samedi 18 juin 2016

Recueil d'armoiries de villes de France peintes au XVIe siècle - chapitre #04 - Parlements de Normandie, de Bretagne et de Bourgogne

blason de la ville de Saint-Lô (Normandie)
avec une licorne réduite à sa seule tête : surprenant ! 
 fin du XVIe siècle - manuscrit Fr 17256
 N ous voici de retour pour remonter dans le temps des premiers blasons municipaux avec l'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries peintes en couleurs de villes de France. Il est en effet bien antérieur d'au moins trois quarts de siècle à celui réalisé par Pierre de La Planche dont je publie régulièrement des extraits depuis plusieurs années . Il est bien sûr aussi et encore plus ancien que l'illustre Armorial Général de France de Charles d'Hozier qui fait souvent référence pour l'ancien régime, avant la Révolution française et la suppression des armoiries en 1790. La date exacte est difficile à évaluer avec précision, mais nous sommes à coup sûr dans les dernières années du XVIe siècle, plutôt au début du XVIIe grâce à certains indices que nous avons notés dans les précédents volets.

 Voir la description initiale de notre armorial du XVIe siècle (BNF / Français 17256) dans le premier volet: → ICI, ainsi que le chapitre précédent :  #03

 Comme je le fais pour l’Armorial de La Planche, je propose à titre indicatif et comparatif, placées en dessous de chaque page, les armoiries actuelles de chaque ville mentionnée. Cela permet ainsi au lecteur de se rendre compte de l'évolution ou de la constance du blason dans le temps en un peu plus de quatre siècles.

 Nous poursuivons la découverte de ce précieux manuscrit avec une région entrevue la dernière fois avec le blason de la ville de Rouen : la Normandie. Ce seront les villes importantes du Parlement de Normandie, pour être plus précis. Puis nous passerons en revue celles du Parlement de Bretagne, pour finir avec le Parlement de Bourgogne. Je le rappelle encore : ces divisions administratives de l'Ancien régime, les parlements, représentaient l'autorité législative et judiciaire au nom du roi à travers tout le royaume. Il y en avait dix à cette époque, et elles étaient de tailles inégales (voir → ICI).

folio 112 r. (recto) :  Pont-de-l'Arche /  Honfleur /  Dieppe  /  Pont-Audemer /  Bayeux /  Falaise

Pont-de-l'Arche
Dieppe
Honfleur


Pont-Audemer
Falaise
Bayeux

• On s'étonnera en premier lieu de la graphie étrange "Pontheau de Mer" qui ressemble à une blague !
On remarquera également sur ces armes de Pont-Audemer la présence d'un lion passant sur le pont qui a disparu par la suite du blason "moderne".

• Ensuite on notera que tous les villes de cette page du manuscrit ont un blason composé d'un chef de France : "d'azur à trois fleurs de lis d'or". Seules trois de ces villes l'ont conservé aujourd'hui.  Au demeurant, le reste des figures et des émaux a peu varié sauf dans les détails : Pont de l'Arche avait une rivière d'azur, elle est désormais de sinople; Honfleur avait une mer en pointe, mais pas Dieppe, et le château de Falaise n'était pas encore posé sur son rocher.

• Voir l'évolution des blasons au siècle suivant, avec La Planche (après 1669) ou d'Hozier (après 1696):
Pont-de-l'Arche, Honfleur, Pont-Audemer  → ICI       Dieppe → ICI          Bayeux, Falaise → ICI                        


folio 112 v. (verso) :  Le Havre de Grâce   /   Lisieux   /  Louviers   /  Saint-Lô  /  Vernon  /  l'Abbaye de Jumièges

Le Havre
Louviers
Lisieux

Saint -Lô
Jumièges
Vernon

• A nouveau de drôles d'orthographes : "Lixieulx" pur Lisieux et surtout "L'Ouviers" pour Louviers !
Par contre "Le Havre de Grâce" était bien le nom originel du nouveau port créé en 1517 par le roi François Ier,  c'est pourquoi nous avons une salamandre, son emblème personnel dans le blason de la ville du Havre.  Le Havre a perdu sa "Grâce" pendant la Révolution.

• On notera les évolutions de figures : la licorne de Saint-Lô, le rajout de partitions (récentes) pour Le Havre et Louviers ou encore des changements de couleurs d'émaux : Le Havre, Lisieux.

• Enfin nous découvrons un cas spécifique de transfert d'identité avec le blason de Jumièges, qui est passé des armoiries ecclésiastiques de l'Abbaye à celles de la commune. L'illustre établissement religieux a en effet cessé d'exister pendant la Révolution, après avoir été vendu comme bien national, il a été partiellement démoli par son acquéreur.

• Voir l'évolution des blasons au siècle suivant, avec La Planche (après 1669) ou d'Hozier (après 1696):
Le Havre  → ICI      Lisieux → ICI       Saint-Lô → ICI           Louviers, Jumièges → ICI
Vernon → ICI


folio 113 r. :  Caen  /   Caudebec   /   Gisors   /   Évreux   /  
Parlement de Bretagne -  Rennes   /   Nantes

Caen
Gisors
Caudebec-en-Caux
Évreux
Nantes
Rennes
• Encore des noms de villes avec des orthographies étranges : "Cams" pour Caen et "Eüvreulx" pour Évreux.

• J'ai déjà expliqué l'évolution du blason de Caen (voir le lien ci-dessous). Quelques petits changements pour les autres : je vous laisse les découvrir , comme la variation de couleurs de champ observable pour Caudebec-en-Caux.  

• Voir l'évolution des blasons au siècle suivant, avec La Planche (après 1669) ou d'Hozier (après 1696):
 Caen → ICI            Caudebec-en-Caux → ICI            Gisors → ICI            Évreux → ICI
Rennes → ICI             Nantes → ICI



folio 113 v. :  Vannes  /  Saint-Brieuc  /  Brive  / Quimper  /  Dinan en Bretagne  / Ploërmel
Vannes
Brive-la-Gaillarde
Saint-Brieuc


Quimper
Ploërmel
Dinan
• Ce folio est très intéressant à plusieurs titres.
- du point de vue toponymie encore une fois avec : Sainct Brieü , Güyber (pour Quimper !), Dinam en Bretaigne et Plüermel.
 - les évolutions du blason : changement d'émaux pour Vannes, Saint-Brieuc ou Ploërmel ; figures : une couronne pour l'hermine de Vannes , un animal hybride étrange et indéfinissable pour Ploërmel !
 - Le blason de Quimper : "de gueules au cerf passant d'or, au chef de France" n'est pas une erreur , il a longtemps précédé celui que nous connaissons aujourd’hui avec le bélier de Cornouailles, j'en avais déjà parlé dans un sujet → ICI
-  Et enfin, je gardais le plus surprenant pour la fin : mais que vient faire la ville de Brive (en Limousin) dans cette page consacrée à la Bretagne ? Car, même si l'on peut avoir un doute avec le nom inscrit au dessus : "Breüier", ce sont bien les armoiries de la ville de Brive que nous voyons là,   avec ces trois bouquets d'épis de blé, assemblés en forme de fleurs de lis, très caractéristiques. Il ne peut y avoir de doutes à ce sujet.
   Il y a bien eu des liens de vassalité entre le Limousin et le duché de Bretagne à partir du XIIIe siècle, c'est d'ailleurs pour cette raison que le blason du Limousin porte des hermines, mais ceci n'explique pourquoi Brive aurait été rattachée au parlement de Bretagne, alors que nous l'avons vu précédemment : Limoges ou Tulle étaient elles, rattachées au Parlement de Paris.
   L'auteur s'est-il trompé, voulait-il illustrer une autre ville comme Brest, par exemple ? On ne le saura jamais. Le mystère reste donc entier pour le moment ....


• Voir l'évolution des blasons au siècle suivant, avec La Planche (après 1669) ou d'Hozier (après 1696):
 Vannes, Saint-Brieuc → ICI                Brive → ICI              Quimper → ICI            Dinan,  Ploërmel → ICI



folio 114 r. :  Parlement de Bourgogne - Dijon  /  Autun  /  Bourgogne moderne  /  Charolais  /  Semur  /  Avallon

Dijon
Bourgogne moderne
Autun

Charolles / Charolais
Avallon
Semur-en-Auxois


• Des changements de couleurs de champ à Autun et  Semur-en-Auxois , des bordures rajoutées aux partitions de Dijon (orthographiée Digion), Autun (orthographiée Austün) et Semur-en-Auxois (Semeur) , un rocher au pied de la tour d'Avallon, ce sont les différences les plus notables que l'on peut observer.

• le nom d'Avallon  est complété par la devise de la ville "TURIS AVALONIS" qu'on connait aussi sous la forme "TURRIS AVALONUM".


• Voir l'évolution des blasons au siècle suivant, avec La Planche (après 1669) ou d'Hozier (après 1696):
 Dijon → ICI                    Autun, Charolles → ICI                   Semur-en-Auxois, Avallon → ICI




  C'est tout pour cette fois. Nous reviendrons très rapidement avec la suite de ce manuscrit très intéressant pour l'histoire de l'héraldique municipale de la France, qui remet en question bon nombre de certitudes affichées par nos auteurs contemporains sur l'antériorité de tel ou tel blason.

Suite de cette section du manuscrit consacré aux villes de France : feuillets suivants  → ICI

 Crédits :
- Le manuscrit complet "Français 17256" est  consultable en ligne sur le site : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8528582x/
- Les blasons "modernes" proviennent pour la plupart du site incontournable :  armorialdefrance.fr
sauf ceux de Brive, Bourgogne moderne et Charolais.
Je remercie chaleureusement son webmaster à cette occasion.




          Herald Dick





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