mercredi 4 juin 2014

Géo héraldique #11 : petit armorial du D-Day,
le 6 juin 1944 - Premier volet : les opérations aéroportées mémorisées dans les blasons des communes.

Avant de commencer , et pour comprendre mon concept de "Géo-héraldique", je vous renvoie aux explications de mon premier article : Géo héraldique #01 .
 Le thème, en ces jours de mémoire collective, est basé sur la plus grande opération de conquête militaire qui n'a jamais eu lieu, en un seul jour, dans l'Histoire: le parachutage et le débarquement de plus de 150.000 hommes et des milliers de tonnes de matériels dans la nuit du 5 au 6 et aux premières heures du matin le 6 juin 1944. Le tout est étendu sur un front d'environ 60 Kms composé en majorité de plages et de petites falaises, sous le feu de l'ennemi, surpris mais bien armé dans ses bunkers. Cette opération avait été nommée "Overlord" (Chef suprême en français) et dirigée par un commandement anglo-américain composé de 15 nationalités mais en majorité des américains, des britanniques et des canadiens. Puis s'en est suivi la bataille de Normandie, plus difficile que prévue, pendant deux longs mois, pour déloger l'ennemi de ce pays, mais qui a laissé des traces irréversibles dans le paysage et dans des milliers de familles à travers le monde entier.
armoiries de la province de Normandie - carte postale dessinée par Robert Louis ( années '1950).
écusson du SHAEF (Supreme Headquarters
Allied Expeditionary Force) en 1944, dont le
 commandant en chef était le Général
américain Dwight Eisenhower. Le SHAEF
était basé en Angleterre, à Londres.
 Je ne vais pas retracer toute l'histoire, j'en suis totalement incapable et puis vous la connaissez certainement. De nombreux médias s'en sont chargés ces dernières semaines en vue de cette commémoration exceptionnelle avec entre autres une réunion de chefs d'États et de têtes couronnées.
Par ailleurs, il existe une quantité phénoménale de littérature, de documentaires cinéma et télévision, y compris les fictions, sans compter la presse et internet qui cumulent des milliers d'heures de témoignages à découvrir.
 Et il y a encore les musées et les sites de mémoire eux-mêmes sur place qu'il faut avoir visité pour se rendre compte de ce qu'a été la vie d'enfer pour ces soldats; mais aussi pour les civils, durant ces quelques mois de 1944. Les civils, justement, nous qui nous plaignons facilement aujourd'hui avec nos petits problèmes de vie quotidienne et de pouvoir d'achat, pouvons nous imaginer ce qu'était de ne plus avoir de famille, de maison, de nourriture, d'eau, en une seule journée ou une seule nuit ?

Je vous propose ce sujet pour illustrer, à ma manière, cette période de notre histoire, en recensant les traces qu'elle a pu laisser dans l'héraldique locale, en particulier celles des communes. Parallèlement, un petit condensé, non exhaustif, de quelques emblèmes d'unités militaires et autres symboles agrémenteront le parcours. Certains d'entre eux, remarquables, ne détonneront pas dans une étude consacrée aux blasons.


Timbre de Jersey (2004) illustrant sur la carte, les deux zones
 de largages aériens dans le Cotentin à gauche et sur le flanc
de Juno /Sword Beach à droite
D'abord, chronologiquement parlant, nous commençons par les opérations aéroportées : ce sont les parachutages de soldats, et de matériels, ou déposés au sol à l'aide de planeurs, mais aussi les bombardements aériens ciblés d'objectifs militaires ou stratégiques en vue de préparer le terrain pour le débarquement. Certaines de ces opérations ont commencé la veille : le 5 juin. Elles faisaient partie de "l' Opération Neptune".


écusson de la 1ère armée
 aéroportée alliée

insignes des 101e et 82e divisions aéroportées américaines
unités de parachutistes larguées dans le Cotentin
les armoiries de la commune de Sainte-Mère-Église ( Manche)
Dessinées par Robert Louis. Les parachutistes américains de la 82e et 101e Airborne sont matérialisés par une étoile soutenue par deux parachutes. L'église est là pour les armes parlantes, mais on se rappelle aussi pour l'anecdote (contestée) qu'un parachutiste du nom de John Steele est devenu un héros en loupant son atterrissage, alors que son parachute reste accroché au clocher de l'église pendant 2 heures au risque d'être repéré par des soldats allemands.
Les lettres A et M onciales sont certainement les initiales de Ave Maria  (voir note de M. Joulain dans les commentaires)
 Notez la date sur la banderole : 5 JUIN 1944 , nous sommes bien la veille du D-Day
le parachutiste est toujours accroché au
clocher de Sainte-Mère-Église !
commune de Sainte-Mère-Église 
 ( Manche)


Sainte-Mère-Église : d'azur à l'église d'argent, essorée d'or, chargée des lettres onciales de sable A à dextre, M à senestre, accostée en chef de deux parachutes aux suspenses desquels est appendue une étoile, le tout d'argent; à la champagne cousue de gueules chargée d'un léopard d'or, armé et lampassé d'azur. 
 Commune décorée de la Croix de guerre 1939-1945.

écussons de gauche à droite de la 8th U.S Air Force, le 9th Troop Carrier Command et la  9th U.S Air Force,
 unités aériennes américaines engagées dans la Bataille de Normandie
 Douglas C47 restaurés et repeints aux couleurs spéciales adoptées
pour le D-Day, notamment ces cinq bandes blanches et noires.

Une grande mission est confiée aux parachutistes américains dans le Cotentin pour sécuriser le pays, les routes, en particulier celles menant à Utah Beach, en vue du débarquement des soldats et du matériel, mais aussi les ponts et nœuds de communications pour accéder et libérer plus tard le port de Cherbourg, objectif primordial pour la suite de la bataille.  Cette zone est composée de nombreux marais et a été inondée volontairement par les allemands. Des batteries côtières allemandes doivent être neutralisées également.
.
commune de Chef-du-Pont  ( Manche)
C'est par Chef du Pont que les troupes américaines
des 507e et 508e régiment de parachutistes
réussirent à traverser le marais, surprenant l'ennemi
le 6 Juin, à 11 heures. Le pont est donc là symbolique
à deux titres  : armes parlantes et Histoire.
Point Km 0 de la Voie de la Liberté vers Paris
(elle passe au sud de Paris) - cette borne 0 est située à
Sainte-Mère-l'Eglise et matérialise le départ du parcours
de la IIIe Armée américaine du Général Patton,
qui prend fin à Bastogne, en Belgique.
Ces bornes sont disposées à certaines points importants
tout le long de la route. La flambeau est emprunté
à la statue de la Liberté à New York.
Chef-du-Pont : De gueules à la fleur de lis d'or surmontée de deux léopards du même, armés et lampassés d'azur et soutenue d'un pont droit de trois arches d'or maçonné de sable sur une rivière d'azur.


insigne de la 6e division aéroportée
britannique déployée dans le Calvados
 Une autre opération d'envergure similaire se déroule dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, sur l'autre flanc de la zone prévue pour le Débarquement, dans les environs de Caen. C'est "l'Opération Tonga" entreprise pour sécuriser ponts et routes, neutraliser des batteries du Mur de l'Atlantique et bloquer une contre-attaque allemande venant de l'est. Elle est menée par des soldats britanniques et canadiens surentraînés depuis deux ans en vue de ce jour. Un des objectifs célèbres est le Pont de Bénouville, sur l'Orne, qui sera renommé plus tard "Pegasus Bridge" en hommage à l'emblème de la 6e Airborne britannique : le cheval ailé Pégase, chevauché par Bellérophon.



commune d' Amfréville  (Calvados)
Située non loin du Pegasus Bridge, la ville fut libérée
aux premières heures du 6 juin : la colombe et le
parachutiste symbolisent ainsi la Liberté arrivée du ciel .
Amfréville : Parti : au 1er d’azur à un soldat d’or suspendu à son parachute d’argent, le tout surmonté d’une colombe volante du même, au chef de gueules chargé de deux léopards d’or l’un sur l’autre ; au 2nd de sinople à une gerbe de blé d’or, au chef cousu d’azur aux deux fasces ondée d’argent et à la barque contournée de gueules habillée de même brochant sur le tout.

planeurs Airspeed Horsa qui ont déposé en silence et au sol la plus grande partie des commandos britanniques dans la nuit du 6 juin.
Prise du Pont de Bénouville - Pegasus Bridge- le 6 juin 1944 sur le Canal
 de Caen - on voit les planeurs Horsa abandonnés au loin dans un pré
écusson du 1st Special Service
 Brigade britannique
 ( British Commandos)
écussons du 1st Canadian Parachute
Battalion et de la 6e Airborne
la batterie allemande de Merville, avec un Douglas C-47 Dakota derrière,
 éléments du musée de  Merville . Ce bunker faisait partie du dispositif du
 Mur de l'Atlantique. Merville défendait tout le secteur de l'estuaire de
 l'Orne, et menaçait de ses tirs les plages du débarquement (Sword Beach).
 C'était donc un des objectifs prioritaires à neutraliser par le Haut
Commandement allié (SHAEF)  avec l'aide des commandos des unités
 aéroportées du 6e Airborne.

la batterie allemande équivalente de Longues sur Mer,  entre Omaha et Gold Beach,
 qui a exceptionnellement conservé son canon et qui donne une idée plus conforme
de l'impressionnant dispositif  du Mur de l'Atlantique.


commune de  
Fougerolles-du-Plessis (Mayenne)
  La Résistance française a contribué pour beaucoup à la préparation et à la réussite du Débarquement notamment par les renseignements sur le terrain fournis aux état-majors des commandements alliés.
  Mention spéciale à une petite commune de la Mayenne située juste en limite de la Normandie et dont le blason appelle à nous conter son histoire.


Fougerolles-du-Plessis : D'or au lion de gueules au chef d'azur chargé de 3 parachutes d'argent auxquels sont appendues trois étoiles du même.
Décorée de la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de bronze.






Stèle commémorative érigée sur le lieu
des parachutages nommé "Panama"
  Avant la Révolution, Fougerolles dépendait en grande partie des seigneurs de Goué du Marchais dont les armes étaient "d'or au lion de gueules".
Les 3 parachutes d'argent sur un fond "couleur du ciel", soutenant l'étoile -symbole des Armées Anglo-Américaines libératrices- évoquent à la fois le dévouement patriotique et les faits de résistance de ses habitants, qui, notamment en 1944, participèrent aux parachutages effectués sur le territoire de Fougerolles-du-Plessis. En une semaine, 39 tonnes d'armes furent parachutées dans le champ de Panama. Après le débarquement, le commandant britannique J. B. Hayes, dit "Eric", a été parachuté avec une mission spéciale : préparer  la percée d'Avranches après le débarquement.  Le courage héroïque de plusieurs de ses habitants sera sanctionné par l'occupant, dénoncés par la milice, ils seront fusillés par les S.S.

Pour ces faits, Fougerolles-du-Plessis a reçu le 21 février 1950 la Croix de Guerre, étoile de bronze, avec cette citation : "Commune de la Mayenne, point de réunion d'organisations de résistance qui, de mars 1943 à août 1944, ont harcelé sans cesse l'occupant et participé à la réception de plusieurs parachutages. En dépit de sanglantes représailles, n'a jamais cessé de manifester son activité dans la lutte clandestine".                                             
source textuelle : www.fougerolles.du.plessis.mairie53.fr



Voilà pour ce premier volet qui n'est pas, je le répète, un récit ultra-documenté sur le Débarquement du 6 juin 1944, mais juste une petite étude thématique en marge de l'évènement, dans le domaine de l'Héraldique. En l’occurrence, on a ici réunis (sauf erreur de ma part) la totalité des blasons communaux de France qui comportent une référence au parachutisme.

A bientôt pour la suite du dossier D-Day et Bataille de Normandie →


Si vous voulez suivre sur le terrain les nombreuses festivités du 70e anniversaire du D-Day, il y en a tous les jours jusqu'au 15 juin, voici le programme →   Bonne visite....


            Herald Dick




4 commentaires:

  1. Génial !
    Petit commentaire sur Sainte-Mère-Eglise : le A M (en lettres onciales et non grecques) rapprocheraient plutôt du AVE MARIA, donc un M, invoquant la Sainte-Mère de l'église, dédiée à Notre-Dame.
    Nom médiéval de la commune : Sancta Maria Ecclesia. Cette interprétation, plus dans l'esprit de Robert Louis, parait logique avant d'aller chercher les grecs
    Bravo ! Nous attendons tous la suite !
    Denis Joulain

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    1. Merci infiniment, venant d'un "pro" j'apprécie le compliment à sa juste valeur !
      la suite "débarquera" cette prochaine nuit aux premières heures, comme une histoire parallèle à +70 ans !
      Votre explication pour les lettre A et M est convaincante. Alpha et Oméga était une hypothèse vue ailleurs .
      HD

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    2. Superbe Site.
      Une petite information concernant la photo de la batterie de Merville. Celle-ci n'est pas la batterie de Merville mais celle de Longues-Su- Mer, situé entre les plages d'Omaha Beach et de Gold Beach. C'est l'une des rare batteries (si ce n'est pas la seul) à avoir encore ses canons. La batterie comprend 4 casemate avec chacune un canon de 152 mm encore présent.
      Pascal

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    3. Merci Pascal, pour le compliment ..
      et la précision de votre description : on voit le passionné que vous êtes !
      moi c'est plutôt les blasons, d'où la confusion : je vais donc chercher la bonne image !
      bien à vous
      HD

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