mercredi 18 décembre 2019

l'Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Champagne - Bailliage de Troyes

S   uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →

  Nous avons quitté il y a peu de temps l'exploration du manuscrit au dernier chapitre du Gouvernement de Lyonnais, plus précisément en Auvergne (voir l'épisode précédent →  ). Nous allons maintenant nous transporter dans une autre région plus au nord de la France, mais toujours à la fin du XVIIe siècle : ce sera le Gouvernement général de Champagne. L'ancien comté de Champagne était l'une des six pairies laïques primitives de l'ancien régime féodal. Les différentes circonscriptions du comté de Champagne relevaient du roi de France, du duc de Bourgogne, de l'archevêque-duc de Reims, de l'archevêque de Sens, de l'évêque-comte de Langres, de l'évêque-comte de Châlons (-en-Champagne), et aussi de l'abbaye de Saint-Denis. On peut encore y rajouter le petit duché de Rethel, au nord dans les Ardennes françaises.  A l'époque du manuscrit, l'ensemble du territoire était divisé en 11 bailliages que nous allons maintenant commencer à explorer.

   Cette nouvelle entité administrative du royaume de France fait donc l'objet du troisième livre (section) du manuscrit, qui est divisé en onze chapitres, consacrés chacun à un bailliage, qui était une subdivision administrative intermédiaire en vigueur plutôt dans le nord du pays, dirigée par un bailli.
  Voici donc le premier de ces chapitres, consacré au bailliage de Troyes, correspondant à la presque totalité du département actuel de l'Aube, sauf les territoires autour de Bar-sur-Seine et des Riceys, rattachés au Gouvernement de Bourgogne (ils ont déjà été visités, voir → ICI) et augmenté des territoires autour des villes de Joigny et de Saint-Florentin, dans de nord de l'actuel département de l'Yonne.



  Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir  :










  Les fragments de manuscrits proviennent cette fois du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.

(*)  Armorial Général de France  -  volume X  -  Généralité de Châlons (Champagne)
                                                      volume XXV - Généralité de Paris, tome III


Troyes (Aube)

   La ville porte les armes de l'ancien comté de Champagne, augmentées du chef de France octroyé aux "bonnes villes" de France. Le comté de Champagne a été apporté au domaine royal lors du mariage de Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne avec le dauphin de France Philippe le Bel en 1284. Le rattachement est rendu définitif par leur fils le roi Louis X le Hutin.  Mais quand le chef de France a-t-il effectivement été accordé à la cité de Troyes ? ce n'est pas clair, très probablement au XVe siècle ou au mieux à la fin du XIVe siècle.
   Dans ce présent chapitre, deux villes seulement ont été enregistrées et blasonnées dans l'Armorial Général de France. Mais avec une anomalie étrange pour Troyes: les fleurs de lis du chef ont été coloriées en argent au lieu de l'or... et par ailleurs les deux cotices potencées et contre-potencées sont mal représentées car trop éloignées de la bande de l'écu, qui elle-même semble réduite à une cotice.



Joigny (Yonne)


  Ce précieux manuscrit nous révèle l’existence d'une forme ancienne des armoiries de la cité de Joigny avec une belle enceinte complète et close de fortifications, entourée de fossés et vue en perspective, une manière de dessiner très appréciée par l'auteur pour son réalisme.
  Au XVe siècle, c'est la guerre de Cent ans, les habitants de Joigny étaient attachés au parti Bourguignon pro-anglais de Jean Sans Peur. Pour féliciter le Roi d'Angleterre Henri V de son mariage avec Catherine, fille de Charles VI, Roi de France et de la Reine Isabeau en juin 1420,  à Troyes,  ils dépêchèrent un messager sans en informer leur comte, Guy de la Trémouille, pro-français. Sur le chemin du retour, le messager fut arrêté et emprisonné. Les habitants, de tradition vigneronne, s'armèrent des maillets qu'ils utilisaient pour fabriquer leurs tonneaux et enfermèrent le comte dans son château pour délivrer leur messager. Depuis ce jour, les Joviniens (gentilé des habitants de Joigny) sont aussi des Maillotins et un maillet orne le blason de la ville.
 source texte : www.tourisme-joigny.fr/son-histoire_fr_03_03.html




Nogent -sur- Seine (Aube)

  Pour notre auteur, Pierre de La Planche, les armes de Nogent-sur-Seine qu'il nous propose sont les armes pleines de Champagne.
  Le blason actuel est celui déjà adopté et enregistré dans l'Armorial Général de France, consécutif à l’édit royal de 1696, quelques décennies plus tard.  On peut constater que le soleil et les 3 fleurs de lys d'or sur champ d'azur marquent l'attachement de la cité au roi-soleil, Louis XIV, au moment de la création de ce blason qui lui est donc royalement dédié. La double burelle potencée et contre-potencée d'or sur l'azur restant la référence à l'ancien comté de Champagne.



Saint-Florentin (Yonne)

  Le manuscrit nous révèle l'existence d'un ancien blason pour cette petite ville avec armes parlantes. Ce sont une représentation de saint Florentin, en chevalier dans son armure, monté sur un cheval, tenant une bannière blanche à la croix rouge. En effet, le bourg aurait pris le nom de Saint-Florentin lorsque Godelime, comtesse de Chartres et Lémisse, comtesse du Perche, les sœurs du comte (maison de Blois) de l'époque, rapportèrent en 833, au retour d'un pèlerinage, les reliques de saint Florentin, martyrisé par les Vandales en 406.
  Saint-Florentin fut a partir du XIe siècle le siège d'une châtellenie dépendant des comtes de Champagne. 
  Le blason actuel apparu en 1855 est aux armes des derniers comtes de Champagne en titre, qui étaient aussi rois de Navarre depuis l'avènement de Thibaut IV de Champagne , fils de Blanche de Navarre et qui hérita du royaume au décès de son oncle Sanche VII de Navarre en 1234, avec la bénédiction des seigneurs navarrais, qui ne voulaient pas une annexion du petit royaume pyrénéen par le puissant Aragon voisin.



Ervy - le Châtel (Aube)

 Voici un exemple parfait de constance d'un blason municipal à travers les siècles, dans la forme générale de la figure principale, et jusque dans les moindres détails du dessin héraldique, notamment les six croisettes pattées chargeant les tours, la lanterne et les clochetons, les girouettes, le crénelage et les ondulations de la toiture, etc...  La Planche a juste osé rajouter, pour le plaisir, un effet de perspective aux deux tours latérales.
    Le point de divergence réside néanmoins dans la nature de l'édifice dessiné. L'auteur, dans son blasonnement en marge du texte, parle d'un "portail d'église". Mais alors, cela pourrait être une église fortifiée, en raison des tours latérales, et surtout du chemin de ronde au-dessus du portail, un peu à la manière des extraordinaires églises fortifiées de la Thiérache, voir → ICI . Mais, il n'y a pas d'église de ce type architectural à Ervy-le-Châtel. Dans le blasonnement convenu actuellement, on parle de "porte de ville", comme élément de fortifications médiévales. Et là, en effet il subsiste encore dans le bourg un vestige des anciens remparts du XIIIe siècle, la porte Saint-Nicolas , qui est d'ailleurs la seule porte de ville médiévale subsistant aujourd'hui dans le département de l'Aube. Malgré tout, le dessin héraldique ne lui ressemble pas vraiment. Alors sur quel modèle se base le dessin de cet édifice, c'est encore un mystère; peut-être est-ce une vue artistique d'une partie de l'ancien château fort qui dominait la ville jadis, qui a donné le toponyme de "le Châtel"  et qui a été rasé au XVe siècle.




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  D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :
Méry (-sur-Seine), Pont-sur-Seine, L'Isle-sous-Montréal (L'Isle-sur-Serein), Vendeuvre (-sur-Barse), Traînel, Arcis (-sur-Aube), Brienne (-le-Château).

  Il semble qu'aucune de ces communes n'ait été répertoriée ni blasonnée dans l'Armorial Général de France en tant que communauté d'habitants, ni même d'autres, non citées dans le manuscrit de La Planche.



A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI


Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés  à : armorialdefrance.fr/

les extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
   . www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/

 - Bibliothèque nationale de France à Paris : 
   - gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111464h
   - gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111473g/


💶 Appel au mécénat ou aux généreux donateurs :
 Au cours d'échanges d'informations avec les responsables de la Bibliothèque du Musée Condé, au sujet du manuscrit, il m'a été rapporté que l'ouvrage de Pierre de La Planche n'est actuellement plus exposé ni mis à disposition des visiteurs. En effet, les deux volumes du manuscrit sont en mauvais état : "la couverture", ce que l'on nomme dans le métier: les plats de reliure, sont soit partiellement,soit totalement détachés du manuscrit, ce qui nuit à sa conservation. La reliure étant en effet là pour maintenir et protéger le manuscrit.
  Si des personnes ou des entreprises sont intéressées, en mode mécénat, pour participer à la prise en charge de la restauration de ces précieux ouvrages, qu'elles prennent contact pour les modalités, avec les bibliothécaires à cette adresse mail  : bibliotheque@domainedechantilly.com
ou sinon m'écrire à : heraldexpo@orange.fr et je transmettrai à ma correspondante privilégiée.


             Herald Dick  
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