D'azur à la gerbe d'avoine d'or", qui figurent à dextre dans le blason moderne de la ville.
 source : Armorial des communes du Pas-de-Calais ( volume II)  - Pascale Bréemersch et Jean-Yves Léopold (édité par les Archives du Pas-de-Calais - 1994)
  Au passage on aura noté le terme héraldique en français ancien de "lambeau", ancêtre étymologique du "lambel", dans la description du blason à gauche, de la main de Pierre de La Planche. Le lambel, faut-il le rappeler, est la brisure qui identifie généralement le fils aîné d'une famille. Dans l'héraldique civique, il perd de fait cette fonction, sauf pour faire référence à un personnage historique précis, et devient purement décoratif.




Lillers (Pas-de-Calais)

 Je n'ai pas trouvé de commentaires sur l'origine des armoiries du manuscrit dessinées par La Planche. La commune utilise depuis au moins le XIXe siècle les armes "De gueules à trois chevrons d'or ", celles d'un ancien seigneur : Enguerrand de Lillers, qui a fondé en 1080 l'abbaye d'Ham-en-Artois où son tombeau repose.
source : Armorial des communes du Pas-de-Calais ( volume II) 




Thérouanne (Pas-de-Calais)

  En 1989, la commune de Thérouanne adopte le blason  qui s'inspire d'un ancien sceau datant de 1483 L'ancienne ville épiscopale était administrée par l' évêque et les armes de l'évêché étaient : "De gueules à  trois mitres d'argent". Le contre-sceau était une fleur de lis, qu'on a cru bon d'insérer dans les armoiries entre les mitres. source : Armorial des communes du Pas-de-Calais ( volume II)
 Pour en savoir plus sur les armes à la tête de maure, je vous invite à lire l'excellente note rédigée par Jacques Dulphy, sur le site : armorial de france.fr ( voir → ICI).





Saint-Omer (Pas-de-Calais)

 À nouveau, nous constatons la parfaite transmission du blason, au travers des aléas de l'histoire : c'est exceptionnel. La croix patriarcale à deux barres horizontales (surtout ne pas parler de croix de Lorraine pour cet exemple) tient comme précédemment son origine dans l'image d'un contre-sceau du XIIIe siècle. On en possède un exemplaire datant de 1209 ( voir → ICI).
  Le contre-sceau est la marque complémentaire qui était imprimée au dos du sceau des échevins, qui lui était identifié sur l'avers avec l'image principale. En l’occurrence il s'agissait principalement de l'image du saint : Omer lui-même, alias Audomar, en habits d'évêque et tenant la crosse, lui qui fut évêque de Thérouanne au VIIe siècle et fonda la célèbre abbaye Saint-Bertin, à Saint-Omer.
  Revenons un peu sur cette croix partriarcale, symbole religieux d'origine byzantine, qui est est une variante de la croix latine. Elle évoque les bras du Christ, avec une petite barre rajoutée au sommet figurant la planchette qui était fixée au-dessus des condamnés où était inscrite la sentence. Pour Jésus, c'était l'acronyme : INRI qui développé donne  "Iesvs Nazarenvs Rex Ivdæorvm" expression latine qui généralement se traduit par : "Jésus le Nazaréen, roi des Juifs".



Aire - sur - la Lys  
(Pas-de-Calais)

  L’aigle formerait des armes parlantes indirectes. En effet, une aire désigne le nid d’un aigle.
C'est ce que prétend le site de la ville (voir→ ICI). Ce qu'on sait à coup sûr par contre, c'est que cette aigle figurait déjà sur le "sceau aux causes" de la ville.
 Un sceau aux causes (en latin : sigillum ad causas) est le sceau particulier dont usaient des autorités municipales ou seigneuriales dans l'exercice de leur juridiction contentieuses. Dans les pays du Nord il était parfois utilisé par les chancelleries ou les municipalités en substitution du sceau officiel.
source : Vocabulaire International de la Diplomatique (2a ed.) par la  Commission internationale de diplomatique - Universitat de València (1997)





Cambrai (Nord)

L'ancien comté du Cambrésis blasonnait : "D'or à trois lions d'azur". Les premières armes de la ville figurent sur sceau de 1340 qui sera utilisé jusqu'au XVIIe siècle. Elles représentent une aigle tenant dans ses serres les armes du Cambrésis : "d'or à trois lions d'azur". On remarque que c'est plus ou moins cette configuration que La Planche a adopté dans son manuscrit, puisque l'écusson est placé en pointe, brochant, mais il n'est pas tenu par les serres de l'aigle.
  Cambrai et l'ancien comté du Cambrésis ont été donnés à l'évêque de Cambrai par l'Empereur du Saint-Empire, Henri II, au début du XIe siècle, pour mettre fin aux prétentions des puissants comtes de Flandre. Le territoire est donc devenu une Principauté ecclésiastique indépendante, sous la protection de l'Empire, comme Liège, par exemple. Ceci explique la présence de l'aigle bicéphale sur champ d'or dans le blason de Cambrai, en tant que ville impériale (c'est aussi mentionné dans la présentation du manuscrit, voir ci-dessus). Néanmoins malgré sa neutralité, le pays ou les "états" de Cambrai seront toujours sous la menace des puissants voisins : comtes de Flandre, du Hainaut, royaume de France, duché de Bourgogne qui tenteront de se l'approprier. C'est finalement Charles Quint qui s'en emparera en 1543.  C'est à cette époque que la disposition du blason, va légèrement changer : l'aigle sera chargée en cœur des armes du Cambrésis et non plus tenues par ses serres.
   Après plusieurs décennies de guerre avec l'Espagne, c'est le rattachement à la France de Louis XIV en 1677. Mais ni cet évènement, ni la Révolution française à la fin du siècle d'après, n'auront raison du blason "impérial" cambrésien. La ville en effet obtiendra le droit de rétablir ses anciennes armoiries par lettre patentes datées du 11 novembre 1815, signées par Louis XVIII. Elles sont toujours d'actualité.





[_)-(_]



D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :

• pour l'ancien Comté d'Artois :

- avec un contour de blason vide, sans description : Lens
- sans blason ni mention s'y rapportant :
Saint-Vaast-d'Arras (abbaye), Mont-Saint-Éloi (abbaye), Saint-Venant, Lécluse, Clairmarais (abbaye).

• pour l'ancienne Principauté du Cambrésis : 

- sans blason ni mention s'y rapportant : Le Cateau-Cambrésis (que nous avions déjà traité, bizarrement, dans un précédent chapitre consacré au pays de la Thiérache → ICI) .

 # cependant, quelques années plus tard, certaines villes ou lieux (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France.


Lens (Pas-de-Calais)




Mont-Saint-Éloi, la commune
 (Pas-de-Calais)


Clairmarais, la commune
 (Pas-de-Calais)


 # et pour être complet avec l'Armorial Général de France, on peut encore rajouter une dernière ville appartenant à la province d'Artois ainsi que six abbayes dont les armoiries ont été reprises, parfois brisées, par les communes sur le territoire desquelles elles sont situées : 
-   Pernes, Blendecques, Blangy-sur-Ternoise, Ruisseauville, Gouy-Saint-André, Chocques, Étrun, Willencourt : 

Pernes, blason actuel
 (Pas-de-Calais)

Blendecques, la commune
 (Pas-de-Calais)

Blangy -sur- Ternoise,
 la commune (Pas-de-Calais)

Ruisseauville, la commune
 (Pas-de-Calais)

Gouy - Saint-André,
 la commune (Pas-de-Calais)

Chocques,
 la commune (Pas-de-Calais)

 
Étrun, la commune
 (Pas-de-Calais)


Willencourt, la commune
 (Pas-de-Calais)

 
# et pour finir, voici encore, mais cette fois dans le Cambrésis, une abbaye dont les armoiries ont été reprises, par la commune sur le territoire de laquelle elles est située : 
-   Saint-Aubert.
 
Saint-Aubert, la commune
 (département du Nord)



A bientôt pour une nouvelle série ...→ ICI


Crédits :
parmi les blasons "modernes" certains sont empruntés à :
http://armorialdefrance.fr/

 Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly :  http://www.bibliotheque-conde.fr/


             Herald Dick
 

3 commentaires:

  1. Querido amigo, no he encontrado ningún correo suyo para contactar, así que le pediré un favor desde aquí.

    ¿Sabría usted indicarme cuál es el equivalente en castellano del término heráldico "paillées"?

    La descripción del blasón en concreto es esta: d’or à deux fasces paillées de gueules (De oro, dos fajas [...] de gules.

    Le quedaría muy agradecido si pudiese ayudarme.

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    Réponses
    1. ¡Hola Jordi!
      mi correo directo es : heraldexpo@orange.fr

      He encontrado la traducción del término heráldica francesa "Paillé(e)" en la Wikipedia español, es : "Pajizo / Pajiza " ; se puede leerlo aquí:

      https://es.wikipedia.org/wiki/Campo_(heráldica)

      Buena suerte para Yvain de Lionel ?! ;-)
      (si me das su propia dirección de correo electrónico, le puedo ayudar mas y enviar una imagen del escudo de armas de este caballero extraída de un manuscrito para visualizar mejor el dibujo correcto muy muy particular !! ).

      Salud !

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    2. Agradecí su respuesta en un correo electrónico que espero haya recibido. Allí está mi dirección, por si quiere ponerse en contacto conmigo por cualquier motivo.

      Gracias y un saludo

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