samedi 29 décembre 2018

Les blasons des anciens territoires français en Afrique du Nord - la série 1296 des cartes postales des éditions Barré et Dayez

  E  n septembre dernier, avec les dernières provinces de France, j'avais interrompu, mais provisoirement, ce sujet sur ces belles cartes postales d' "après-guerre"qui sont bien connues des passionnés d'héraldique et des cartophiles. Je vous invite à  relire le préambule d'un précédent sujet → ICI qui vous donnera quelques informations sur la maison d'édition Barré et Dayez et sur l'historique de ces productions qui ont une certaine réputation chez les collectionneurs, dont je fais partie.

 📖 Je vous propose maintenant de découvrir une nouvelle et courte série répertoriée par le numéro  1296, au nombre limité de cinq cartes, identifiées au verso par les lettres de A à E.
    Succédant aux provinces historiques de la France métropolitaine avec les longues séries 1294 et 1295, la maison d'édition s'est attaquée timidement aux "territoires d'outre-mer", que l'on nommait alors sans ambiguïté en ces temps-là : les colonies. Ces territoires sont devenus peu après des états indépendants, qui ont naturellement opté pour de nouveaux symboles nationaux et territoriaux plus conformes à leurs exigences de souveraineté. Il ne faut voir de ma part aucune nostalgie, ni idéologie néo-colonialiste, dans la construction de ce sujet. Ces belles armoiries, au charme exotique indéniable, sont surtout des témoignages historiques d'une époque révolue, au même titre que les enluminures des manuscrits médiévaux, les estampes du XVIIIe siècle ou encore les chromos de la Belle-Époque.

  L’Algérie, officiellement annexée par la France en 1848, fut partagée le 9 décembre de la même année en trois provinces, comprenant trois territoires militaires et trois territoires civils érigés en départements : Oran, Alger et Constantine, dont la loi du 24 décembre 1902 en fixe les limites jusqu’à la réforme territoriale de 1956. Le sud algérien désertique, ne fut pas départementalisé, et formait 6 zones géographiques qui furent regroupées au sein des Territoires du Sud en 1902, leur nombre fut réduit à 4 en 1905.
     Si les trois premières cartes  représentent les trois départements du découpage administratif de l'Algérie, les armoiries sont par contre celles des villes chef-lieux.

1296 A - Alger (Algérie)
timbre-poste contemporain de 1948
avec les armoiries monochromes d'Alger

1296 B - Oran (Algérie)
timbre-poste contemporain de 1947
 avec les armoiries monochromes d'Oran


1296 C - Constantine (Algérie)
timbre-poste contemporain de 1947
 avec les armoiries monochromes de Constantine

1296 C (Constantine), verso indiquant une date d'édition en 1947

Les anciennes monarchies de Tunisie et du Maroc dirigées l'une, par le Bey de Tunis, et l'autre par le Sultan du Maroc, conquises militairement par la France au XIXe siècle, puis soumises à des traités contraignants, "pacifiées" par l'Armée à chaque tentative de rébellion, avaient néanmoins un statut différent de celui de l'Algérie. Ces territoires étaient des protectorats, et non des colonies comme l'Algérie. Ils bénéficiaient donc d'une autonomie très relative et limitée dans la gestion de l'administration et des affaires intérieures du pays, et les habitants gardaient leur nationalité. Pour le reste, ils étaient sous tutelle de la France du point de vue diplomatique, militaire, et pour les affaires et le commerce international. Le Maroc était même soumis à un double protectorat depuis 1912, avec celui de l'Espagne qui occupait la région au nord du pays, notamment la bande longeant la côte méditerranéenne (le Rif), ainsi que d'autres territoires situés au sud, touchant la colonie espagnole du Sahara, appelée Rio de Oro.


1296 D - Tunis (Tunisie)
Armoiries du Bey de Tunis sous protectorat français (1881-1956)

1296 E - Maroc


Carte des Territoires d'Afrique du Nord à la période prise en compte pour notre sujet : 1945-1955


🛑 Nous voici arrivés à la fin de cette courte étape dans la découverte de ces intéressantes séries de cartes héraldiques consacrée cette fois à la France se définissant comme puissance coloniale, mais pour plus très longtemps. La Tunisie et le Maroc retrouveront leur indépendance de manière pacifique en 1956. Pour l'Algérie, il en sera différent, ce sera acté en 1962, mais après une longue guerre de libération éprouvante qui laissera des traces dans les relations entre les deux pays et dans les esprits des populations de chaque côté. 
  
  À bientôt pour une nouvelle série d'armoiries des éditions Barré & Dayez ....voir → ICI


             Herald Dick


lundi 24 décembre 2018

Joyeux Noël - une héraldique imaginaire de la Nativité

  L’ Adoration des mages, d'après un épisode de l'Évangile selon Matthieu (2, 1-12) est un thème iconographique chrétien populaire relatant un épisode de la vie du Christ : celui de la visite des rois mages lors de sa nativité, à Bethléem. Dans l'Occident chrétien, cette scène est commémorée le jour de l'Épiphanie, soit le 6 janvier, tandis que l'Église orthodoxe la place le 25 décembre.
évocation de la scène de l'Adoration de Jésus par les Rois Mages, d'après une composition héraldique intitulée : " Praesepium Heraldicum 2014 " (crèche héraldique 2014) signée par un illustrateur du nom de "Da Silva"
  le ciel étoilé a été rajouté par moi-même pour combler l'espace (j'espère que l'auteur ne m'en tiendra pas rigueur).
 origine de l'image : Revue n°2 du Centre d’études généalogiques et historiques Barão de Arêde Coelho (Portugal), page 9 -
voir site internet et archives → ICI  
  L'illustrateur portugais a ici choisi d'identifier tous les personnages à l'aide d'armoiries, comme le faisaient souvent les enlumineurs du Moyen-âge. En effet dans de nombreuses chroniques et autres armoriaux manuscrits, à partir du XIIIe siècle, les auteurs attribuaient des blasons à un grand nombre de personnages historiques ou légendaires du haut Moyen-âge, de l'Antiquité, dont l’existence réelle ou supposée était bien antérieure à l’apparition des premières représentations attestées de l'héraldique occidentale (vers le milieu du XIIe siècle). Et naturellement les personnages bibliques de l'Ancien ou du Nouveau Testament, ainsi que ceux des divers Évangiles et saintes écritures de la religion chrétienne n'y ont pas échappé.

La Vierge Marie, au centre, tient dans sa main gauche le blason du "Fils de Dieu", dont la filiation est confirmée par la présence d'un lambel à trois pendants brochant en chef, comme le pratiquaient par convention les hérauts médiévaux pour désigner les ainés des grands lignages princiers et aristocratiques.

Les grandes « armoiries de Dieu » ou plus exactement de la Sainte Trinité, dans l'armorial
de Wernigerode (Wernigeroder Wappenbuch), Allemagne du Sud, vers 1490
 manuscrit BSB Cod.icon. 308 n , folio 1v -  Bayerische Staatsbibliothek, Munich
 

 👑👑👑  Les trois Rois Mages, Melchior, Gaspard et Balthazar portent chacun sur leur manteau, le blason censé les identifier formellement. Mais c'est illusoire car il faut savoir que d'un manuscrit à un autre, et surtout selon les époques, si les blasons montrent à peu près toujours les mêmes figures, les émaux par contre diffèrent souvent et surtout ils peuvent être attribués à l'un ou l'autre roi, et sont donc interchangeables ! comme vous pouvez le constater avec les trois extraits ci-dessous, provenant de célèbres armoriaux du Saint Empire, mais conçus à des époques différentes. Ce ne sont que trois exemples choisis parmi tant d'autres comportant d'autres émaux et agencement des figures.
1/ Gaspard - 2/ Melchior - 3/ Balthazar  -  Armorial de Gelre (Wapenboek Gelre), Flandre/Pays-Bas - v. 1370 - 1414
manuscrit ms. 15652-56. - folio 28v -- Bibliothèque royale de Belgique, à Bruxelles.
1/ Gaspard - 2/ Balthazar - 3/ Melchior   -  Chronique du Concile de Constance (1414-1418)
 ( Chronik des Konstanzer Konzils) par Ulrich von Richental , Augsbourg, Allemagne du sud -  1483
cote M38152 - folio 102r -  Universitätsbibliothek Heidelberg , Allemagne / Bade-Wutemberg
1/ Gaspard - 2/ Melchior - 3/ Balthazar  -  Livre des atours de la cour des ducs Guillaume IV et Albert V de Bavière
 ( Hofkleiderbuch des Herzogs Wilhelm IV. und Albrecht V.), Allemagne/Bavière - v.1508-1551
 manuscrit BSB Cgm 1952 , folio 20v -  Bayerische Staatsbibliothek, Munich

  Moins visibles mais on les devine, les parents de Jésus, Marie, et Joseph, debout derrière Marie, portent aussi de petites armoiries sur le fermoir de leurs manteaux, mais illisibles. Un autre dessin antérieur de deux ans, de la main du même illustrateur permet de mieux les visualiser :

" Praesepium Heraldicum 2012 " (crèche héraldique 2012) signée aussi par l' illustrateur "Da Silva"
détails des blasons de Marie (à gauche) et Joseph (à droite), encadrant celui de Jésus (déjà commenté), ci-dessous
l'ange planant au-dessus de la crèche porte quant à lui le blason de Dieu ou de la Trinité


  L'auteur a attribué à Marie un blason avec une figure en forme de fleur de lis héraldique composée elle-même de trois lis de jardin. Les lis de jardin et par extension les lis héraldiques, au nombre de trois en général, pour évoquer la Trinité, sont un des nombreux symboles affectés à la Mère de Jésus dans l'iconographie chrétienne.
  Enfin, pour identifier Joseph, son blason montre un lion rampant tenant une harpe. Une harpe qui rappelle l'emblème du roi David.  Il y avait dans les textes chrétiens entre le XIIe et le XVe siècle,  avec l'évocation de l'Arbre de Jessé, une théorie schématisant la généalogie de Jésus, c'est-à-dire l'arbre généalogique présumé de Jésus de Nazareth à partir de Jessé, père du roi David.

emblème du Collège St. Mary MacKillop
de Kensington (Sydney, Australie)






Herald Dick vous souhaite de :
 🎅 🎆JOYEUSES FÊTES !!!!🎇🎄

vendredi 14 décembre 2018

Top 10 des plus grandes villes d'Irlande avec leurs blasons

Voici un nouveau volet à cette série consacrée à la découverte de l’héraldique civique, à travers divers pays du Monde. Le principe du "Top xx" très répandu dans les médias et sur Internet, pour recenser ce qui est le plus remarquable dans un domaine particulier est ici adapté à cette thématique. Il nous permettra de découvrir ou réviser la géographie d'un pays choisi de manière aléatoire et dans le même temps de s'intéresser à sa diversité en matière de blasons et emblèmes municipaux.

  Nous revenons en Europe, à la rencontre d'un nouveau pays, membre de l'Union européenne : la République d'Irlande (Éire en irlandais) .



  Voici donc les 10 plus grandes villes en terme de population "intra-muros", donc indépendamment des agglomérations, des aires urbaines (chiffres : 2016). 
  Le nom de ces villes est écrit successivement en anglais et en irlandais (la langue gaélique d'Irlande).




1 - DUBLIN  /  Baile Átha Cliath

capitale de la République d'Irlande et de la province traditionnelle de Leinster  -  553 165 habitants

ancienneté des armoiries :  XIIIe siècle (sceau),  officialisées en 1607



2 - CORK  /  Corcaigh

ville principale de la province de Munster et capitale du Comté de Cork   -  125 650 habitants



ancienneté des armoiries : sceaux, voir en bas de page
officialisées en 1949.



3 - GALWAY  /  Gaillimh

ville principale de la province de Connacht et capitale du Comté de Galway   -  79 500 habitants





4 - LIMERICK  /  Luimneach

ville de la province de Munster et capitale du Comté de Limerick   -  58 320 habitants.
 

ancienneté des armoiries :  XVIIe siècle




5 - WATERFORD  /  Port Láirge

ville de la province de Munster et capitale du Comté de Waterford   -  48 369 habitants







6 - SWORDS  /  Sórd Cholm Cille

ville de la province de Leinster, dans l'aire urbaine du Grand Dublin et capitale du Comté de Fingal   -  42 740 habitants


ancienneté des armoiries (du Comté de Fingal) : 1993
(la ville de Swords elle-même n'a pas d'armoiries)




7 - DUNDALK  /  Dún Dealgan

ville de la province de Leinster et capitale du Comté de Louth   -  32 290 habitants


ancienneté des armoiries :  XIVe siècle (sceau),
 officialisées en 1968



8 - DROGHEDA  /  Droichead Atha

ville de la province de Leinster, dans le Comté de Louth   -  29 470 habitants






9 - BRAY  /  Bré

ville de la province de Leinster, dans le Comté de Wicklow   -  27 760 habitants







10 - ENNIS  /  Inis

ville de la province de Munster, et capitale du Comté de Clare   -  25 280 habitants








  Dans la tradition de l'héraldique britannique, et en dépit des aléas de l'histoire entre le Royaume-Uni et l'Irlande, il existe aussi dans ce pays une autorité pour ce qui relève de l'héraldique irlandaise.  Depuis le 1er avril 1943, la discipline est réglementée en Irlande par The Office of the Chief Herald  (l'Office du héraut d'armes en chef d'Irlande) et en Irlande du Nord par le Norroy et Ulster King of Arms. Auparavant, l'héraldique de toute l'Irlande relevait de l'Ulster King of Arms, un bureau de la couronne datant de 1552. Malgré son nom, le roi des armes d'Ulster était basé à Dublin.  Aujourd'hui, The Office of the Chief Herald fait partie de la division Généalogie et Héraldique de la Bibliothèque nationale d'Irlande. The Chief Herald est responsable de l’octroi et de la confirmation des armoiries aux personnes physiques et morales. Toutes les armes octroyées sont consignées dans le registre des armes, tenu depuis la fondation de l'Office en 1552. Le registre des armes et d'autres collections de l'Office peuvent être consultés dans la salle de lecture des manuscrits. Un certain nombre de manuscrits héraldiques ont été numérisés et sont accessibles via le Catalogue principal.
reproduction d'un ancien sceau de la ville de Dublin - voir → ICI
Les Trois Châteaux sont le symbole de Dublin depuis 1230.
Ils apparaissent d'abord sous la forme de trois tours situées autour
de l’une des portes fortifiées de la ville. Au fil du temps, les tours
 ont pris une importance croissante en tant que symbole et, au milieu
 du XVIe siècle, elles avaient été séparées en trois châteaux distincts.
les personnages sont remplacés plus tard par des flammes.
La première représentation héraldique formalisée des châteaux a
 été conçue en 1607 par Daniel Molyneux, roi d'armes à Ulster.

ancien sceau de la ville de Cork (v.1700)
il préfigure déjà les armes de la ville: le navire
passant entre deux tours se faisant face
de part et d'autre d'un chenal
   En ce qui concerne l'héraldique civique,  les armoiries des comtés (Irish counties), une des divisions administratives les plus importantes du pays, sont des créations récentes, seconde moitié du XXe siècle, comme celles que voyons pour remplacer les armes inconnues de la ville n°6.
  Il en va différemment de celles des villes irlandaises. En raison de leur ancienneté, certaines remontant même jusqu'au XIIIe siècle sous la forme primitive de sceaux municipaux ou corporatifs, elles sont donc forcément de conception "anglaise".
  A la suite de l'indépendance de la République d’Irlande, actée en 1922, après une guerre civile très sanglante, les principales villes du sud ont gardé pour la plupart leurs blasons intacts et les ont par la suite officialisés via leur autorité en matière d'héraldique.   Toutefois, quelques figures trop anglaises, en premier lieu les léopards d'or sur champ de gueules ont été supprimés au même titre que certains toponymes trop connotés par la royauté britannique ont été remplacés par le nom irlandais (Queenstown → Cobh ; Kingstown → Dún Laoghaire ; Maryborough → Port Laoise  etc...). En voici deux exemples ci-dessous :
armoiries "anglaises" des villes de Limerick et Waterford - vignettes des albums
 Coffee Hag, London (1925) dans le chapitre "État libre d'Irlande".






📖 source infos, textes et images blasons :
- www.askaboutireland.ie/
- www.ngw.nl/heraldrywiki/
- www.heraldry.ws/regional/






Si vous désirez en savoir plus sur le pays : l'Irlande  et ses emblèmes, c'est → ICI

A bientôt, pour un nouveau pays ...→ ICI


Et pour revoir le pays précédent ...  → ICI





          Herald Dick
 


jeudi 6 décembre 2018

L'héraldique et l'image des marques #03 : un coutelier savoyard, une star du rock anglais et le directeur général des colonies hollandaises

  J e vous propose d'ouvrir un nouveau volet à ce thème que j'avais débuté il y a deux ans déjà et où je détaillais l'idée de départ (voir ici → ). Il concerne ces innombrables symboles graphiques qu'on appelle logotypes, en abrégé: "logos", qu' on observe autour de nous sur toute sorte d'objets de la vie courante, et sur tous supports physiques ou virtuels.
Ils permettent d'identifier visuellement, de façon immédiate une entreprise, une marque commerciale, une association, une institution, un produit, un service, un événement ou toute autre sorte d'organisations, dans le but de se faire connaître et reconnaître des publics et des marchés auquel il s'adresse et de se différencier des autres entités d'un même secteur.
   • Quelques-uns de ces logos, que parfois on regarde sans les analyser vraiment, sont composés partiellement ou totalement à partir d'écus d'armes ou d'armoiries. Ils attestent ainsi d'une certaine façon la filiation que certains spécialistes, héraldistes ou graphistes, leur confèrent: le logo est ou serait le prolongement moderne du blason, dépouillé de ses règles ancestrales, rigides et compliquées et abandonnant son langage ésotérique.  Le plus souvent, pour ces logos issus de blasons, ceux-ci sont remodelés à la sauce des artistes graphistes et des designers qui en extraient l'ADN de héraldique pour le transposer dans le registre du branding et du marketing qui lui aussi a ses règles : la charte graphique de l'entreprise ou de l'organisme. Beaucoup d'entre eux ont néanmoins une réelle origine historique liée à l'héraldique, parfois oubliée. Je vais tenter de vous la révéler. En voici quelques nouveaux exemples très hétéroclites, puisés dans notre environnement quotidien ou dans notre culture générale.



• Voici d'abord un premier petit symbole d'origine héraldique, que tout le monde connaît, mais sans y prêter vraiment attention. Il nous raconte pourtant le fabuleux destin d'un couteau savoyard inventé par Joseph Opinel en 1890, devenu objet de notre quotidien, et aujourd'hui élevé au rang d'icône du design mondial.









En 1565 le roi de France Charles IX ordonne que chaque maître coutelier appose un emblème sur ses fabrications pour en garantir l’origine et la qualité. En 1909, respectant cette tradition, Joseph Opinel choisit pour emblème La Main Couronnée. La main bénissante est celle de Saint Jean-Baptiste figurant sur les armoiries de Saint-Jean-de-Maurienne (voir à droite), la ville la plus proche d’Albiez-le-Vieux, berceau de la famille Opinel. Joseph Opinel ajoute une couronne pour rappeler que la Savoie était un duché. Depuis, toutes les lames des couteaux et outils Opinel sont poinçonnées de La Main Couronnée.
ancienne "réclame", début XXe siècle  (site officiel de la marque → 🗡)
• L'Opinel est fabriqué en Savoie depuis les années 1890 jusqu'en 1916 dans le lieu-dit de Gevoudaz (commune de Albiez-le-Vieux) près de Saint-Jean-de-Maurienne puis, dès 1915, à Cognin dans la banlieue de Chambéry. L'activité s'est progressivement délocalisée vers une usine à Chambéry construite en 1973. Depuis 2003, le siège est basé également à Chambéry, l'activité de fabrication des bagues de sécurité a été la dernière à partir de l'usine de Cognin pour intégrer le site de Chambéry en 2013, qui réunit l'ensemble des activités et a été agrandi en 2015. En mars 2016, une filiale est implantée à Chicago, aux États-Unis.
timbre autoadhésif , hommage au patrimoine de la région
Rhône-Alpes ; fragment d'un livret "collector"
 émis par la Poste en 2010
sticker autocollant publicitaire provenant d'Allemagne
• Opinel fait partie du patrimoine culturel français, il est cité dans de multiples ouvrages. En 1989 il est référencé dans le dictionnaire Larousse, au même titre que les marques Bic, Frigidaire ou Solex, en tant que nom déposé et avec la définition actuelle suivante : Couteau fermant à manche en bois portant une saignée dans laquelle vient se loger la lame en position de fermeture.






• Passons maintenant du génie industriel au génie artistique. L'idée m'est venue avec la sortie récente du film " Bohemian Rhapsody " magistralement interprété par Rami Malek dans le rôle de Freddie Mercury, le chanteur légendaire du groupe de rock Queen. Il faut savoir que le logo qui orne quelques pochettes de disques du groupe, indéniablement inspiré par l'art héraldique, avait été créé par Freddie Mercury lui-même. Dans sa jeunesse, le jeune Farrokh Bulsara (le vrai nom de F. Mercury) outre sa passion précoce pour la musique, a fait des études d'art graphique au Ealing Art College de Londres ou il décrocha un diplôme. A la fin des années 1960, il mettra son talent d'illustrateur en pratique pour dessiner une ligne de vêtements et de courtes bandes dessinées pour de petits journaux londoniens. Mais c'est les diverses expériences de chanteur dans plusieurs groupes de rock anglais qui aboutira en 1970 à la formation d'un des plus grands groupes de rock au monde :  Queen.

•  En 1972, Freddie Mercury tire parti de sa formation de graphiste pour dessiner le logotype du groupe, connu sous le nom de « Queen crest ». Au premier coup d’œil, on remarque que l'artiste s'est inspiré très certainement des armoiries du Royaume-Uni (à droite) pour la forme générale du concept. Au centre se trouve un Q majuscule, faisant office d'écu d'armoiries, supporté par les symboles rappelant les signes zodiacaux des quatre membres du groupe.

Armoiries du gouvernement du Royaume-Uni
 Les deux Lions couronnés sont là pour John Deacon, le bassiste et Roger Taylor, le batteur, un crabe symbolisant le Cancer pour Brian May, le guitariste et deux fées pour la Vierge, signe de Freddie Mercury. Le tout est surmonté d’un immense phénix déployant ses ailes, au-dessus de quelques traits en zigzags figurant des flammes et qui est une référence très importante à ses origines ethniques.
  En effet, la famille de Freddie Mercury était d'origine Pârsî , de religion zoroastrienne, dont les ancêtres perses vivaient sur le territoire correspondant à l'Iran moderne et avaient fui en Inde après la conquête arabo-islamique. Hors, dans la mythologie persane, principalement avestique, basée sur les écrits du prophète Zoroastre, le phénix nommé plus exactement le Simurgh, est un oiseau fabuleux aux pouvoirs très importants.
  On trouve également une couronne au centre de la lettre Q, faisant penser à celle, la vraie, du Royaume-Uni, et dont le chanteur aimait à se coiffer sur scène. Le logo était souvent visible sur le devant de la grosse caisse de Taylor lors de leurs premiers concerts en public.
vue sur la batterie de Roger Taylor, durant un concert "A Day At The Races Tour" en 1977 - © queenphotos.wordpress.com

•  Plusieurs pochettes d'albums du groupe seront également ornées des variations de cet emblème, que ce soit sur le recto ou parfois au verso, comme celles-ci parmi les plus représentatives (auxquelles on peut rajouter les nombreuses compilations "Greatest Hits", comme celle visible plus haut).
pochette de "A Night at the Opera", 4e album du groupe sorti en novembre 1975 (au Royaume-Uni)

pochette de "A Day at the Races ", 5e album du groupe sorti en décembre 1975 (au Royaume-Uni)
pochette de "Queen Rocks" - compilation des meilleurs titres hard-rock du groupe sortie
en novembre 1997 en hommage à Freddie Mercury décédé en 1991
• Après la mort du chanteur de Queen:  Freddie Mercury à Londres en 1991, de causes liées au sida, les membres restants du groupe et leur directeur, Jim Beach, ont organisé le concert-hommage à Freddie Mercury pour la sensibilisation au sida, dont le produit a servi à lancer l'organisation caritative : "The Mercury Phoenix Trust". Les administrateurs actuels sont: Brian May, Roger Taylor, Jim Beach et Mary Austin, l'ex-compagne et amie la plus proche de Mercury. Un des logos connus de cette fondation reprend le symbole du phénix, en souvenir de Freddie Mercury.


 clip vidéo : Queen - A Kind Of Magic (Live At Wembley Stadium, le 11 Juillet 1986), c'est cadeau !

•  Enfin, pour l'anecdote, en 2015, le groupe lance sa propre marque de bière "Bohemian Lager", en hommage aux 40 ans de la chanson Bohemian Rhapsody. Elle est produite à Plzen, en Bohême, naturellement (c'est-à-dire en République Tchèque), et devinez quel est le logo choisi pour représenter le produit : le "Queen crest", bien évidemment ! celui figurant sur la pochette de l'album "A Night at the Opera".




les paquets de cigarettes ne sont plus commercialisés sous
cette forme "vintage" de nos jours, mais avec des habillages
neutres ou placardés d'annonces de mises en garde contre les
 méfaits du tabagisme sur la santé, photos trashes à l'appui !
•  Et pour terminer ce sujet, voici une marque bien connue surtout des fumeurs et par d'autres également pour d'autres raisons que nous allons découvrir.  Même si ce genre de produit dont les bienfaits, s'il y en a, ne sont plus dans l'air du temps actuel, du fait de la lutte anti-tabac, justement menée pour réduire le cancer des poumons et autres maladies cardio-vasculaires, il mérite notre intérêt pour autre chose : un petit détail dans l'habillage de son design graphique :
les deux dates correspondent à la période d'existence de la
 colonie hollandaise en Amérique du Nord
Peter Stuyvesant est une marque de cigarettes blondes américaine. Lancée initialement en Afrique du Sud en 1954 et, plus tard, commercialisée à New York en 1957, la marque a été officiellement lancée dans le monde entier la même année  Elle appartient de nos jours à l'entreprise allemande Reemtsma Cigarettenfabriken GmbH, qui détient également les marques Davidoff et West. C'est aujourd'hui une filiale du groupe anglais Imperial Tobacco. La marque est vendue dans 55 pays et est particulièrement populaire en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans la plupart des pays d'Europe, mais étrangement, elle est moins connue aux États-Unis. En France, les fumeurs la désignent simplement sous le nom abrégé de "Peter"; Stuyvesant étant un terme imprononçable, pour la plupart !

  La marque de cigarettes porte le nom de Peter (ou Petrus) Stuyvesant, ancien directeur général de la colonie hollandaise de Nieuw-Nederland, en Amérique du Nord, de 1647 à 1664. Sa capitale était alors Nieuw Amsterdam (Nouvelle-Amsterdam en français), qui deviendra la future New York City à partir de 1674, quand elle sera prise par les Anglais.
portrait de Peter Stuyvesant, vers 1660 (peintre inconnu,
 attribué à Hendrick Couturier et anciennement considéré
 comme un Rembrandt.) - Peinture à l'huile sur bois,
Société historique de New York.

portrait de Peter Stuyvesant sur un timbre de la
 poste des Pays-Bas émis en 1939
timbre commémorant la création du corps des premiers pompiers volontaires
en Amérique, en 1648, sous la gouvernance de Peter Stuyvesant (en médaillon)
émission de la poste des États-Unis d'Amérique en 1948
Armoiries proposées pour la ville de Neeuw Amsterdam, colonie de Neeuw Nederland. Dessin préparatoire en vue d'une présentation
de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (dont les initiales GWC sont visibles sur la couronne),
vers 1630 (auteur inconnu). Don de J. Carson Brevoort. 1885. Une copie non datée est visible à la Société historique de New York
L'écu d'armoiries reprend celui des armes de la ville-mère d'Amsterdam surmonté d'un castor et supporté par deux autres animaux semblables. Rappelons que les commerçants hollandais s'approvisionnaient en fourrures diverses par l'intermédiaire des amérindiens. 
• Le gouverneur Stuyvesant ne semblait pas posséder d'armoiries personnelles, du moins elles ne nous sont pas connues. Et donc c'est ce symbole des armes de la Nouvelle-Amsterdam avec le castor au-dessus que nous retrouvons dans le logo de la marque de cigarettes,  avec toutefois une variation inexpliquée : la couleur du pal central est rouge.  Cependant les produits commercialisés en Allemagne (comme celui ci-dessous) montrent une extrapolation du vrai blason d'Amsterdam, avec pal de sable (noir) et y compris les lions en supports, exit le castor !

armoiries de la ville d’Amsterdam (Pays-Bas)
• Dans les années 1980, la marque a connu une augmentation de ses ventes grâce à diverses campagnes de publicité dans les cinémas et à l'offre de cigarettes dans les avions de la compagnie aérienne néerlandaise KLM

ancienne affiche publicitaire pour la marque liée aux transports aériens 




Si vous avez aimé, alors à bientôt pour une nouvelle série sur le même thème.
N'hésitez à me faire part de vos remarques, commentaires, ou vos critiques....



Crédits :
passer votre souris sur les images pour lire la source documentaire de chacune 


Pour poursuivre le thème, voir le chapitre #04 → ICI

ou revoir le chapitre précédent #02 → ICI




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